“Tout ce que vous avez à faire, c’est de décider de partir, et le plus dur est fait. ” – Tony Wheeler
La question de l’échange universitaire se pose nécessairement, à un moment ou un autre dans la vie de chaque étudiant·e lors de ses études. En Suisse, nous disposons de plusieurs accords : les accords généraux, facultaires et SEMP. Ces derniers sont les héritiers helvétiques du système Erasmus connu dans le monde entier.
A l’origine, le programme Erasmus +
Erasmus + est un programme de la Commission européenne qui couvre plusieurs domaines, tels que l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport pour la période 2014-2020. Il permet à environ 4 millions d’Européen·ne·s de vivre une expérience à l’étranger tant au niveau académique que professionnel. Ces objectifs principaux vont bien plus loin qu’une petite expérience dans un pays choisi par les soins de la personne ou qu’une aventure toute droit sortie de L’Auberge espagnole. En effet, Erasmus + est défini par la Commission européenne comme « un programme en faveur de la croissance, de l’emploi, de l’équité sociale et de l’inclusion ». Il répond aux objectifs de la Stratégie Europe 2020 et du cadre stratégique Education et formation 2020. Le programme touche à plusieurs problématiques, notamment la réduction du chômage chez les jeunes, et aide à promouvoir l’éducation des adultes (adaptation des compétences demandées sur le marché du travail). De plus, il encourage aussi la jeunesse à s’investir dans leur éducation en les encourageant à poursuivre des études. A un niveau plus global, il encourage un investissement dans la vie démocratique européenne et soutient la coopération et la mobilité avec les pays partenaires de l’UE.
Mais si nous écrivons cet article aujourd’hui, c’est pour vous parler de notre cas à nous, Suisses et Suissesses, ou tout·e étudiant·e·s d’universités suisses qui ne bénéficions pas de ce programme. Nous laisserons de côté les difficultés que rencontrent les chercheuses et chercheurs dans le cadre de la collaboration entre les pôles de recherche ainsi que le cas des échanges entre étudiants de hautes écoles afin de nous concentrer sur les échanges universitaires, qui ne sont qu’une partie du (vaste) problème.
Le bouleversement du 9 février
Durant l’année académique 2013-2014, ce sont plus de 7’400 étudiant·e·s qui ont participé à un échange de ou vers la Suisse grâce à Erasmus +. Ce chiffre était d’ailleurs en nette augmentation d’année en année. Et pourtant, la success story de l’échange estudiantin a bien failli s’arrêter brutalement le 9 février 2014. Suite à l’acceptation par le peuple suisse à 50,34% de l’initiative populaire dite “Contre l’immigration de masse”, une période de flou s’installe, durant laquelle les relations avec l’Union européenne se tendent, jusqu’à la rupture des négociations de la part de Bruxelles. En avril 2014, quelque 300 étudiant·e·s enterrent symboliquement Erasmus + sur la Place fédérale. La tranche d’âge 18-29 ans s’était catégoriquement opposée à l’initiative de l’UDC dans les urnes, mais l’abstentionnisme des jeunes (seuls 17% des 18-29 ans ont pris part à la votation) a contribué à faire basculer la balance en faveur d’un repli helvétique. Fort heureusement, l’affrontement entre l’Union européenne et la Suisse sera de courte durée et le Conseil fédéral conviendra d’une alternative, dite solution transitoire, laquelle prend fin en 2020.
La solution transitoire, SEMP
Pour permettre aux étudiant·e·s de participer aux échanges européens, la Suisse a dû trouver une solution transitoire par ses propres moyens et de ce fait est devenue un partenaire du programme Erasmus +. Être partenaire de Erasmus + veut dire que la Suisse peut participer à certaines actions du programme et sous certaines conditions. Mais cette solution n’offre pas autant d’opportunités que le programmes Erasmus + et se focalise principalement sur l’enseignement tertiaire.
Cette solution transitoire se nomme Swiss European Mobility Programme (SEMP) et bénéficie notamment aux étudiant·e·s, aux professeur·e·s et au personnel des hautes écoles et écoles supérieures.
Les accords SEMP permettent aux hautes écoles et écoles supérieures de proposer des séjours dans l’un des 33 pays européens qui participent au programme Erasmus +.
Cette solution a été mise en place par Movetia (agence nationale pour la promotion des échanges et de la mobilité au sein du système éducatif) avec la collaboration de 38 institutions de formation suisses de l’enseignement tertiaire. Avec un budget de 19,7 millions pour l’année académique 2018-2019, SEMP est devenu le programme de mobilité Suisse le plus important et n’est donc plus seulement une solution transitoire. Mais hélas pas suffisant, puisque suite à la charge administrative supplémentaire engendrée par ce programme spécifique, certaines universités renoncent aux échanges avec la Suisse. Alors que la Déclaration de Bologne vise à inciter au moins 20% des étudiant·e·s de chaque État-membre à entamer un échange, la Suisse se situe désormais autour des 7%, ce qui peut au moins partiellement être expliqué par les difficultés administratives des accords SEMP.
La parole aux associations représentantes des étudiant·e·s
Nous avons contacté l’UNES, union faîtière des étudiant·e·s de Suisse, qui œuvre activement à un retour complet de la Suisse dans les accords Erasmus +. « Le mercredi 23 septembre, à Berne, aidés d’organisations de jeunesse, nous avons soumis une pétition rassemblant 10 000 signatures pour une pleine adhésion au programme Erasmus + en 2021, nous explique Florent Aymon, international officer pour VSS-UNES-USU. Cette pétition a pour but de pousser le Conseil fédéral à reprendre les négociations avec l’UE et de faire en sorte que la Suisse puisse être membre à part entière du programme européen. » Car si la solution transitoire existe, elle est jugée « insuffisante » par l’UNES et les associations représentant les intérêts des étudiant·e·s. De plus, par sa pétition, l’UNES veut alerter sur l’urgence de la situation : « Il est important de trouver un accord, afin que, lorsque la commission européenne décidera du budget en décembre prochain, la Suisse puisse se positionner. »
Même son de cloche du côté de ESN (Erasmus student network), un réseau d’associations à travers l’Europe ayant pour but de créer un environnement plus mobile et flexible pour l’éducation. Signataire de la pétition déposée à la Chancellerie le 23 septembre dernier, ESN pense qu’une association à part entière au programme Erasmus + reste primordiale. Selon Lucas Schneeberger, education officer chez ESN : « Cela ne pose pas de problème pour les institutions connues à l’étranger comme l’EPFL ou l’ETHZ mais est beaucoup plus problématique pour nos hautes écoles spécialisées, avec moins de contacts à l’international, car elles ne disposent pas de la même renommée à l’étranger pour négocier des accords ». ESN se défend également d’aller contre la volonté populaire exprimée dans les urnes le 9 février 2014 : « Les Suisses ne se sont largement pas rendu compte du changement de 2014 et n’ont certainement pas souhaité son abandon par les urnes. » Une tendance qui semble se confirmer au vu des récents échecs de l’UDC visant à limiter l’immigration.
La balle est donc désormais dans les mains du Conseil fédéral qui devra décider de la suite à donner aux échanges universitaires des étudiant·e·s suisses.
Sirine Chodan & Deborah Intelisano
Le CF est favorable, mais les intérêts de la Suisse ne vont pas être mis en balance pour une petite minorité d’étudiants, d’autant plus que nos Unis sont de bonnes qualités.
La balle est dans le camps de l’UE seulement. Les dernières votations ont exprimer juste la volonté de maintenir les bilatérales, et non de l’intégration à l’UE. L’Accord Cadre serait rejeté par le peuple actuellement.
En résumé, faîtes vos doléances à Bruxelles, à Bern, c’est inutile.
Vous mettez justement le doigt sur le problème : sans une solution de mobilité plus complète, ce n’est qu’une minorité d’étudiants privilégiés qui ont une possibilité d’échange durant leur parcours.
Avec une réassocation au programme européen Erasmus, des opportunités d’échanges seraient ouvertes à des étudiants moins aises, venant d’universités ne pouvant pas négocier des accords, mais aussi aux apprentis, enseignants et personnel académique.
Et cela constitue, sur le long terme, un interêt important pour la Suisse, bien que moins facilement quantifiable que des intérêts économiques. Nos unis sont bonnes je suis d’accord, mais isolées sans des possibilités de coopération, indispensables pour leur développement. C’est uniquement en favorisant les échanges interculturels qu’on peut avoir une Suisse plus unie.
Et cela le Conseil fédéral l’a compris en incluant la mobilité durant les études dans sa vision. Il faut maintenant agir sur cette vision !