Quand le génois Christophe Colomb est parti de la Huelva pour son voyage vers l’ouest, il avait conçu un projet avec des cartes, des espoirs et des appuis. Les espoirs et les appuis étaient sérieux mais sa grille de lecture, sa carte était incomplète.
Le 3 août 1492, 3 navires espagnols quittèrent Palos, sur le rio Tinto dans la Huelva, haut-lieu de productions agricoles parfois décriées aujourd’hui. Le 12 octobre 1492, le capitaine génois (re)découvrit l’Amérique, pensant se rendre en Asie par l’Ouest. L’Amérique se nomme ainsi grâce à un cartographe, ironie, non pas génois mais florentin: Amerigo Vespucci, les rivalités des cités commerçantes. Déjà et toujours.
Après les vikings et bien après les peuples premiers venus par le détroit de Béring, un Européen se dirigeait vers le Cipangu pour ouvrir une route rapide vers un métal précieux, des épices et des débouchés.
Ce désir de découvertes, de liens commerciaux, de nouveaux marchés, de dépasser les cadres et les limites révèle beaucoup des constantes humaines dans ces expéditions vers la terra incognita.
Ce saut dans l’inconnu va contribuer à changer le monde. Il démarre la vraie globalisation.
Toute la planète devient alors terrain de commerce. Le terrain de jeu des puissances montantes européennes devient global.
De terra incognita à terra nullius, puis de res nullius à la trilogie usus, fructus et abusus de la propriété. Repenser l’abusus ?
Nous pouvons choisir de nouvelles voies. L’urgence commande.
La chute de la biodiversité, le recul des écosystèmes primaires, l’état des océans, des eaux mettent notre survie comme espèce en jeu.
Nous fonctionnons encore très majoritairement sur la croyance que la nature et ses trésors sont à prendre. Or pour les humains qui s’y risquent, la mort reste une probabilité et la richesse une possibilité. Observer l’Amazonie sur les cartes depuis 1950.
L’erreur de Colomb a initié un changement majeur de l’histoire de l’espèce humaine.
Or qu’est-ce qu’un demi-millénaire sur l’échelle de l’histoire humaine ? Une erreur passagère ? Corrigeons-la.
La conquête a été et reste majoritairement violente pour les peuples, ethnies, civilisaitions qui résidaient sur ces terres annoncées comme vierges.
Les microbes, les virus eurent aussi une part non-négligeable dans la réussite de la domination des nouveaux venus. Cela se perpétue même avec la covid-19 et les peuples premiers de l’Amazonie en 2020.
Tristes tropiques. Similitudes avec l’Amérique du Nord qui a vu ses premiers habitants, cultures riches et liées à la nature, réduits à vivoter, décimés, dans des réserves et cela en moins de 3 siècles. Ces peuples furent remplacés dans l’engrenage conquérant par des esclaves africains, des coolies d’Asie et les émigrants du monde.
Tocqueville déjà s’inquiètait de l’issue de cette frénésie conquérante. Imaginons le silence des plaines, des rocheuses au XIXème siècle. Ansel Adams captura quelques bribes de cette beauté. Edward S. Curtis captura, lui, les derniers vestiges des peuples qui composaient la mosaïque américaine première.
Et que laissons-nous faire au XXIème siècle ? La même chose, sur les vastes territoires tribaux dans tous les pays de l’Amazonie, de la Papouasie, de l’Afrique ou de l’Australie ou de l’Arctique.
La grille de lecture de la terra nullius, de la nature à disposition n’est plus de mise en 2020. Cela n’est pas une découverte.
Nous avons été averti des limites de la croissance dès les années 1970, puis à Rio dans les années 90, puis avec le président français qui disait que la maison brûlait et que nous regardions ailleurs. Or dès les débuts de la révolution industrielle en Europe, certains découvraient les désavantages pour l’environnement de la révolution industrielle. La citation connue de Jean-Baptiste Say ” Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. ” Il l’a contredite lui-même, s’inquiétant en 1832, oui, 1832 de l’épuisement des espèces animales et des ressources naturelles.
Nous portons atteinte au système Terre. Nous asséchons les rivières volantes, détruisons les dernières forêts primaires partout et en Europe même. Pour des indices boursiers ? Pour le PIB ? Pour des mesures du succès ou de compétitivité qui rappelent l’ambiance du film Ridicule. D’autres mesures existent.
Il est temps de changer de grilles de lecture. Quitter le ceteris paribus. D’apprendre tout ce que notre vaisseau terre nous enseigne chaque minute. Vite. L’urgence est là. C’est possible et faisable. Maintenant.
Ce n’est pas comme si nous étions prévenus depuis 1832.
L’humain est porté par ce qu’il se raconte. L’humain est fait de fables. Le récit qui emporte l’adhésion du nombre forge la grille de lecture de notre monde.
Détruire avant de connaître, est-ce vraiment le récit de ce siècle ?
Quittons la séquence colombienne. Inventons de nouveaux récits issus du vivant. Eduquons. Agissons. Régénérons.
Avec l’avènement du digital dans nos vies, nos liens sont cartographiés digitalement. Les cartographes sont très habiles, puissants, rapides, envahissants, fougueux, collectionneurs de data mais ils restent très jeunes. Leur croissance exponentielle, la collecte incessante des données sur une population mondiale de près de 8 miliards d’humains peut susciter des interrogations sur l’essence de leur sagesse.
Tisser des liens durables devient donc une question centrale.
Comment intégrer ces cartographies digitales ? Comment relier ces couches digitales avec les liens physiques vitaux que notre espèce a tissé avec son environnement depuis des miliers d’années afin de survivre et prospérer ? Comment éviter que cette toile, cette cartographie digitale ne deviennent qu’une universelle aragne ?
Que sont 20 ans au regard des 3 à 5 millions d’années de la présence de notre espèce sur ce vaisseau Terre ? Que sont 20 ans au regard des 12’000 ans depuis les débuts de l’agriculture ? Que sont 20 ans au regard des 270 années depuis les débuts de la révolution industrielle ?
Ce lieu d’échanges est une fenêtre d’opportunité et il cherchera à donner une envie d’autres angles, d’autres perspectives, une envie de liens durables. Comprendre comment les créer, les maintenir, les préserver et les développer.
Le premier exemple sera une vidéo, ci-dessous.
Un Suisse au Brésil a pensé sa relation au vivant. Il développe l’agriculture syntropique. Son nom est Ernst Götsch. Il s’est installé au Brésil dans un terrain qui avait été dégradé par une déforestation importante. Là, patiemment, il a cultivé, replanté, élagué et créé un écrin pour produire un cacao d’excellente qualité. Il a une productivité supérieure à celle de l’agroforesterie qui utilise les produits de synthèse et son écosystème prospère naturellement.