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La volonté de fair

2020 amènera-t-elle des prises de conscience ?

Le virus couronné a rudoyé nos certitudes parfois erronées et continue de remettre en cause nos vérités incertaines.

Qui n’a pas visité ce printemps une ferme bio ou un petit marché paysan ? Qui n’a pas regardé un peu plus attentivement les effets de certaines huiles essentielles pour sa santé, qui n’a pas redécouvert cet été la rivière proche de son domicile ou qui encore n’a pas réorienté certaines priorités ?

Nous découvrons que le “just-in-time” tolère mal les arrêts brutaux. Le flux tendu a aussi besoin de plages de repos, d’aires de respiration, de sagesse, d’agilité et de sécurité financière. Nos approvisionnements mondialisés, nos modes de consommation étaient rapides et souvent efficaces mais la rapidité est une faiblesse quand il y a un arrêt subi(t).

Ce virus, si petit soit-il, découvre nos failles avec plus d’immédiateté. Les failles du système immunitaire de nos corps, de ceux de nos proches et de nos lointains voisins. Il révèle les failles de nos économies même si, pour les plus agiles, il révèle d’éventuelles opportunités.

Enfin il révèle d’autant plus les failles de nos écosystèmes et l’étendue de la destruction de leur biodiversité. Ces destructions altèrent profondément leur capacité de résilience, grâce à laquelle, depuis des millions d’années, l’humain a pu passer de la survie à la vie avec plus ou moins d’aisance.

Comment nous, humains, joindrons-nous durablement notre inextinguible volonté de faire à la volonté de fair ?

Là, peut-être, se trouve un enjeu essentiel de notre décennie.

Passer d’un Homo Festivus à un Homo natura sans oublier l’Homo faber des philosophes ou de Max Frisch ? ou se servir de la biodiversité de tous ces sapiens afin de poursuivre nos évolutions ?

Pour faire bref, la révolution agricole a amené son lot de richesses et de découvertes: sans paysans, pas de surplus alimentaires, pas de profits, pas d’Histoire, pas de taxes, pas de palais, pas d’états. La révolution agricole a aussi amené son lot de pandémies.

La révolution industrielle, si récente, a amené son lot de progrès mais aussi un cortège de destructions parfois schumpéteriennes, souvent irrémédiables.

Notre relation à l’intégrité du vivant, que par nos croyances diverses nous soumettons à notre volonté de faire, va devoir évoluer. Et vite. Cela permettra de réorienter au profit de nos sociétés et de nos concitoyennes et concitoyens, le compas d’une croissance qui s’égare parfois dans une vision surpondérant les solutions du tout-technologique. Saisir le fonctionnement de la vie au sein d’un écosystème permet de prendre conscience des dérives induites par nos révolutions techniques. La démocratie et les droits et libertés constitutionnelles restent les ferments vitaux du microbiote social. En 2020, il devient important de le relever.

 

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Cela nous amène à la volonté de “Fair”, volonté que nous pouvons retrouver dans les domaines liés à la consommation, notamment à notre nourriture et à notre habillement mais aussi aux services. Le fair au sens large se nourrit d’une composante essentielle de nos ordres juridiques et de nos économies: la confiance.

Le fair, dans notre relation au vivant, se manifeste dans notre entendement scientifique des divers échanges nécessaires à la production d’une nourriture saine et durable. Notre vaisseau Terre, avec près de 8 milliards de passagers humains, ne peut s’exempter de changer son rapport au vivant, aux sols, aux eaux, aux mers.

Le fair dans l’habillement passe par une remise à plat des méthodes de production. Produire de l’organic ou du bio comme une entrée vers la permaculture, l’agroforesterie regénérative, l’utilisation durable des matières comme le cotton, le chanvre, le lin et d’autres. L’économie circulaire devra gagner rapidement en importance notamment dans la production liée aux multiples dérivés du pétrole, qui est majoritaire dans l’habillement.

Le fair dans les services sera un réel alignement des valeurs de l’entreprise avec des pratiques régénératrices alignées notamment sur les SDG onusiens ou sur les nouvelles attentes des clients et surtout par la volonté de fair des organes, formés ou éclairés sur ces enjeux, créateurs de valeur(s). Cette équité permet surtout de mieux résister aux aléas, un choix stratégique qui préserve les divers stakeholders.

Des opportunités liées aux sols et à leur régénération se profilent pour des entrepreneurs agiles et dotés d’une vision qui intègre l’économique, une créativité juridique et surtout une connaissance sérieuse des bases du vivant.

Les pistes sont là. La demande est là. Les formations se mettent en place.

La relève arrive.

Les liens durables se tissent.

 

Vers de nouvelles grilles de lecture ?

grille de lecture
Quelles grilles de lecture pour le siècle ?

Quand le génois Christophe Colomb est parti de la Huelva pour son voyage vers l’ouest, il avait conçu un projet avec des cartes, des espoirs et des appuis. Les espoirs et les appuis étaient sérieux mais sa grille de lecture, sa carte était incomplète.

Le 3 août 1492, 3 navires espagnols quittèrent Palos, sur le rio Tinto dans la Huelva, haut-lieu de productions agricoles parfois décriées aujourd’hui. Le 12 octobre 1492, le capitaine génois (re)découvrit l’Amérique, pensant se rendre en Asie par l’Ouest. L’Amérique se nomme ainsi grâce à un cartographe, ironie, non pas génois mais florentin: Amerigo Vespucci, les rivalités des cités commerçantes. Déjà et toujours.
Après les vikings et bien après les peuples premiers venus par le détroit de Béring, un Européen se dirigeait vers le Cipangu pour ouvrir une route rapide vers un métal précieux, des épices et des débouchés.
Ce désir de découvertes, de liens commerciaux, de nouveaux marchés, de dépasser les cadres et les limites révèle beaucoup des constantes humaines dans ces expéditions vers la terra incognita.
Ce saut dans l’inconnu va contribuer à changer le monde. Il démarre la vraie globalisation.
Toute la planète devient alors terrain de commerce. Le terrain de jeu des puissances montantes européennes devient global.
De terra incognita à terra nullius, puis de res nullius à la trilogie usus, fructus et abusus de la propriété. Repenser l’abusus ?
Nous pouvons choisir de nouvelles voies. L’urgence commande.
La chute de la biodiversité, le recul des écosystèmes primaires, l’état des océans, des eaux mettent notre survie comme espèce en jeu.
Nous fonctionnons encore très majoritairement sur la croyance que la nature et ses trésors sont à prendre. Or pour les humains qui s’y risquent, la mort reste une probabilité et la richesse une possibilité. Observer l’Amazonie sur les cartes depuis 1950.
L’erreur de Colomb a initié un changement majeur de l’histoire de l’espèce humaine.
Or qu’est-ce qu’un demi-millénaire sur l’échelle de l’histoire humaine ? Une erreur passagère ? Corrigeons-la.
La conquête a été et reste majoritairement violente pour les peuples, ethnies, civilisaitions qui résidaient sur ces terres annoncées comme vierges.
Les microbes, les virus eurent aussi une part non-négligeable dans la réussite de la domination des nouveaux venus. Cela se perpétue même avec la covid-19 et les peuples premiers de l’Amazonie en 2020.
Tristes tropiques. Similitudes avec l’Amérique du Nord qui a vu ses premiers habitants, cultures riches et liées à la nature, réduits à vivoter, décimés, dans des réserves et cela en moins de 3 siècles. Ces peuples furent remplacés dans l’engrenage conquérant par des esclaves africains, des coolies d’Asie et les émigrants du monde.
Tocqueville déjà s’inquiètait de l’issue de cette frénésie conquérante. Imaginons le silence des plaines, des rocheuses au XIXème siècle. Ansel Adams  captura quelques bribes de cette beauté. Edward S. Curtis captura, lui, les derniers vestiges des peuples qui composaient la mosaïque américaine première.
Et que laissons-nous faire au XXIème siècle ? La même chose, sur les vastes territoires tribaux dans tous les pays de l’Amazonie, de la Papouasie, de l’Afrique ou de l’Australie ou de l’Arctique.
La grille de lecture de la terra nullius, de la nature à disposition n’est plus de mise en 2020. Cela n’est pas une découverte.
Nous avons été averti des limites de la croissance dès les années 1970, puis à Rio dans les années 90, puis avec le président français qui disait que la maison brûlait et que nous regardions ailleurs. Or dès les débuts de la révolution industrielle en Europe, certains découvraient les désavantages pour l’environnement de la révolution industrielle. La citation connue de Jean-Baptiste Say ” Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. ” Il l’a contredite lui-même, s’inquiétant en 1832, oui, 1832 de l’épuisement des espèces animales et des ressources naturelles.
Nous portons atteinte au système Terre. Nous asséchons les rivières volantes, détruisons les dernières forêts primaires partout et en Europe même.  Pour des indices boursiers ? Pour le PIB ? Pour des mesures du succès ou de compétitivité qui rappelent l’ambiance du film Ridicule. D’autres mesures existent.
Il est temps de changer de grilles de lecture. Quitter le ceteris paribus. D’apprendre tout ce que notre vaisseau terre nous enseigne chaque minute. Vite. L’urgence est là. C’est possible et faisable. Maintenant.
Ce n’est pas comme si nous étions prévenus depuis 1832.
L’humain est porté par ce qu’il se raconte. L’humain est fait de fables. Le récit qui emporte l’adhésion du nombre forge la grille de lecture de notre monde.
Détruire avant de connaître, est-ce vraiment le récit de ce siècle ?
Quittons la séquence colombienne. Inventons de nouveaux récits issus du vivant. Eduquons. AgissonsRégénérons.