« En tant que Rectrice, je peux aussi vous assurer que la Direction fait tout pour assurer la continuité de l’institution et la poursuite de l’enseignement. (…) Des mesures ont été mises en place pour l’enseignement à distance. Les services et les facultés travaillent d’arrache-pied pour arriver à couvrir tous les besoins. Cela prendra encore un peu de temps, je vous remercie déjà de votre patience ! »
Cette impression du temporaire laissée par la Rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez au début de l’épidémie due au Coronavirus, dans cet extrait de son message du 17 mars 2020, semble être devenue du définitif, quoique définitif-provisoire nous l’espérons. Voici donc déjà pratiquement un an que l’enseignement à distance et le télétravail (pour les collaboratrices et collaborateurs de l’université) sont devenus la règle. Cette situation hors normes a des conséquences réelles sur toutes et tous mais il doit être aujourd’hui question, comme en 2020, de savoir tirer le meilleur de cette d’expérience.
C’est vrai, c’est difficile…
La difficulté à suivre les cours, confiné chez soi ou presque, et à étudier malgré tout, est palpable. La plupart des étudiants, sinon tous, sont d’accord avec le fait que l’effort physique qu’impliquent les réveils, préparations et déplacements vers le campus (amphis, auditoires et/ou salle de cours, de travaux pratiques, laboratoires) est plus favorable à une meilleure concentration durant les cours dispensés et donc à une meilleure assimilation de ceux-ci. Sans occulter le fait qu’il est plus aisé d’échanger tant avec les enseignants à la fin d’un cours ou pendant des pauses, qu’entre étudiants dans les couloirs des bâtiments ou sur les chemins et espaces verts paisibles du campus. Cette unanimité est également présente chez les enseignants : devoir enseigner sans avoir en face de soi les étudiants et s’assurer (même seulement parfois par leurs expressions faciales) qu’ils comprennent ou pas la leçon et, le cas échéant, revenir ou insister sur un élément plus que sur un autre, est une réalité que personne d’eux ne préfère. Au delà de ce qui est généralement connu, les inconvénients de cette crise sanitaire de la Covid-19 s’observent jusque sur le terrain de la psychologie. Pour beaucoup d’étudiants, leur santé mentale est mise à mal par la charge de travail à distance, l’inquiétude, l’isolement social, les difficultés financières qui s’accroissent. L’augmentation des demandes de soutien psychologique par rapport aux années précédentes l’atteste. En l’occurrence, les services de pédopsychiatrie du CHUV de Lausanne font état d’une hausse de 60% des hospitalisations entre juin et septembre 2020. Le Dr. Arnaud Pictet, psychologue au pôle santé à l’Université de Genève explique que les étudiants sont particulièrement à risque face aux problèmes de santé mentale parce qu’ils « sont dans une phase de transition avec plein de défis et d’enjeux dans leur vie académique, sociale et relationnelle. Ils doivent faire appel à des ressources importantes tout en devant être autonomes et en ayant à gérer le stress des études, en ayant à se constituer un réseau d’amis et éventuellement d’avoir une première relation romantique sérieuse et de construire une sorte d’avenir professionnel avec toute l’incertitude qui caractérise le monde aujourd’hui ».
Il apparaît donc clair que la vie sociale, et partant, la vie en général, en a pris un sérieux coup.
… mais, contre mauvaise fortune, faisons bon cœur.
« Contre l’adversité se prouve l’homme fort. » Cette assertion du poète français Maurice Scève nous rappelle combien nous devons être à la hauteur de cette crise. D’ailleurs allons plus loin en n’étant pas seulement à la hauteur, mais en retirant le meilleur de la situation. C’est un secret de Polichinelle de dire qu’une vie sociale existait déjà sur les réseaux sociaux. Seulement reconnaissons-le : elle était, pour la plupart, principalement tournée vers la distraction. Et si nous en profitions pour en faire une utilisation plus bénéfique : joindre l’utile à l’agréable ou carrément basculer de l’agréable à l’utile ? Chacun ira de sa sensibilité. En clair, les échanges autrefois possibles entre camarades et/ou enseignants sur tel sujet, exercice ou aspect de cours mal et/ou peu compris, peuvent se poursuivre sur les médias sociaux. Les facilités de communication aujourd’hui sont indéniables : profitons des nouvelles technologies, mettons-les à notre service. Les conférences organisées, quoique différemment, cette fois sous format distanciel, ne sont pas à négliger pour autant. Y participer est vivement recommandé, surtout qu’il est possible de bien élargir son réseau LinkedIn (par exemple) en ajoutant à chaque fois les différents intervenants et d’échanger avec eux pour apprendre de leur expérience professionnelle. Depuis le début de ce semestre de printemps, toutes les différentes associations de notre campus telle la nôtre (HEConomist) ouvrent grandement leurs portes à de nouveaux adhérents aux rythmes d’invitations virtuelles massives. Ce sont des lieux tout aussi idoines de rencontres et de partages, tout comme de développement de divers “skills” qui nous servirons toujours à affronter le grand défi de l’avenir qui nous attend.
Rappelons que, comme ceux qui peinent sur le poids du fardeau sont invités à le déposer auprès du Christ et trouver le repos, ceux qui sont dans le besoin sont les bienvenus dans les Facultés et les services de l’Unil pour tout problème à la fois psychologique, de santé, financier, ou autres. Les renseignements à propos des aides à disposition se trouvent à la rubrique “ Étudier ” du site web de l’Unil. Il est également possible de se tourner vers la Ligne d’aide 24h/24 au 147 ; la Ligne d’écoute de « La main tendue » au 143 ; la Centrale des médecins au 0848 133 133 ; ou encore le numéro d’urgence au 144.
Remarquons que nous pouvons objectivement penser que nous nous acheminons vers un retour progressif à la normalité ou du moins, à une normalité adaptée. Ce n’est pas l’espoir véhiculé par notre Rectrice dans son message de rentrée de printemps le 22 février passé, qui nous démentira : « Nous sommes prêts dès que nous le pourrons, à revenir à un mode de fonctionnement que je qualifierais de plus digne d’une université. Parce que s’il est dans la nature même des sciences de continuellement se remettre en question et donc dans la nature d’une institution comme l’Unil, qui produit et enseigne les sciences, de s’adapter encore et encore, les sciences présentent aussi certaines constantes et l’une de ces constantes est que la connaissance se crée, se transmet et s’apprend par les échanges entre membres de la communauté académique. Échanges dans les auditoires et les salles de cours, les labos, lors de congrès, de semestres de mobilité, ou encore au hasard d’une rencontre sur le campus ou à la cafétéria. Les échanges par écrans interposés nous permettent de tenir bon, de continuer à assurer l’enseignement ainsi que nos services à la communauté universitaire et à la société. Et pour le moment, il faut encore s’y résoudre. Mais il n’est pas dit aujourd’hui que le semestre aura lieu entièrement à distance. Comprenez-moi, je ne veux pas être imprudemment optimiste. En tant que biologiste, je sais quelles surprises peuvent nous réserver un virus et ses mutations. L’évolution de la situation épidémique au cours des deux ou trois prochaines semaines sera déterminante, et il est crucial que nous continuions tous à être très très prudents. Mais mon message c’est que si le virus et les autorités nous le permettent, nous sommes prêts à reprendre l’enseignement en mode hybride et à tout faire pour vous permettre chères étudiantes, chers étudiants, de renouer avec une vie universitaire dans toute sa richesse de rencontres et d’échanges. »
La communauté académique de l’Unil peut, avec un large sourire, se targuer pour rire, d’avoir une Rectrice qui possède une boule de cristal et qui est écoutée par les autorités fédérales. C’est ici le lieu de rappeler qu’au rang des propositions faites par le Conseil fédéral vendredi dernier, à mettre en consultation auprès des cantons pour prise de décision le 19 mars en vue d’un éventuel assouplissement à partir du 22 mars, figure en grande ligne l’autorisation de l’enseignement de nouveau en présentiel dans les Universités, Hautes Écoles et formations continues avec 15 personnes maximum par classe.
Seulement, en attendant l’effectivité de cette nouvelle phase d’assouplissements, ne perdons pas de vue que cette crise nous appelle aussi, plus que jamais, à un degré important de responsabilité : « Distance, distance ; masques, masques ; hygiène des mains, hygiène des mains » pour emprunter à la formule d’instance d’Alain Berset.
Vivien Bekam Kengne
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