Leçon d’intégration n°1

Après l’épisode « Souviens-toi… l’hiver dernier » où je voyageais en train, me voilà plus proche de Chronos avec un souvenir de janvier 2020. Assise cette fois-ci dans le bus, je croise mon voisin avec lequel nous échangeons quelques paroles maladroites en allemand. Après s’être assurés que tout allait bien, selon la formule d’usage « ça va ? Oui ça va, et toi ? », il  me demande :

– Tu rentres de l’école ?

Stupéfaite, je lui réponds :

– Non, je travaille (mon sac à dos l’induit peut-être en erreur ! ou alors ma tête ?).  

Sur le chemin de l’école  

En réalité, il n’y a pas d’âge pour apprendre. Marcher toute sa vie sur le chemin de l’école peut faire découvrir des horizons aussi lointains que merveilleux. Mais s’il est coutume de dire que tous les chemins mènent à Rome, toutes les écoles mènent-elles au but recherché ?

La notion d’éducation et de formation tout au long de la vie, définie par la Commission européenne en 2001, regroupe « toute activité d’apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi ». Elle repose sur trois principes: « place centrale de l’apprenant, égalité des chances, pertinence et qualité de l’offre de formation». En Suisse, la politique du Conseil fédéral, née de son initiative visant à combattre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mise sur quatre priorités dont l’une d’elle : se former de manière continue et relever le niveau de qualification répondant aux besoins du marché du travail. Malheureusement, les statistiques suisses montrent qu’il y a encore du travail en matière de formation continue, car plus on avance en âge et plus on s’abstient.

Pour ma part, je veux un chemin d’école qui, tous les jours, me donne l’envie d’entreprendre, de créer, de mieux être et me connaître, d’aimer et de grandir encore. Sortis du bus, mon voisin et moi continuons à marcher sur les pistes de notre enquête :

– Quel âge as-tu ?

– 9…euh non 10 !

– Tu as 9 ans alors ?

– Non 10 : mon anniversaire c’est demain !

Le lendemain, jour J de son anniversaire, je décide de glisser dans sa boîte aux lettres une carte de vœux avec un bon cadeau d’une librairie à Berne. Quelle chance ! C’est l’occasion de faire plaisir à mon voisin et de trouver l’inspiration pour une « leçon d’intégration n°2 ».

 

Sources et références:

Hélène Agbémégnah

Juriste de formation, ses expériences professionnelles et personnelles lui ont permis, entre autres, de côtoyer des problématiques liées à la migration et à la diversité. Elle a été membre de la Commission fédérale des migrations (CFM) pendant quatre ans et s’intéresse, dans ce blog, à partager ses vues et réflexions multiples.

6 réponses à “Leçon d’intégration n°1

  1. Chère Hélène, et au risque de me répéter, vous avez un vrai talent.
    Alors ne le gaspillez pas à éplucher des statistiques suisses, please, ne tombez pas dans ce jeu là!

    Vous citiez Aimé Césaire, faites comme lui, la vie est pleine d’embûches, pour moi aussi 🙂

    bonne continuation

    1. Cher Olivier, merci pour vos appréciations. Vous avez raison, l’être humain est bien complexe et son comportement ne peut être résumé par des chiffres. Alors j’espère bien que chaque lectrice et lecteur s’est déjà affranchi de ce carcan-là… Ceci dit, les graphiques ont de jolies couleurs, égayent un peu la lecture et permettent une diversité des points de vue. Bonne journée et à bientôt!

  2. Quand j’étais enfant, vers l’âge de dix ans et ensuite, j’osais et désirais parler aux personnes qui ne me regardaient pas comme au travers d’une vitre. Avec mes camarades c’était évidemment différent, il n’y avait aucune vitre, même avec celui jamais vu : « Tu t’appelles comment ? » Pensez-vous que ce soit votre sac à dos, ou votre visage adolescent à première vue qui aurait joué un rôle ? C’est d’abord parce que vous êtes à l’aise pour avoir des contacts avec d’autres tranches d’âge que la vôtre, et je suis certain qu’avec vous le troisième âge n’est pas mis de côté. C’est il y a soixante ans que j’avais dix ans, je n’ai pas que de bons souvenirs d’adultes qui s’adressaient à moi, le plus souvent pour m’apprendre la discipline, mais étant donné qu’avec mes parents je vivais tantôt dans une jungle assourdie de cris de grands oiseaux, tantôt dans un désert silencieux de totale liberté, j’avais le pouvoir et le bonheur d’envoyer vite promener les personnes dites sérieuses parce que conventionnelles. Mais j’avais le bijoutier qui m’invitait dans son atelier pour m’apprendre à fabriquer une bague, le garagiste qui me montrait un carburateur démonté et m’offrait mon premier tournevis. Et cette dame inconnue qui me faisait parfois signe, à qui j’avais offert un chapeau fabriqué avec du fil de fer et un bout de nappe… Pour ces gens croisés partout, j’existais. Et à cette époque, en posant mes mains sur la vitrine pleine de buée du bistrot, je voyais des jeunes hommes à chapeau et jeunes femmes à foulard rire avec des pépés qui toussaient en fumant un cigare. C’était les contacts intergénérationnels simples qui aujourd’hui n’existent plus. Les vieux sont seuls, les enfants vont au centre de loisirs, et pendant ce temps les célibataires et les mariés travaillent, travaillent, travaillent… à se développer en plus de travailler pour remplir le frigo.

    Vous avez répondu à l’enfant dans le bus : « Non, je ne vais pas à l’école, je travaille… » Pas seulement pour remplir le frigo, mais aussi pour développer des contacts entre tous. Et cet enfant lui aussi a travaillé comme vous, en plus de l’école, à pouvoir être un peu plus ensemble dans la vie.

    1. Cher Dominic, vous nous faites part d’un précieux témoignage qui, j’espère, sera lu avec attention par nos lectrices et lecteurs. C’est une belle histoire que la vôtre et, heureusement que vous avez eu de bons contacts avec les adultes, comme vous dites. Effectivement, il manque dans nos sociétés stressées le sens du lien intergénérationnel. Ce lien est nécessaire, car il permet à chaque génération d’apprendre (gratuitement) et d’échanger les expériences. Mais, ceci dit je suis optimiste, car il existe aussi des projets très intéressants que je vous invite à regarder: https://www.intergeneration.ch/fr/projets/la-roseraie-home-pour-personnes-agees-et-la-creche-barbapapa. Passez un excellent week-end!

      P.S: et pour répondre à votre question: oui effectivement, l’âge et les générations ne sont pas forcément une barrière pour moi (histoire de famille oblige) et j’ai aussi enseigné à différentes tranches d’âge, ce qui facilite l’absence de “vitre” 🙂

      1. « La Roseraie & Barbapapa » est une bonne nouvelle, je ne doute pas que les petits qui communiquent leur monde affectif tout neuf sauront toucher la mémoire de gens âgés. J’en ai vu de ceux-ci, malades ou très âgés, qui avaient presque tout oublié de leur vie, sans avoir perdu « la mémoire dans leur cœur ». Je me souviens maintenant d’une scène qui m’avait ému. Il ne s’agissait là pas d’enfants mais de petits poneys ( ! ) choisis pour leur caractère doux et affectueux, qu’une association menait entre les fauteuils dans les salon des EMS : une dame serrait le poney dans ses bras comme si elle retrouvait quelque chose qu’elle avait perdu depuis très longtemps. Les enfants de la Roseraie ne seront bien sûr pas des poneys, mais ils réveilleront aussi cette mémoire souvent sans paroles, encore bien en vie.

        Merci pour vos articles qui témoignent de votre sensibilité et du désir que chacun puisse vivre dans un monde meilleur.

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