La démocratie reprend ses droits

C'est un résultat clair qui sort des urnes ce dimanche: l'initiative dite de mise en oeuvre – lancée par l'UDC alors même que le parlement élaborait la loi d'application de sa précédente initiative populaire sur l'expulsion des criminels étrangers – est rejetée clairement, par le peuple et par les cantons. Au-delà du résultat très satisfaisant, c'est notre fonctionnement démocratique qui sort gagnant du scrutin.

Pourtant, tout pouvait pousser les citoyens à voter oui à une initiative qui parlait aux tripes. Expulser les criminels étrangers, dans un contexte international tendu, après plusieurs événements qui ont fait l'actualité durant ces derniers mois – en Allemagne notamment – pouvait séduire le citoyen inquiet et déstabilisé parfois. Il fallait beaucoup de sagesse et de réflexion pour percevoir dans le texte soumis au vote la part d'injustice et d'arbitraire qu'il allait entraîner. Il fallait de la maturité pour refuser la facilité et s'opposer à une proposition qui mettait en cause l'Etat de droit sous prétexte de renforcer la sécurité.

Un vrai débat démocratique

Ce week-end, le débat démocratique a fait la différence. L'UDC, auteur et principal partisan du oui, n'a pas ménagé ses forces. Les moutons noirs chassés par les moutons blancs étaient de retour! Mêmes arguments agressifs, mêmes tentatives d'éveiller chez le citoyen un sentiment de rejet et de méfiance à l'égard de l'étranger "déviant", même scénario déjà vu à plusieurs reprises. Mais ce qui a changé, c'est l'attitude des opposants. Finis les partis politiques quasi invisibles, fini le silence de la "société civile". Pour la première fois depuis bien longtemps s'est fait entendre le discours clair, rationnel et bien argumenté des juges, des avocats, des milieux économiques, des syndicats et de tous les milieux pour qui le populisme ne devait pas prendre le pas sur la justice et l'équité. Durant ces dernières semaines, toutes celles et ceux qui pouvaient s'exprimer l'ont fait. Haut et fort, sans souci de lasser, sans souci d'en faire trop. Le débat démocratique a pris pleinement sa place.

Ce n'est pas la fin du rôle des milieux politiques dans les campagnes de votation. La politique est l'affaire de tous. A tort a-t-on cru, durant ces dernières années, qu'une campagne de votation ne concernait que les partis politiques et leurs élus. Le débat démocratique, dans une votation, est l'affaire de tous. Cette votation a prouvé aussi que l'émotionnel ne domine pas le débat politique. Lorsqu'il vont aux urnes, la majorité des citoyens ont à coeur de faire le mieux possible et de décider en connaissance de cause; encore faut-il leur donner les arguments pour le faire. A cet égard, c'est vrai, le rejet de l'initiative populaire de l'UDC marque un tournant.

 

 

Indignation sélective

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Douze personnes au moins ont perdu la vie à Charlie Hebdo, tuées en raison de leur opinion, de leur liberté de langage et de pensée et de celle de l’hebdomadaire pour lequel elles travaillaient. La nouvelle fait le tour de la planète et l’indignation est forte, de Moscou à Paris en passant par Londres et Washington.

Nous ne pouvons qu’être révoltés et horrifiés par l’acte commis, par la violence et la haine qu’il sous-tend, par la disparition de de personnes talentueuses et courageuses qui n’ont jamais craint d’exprimer, même sous la menace, une forme de pensée provocante mais indispensable dans notre démocratie.

Je ne peux m’empêcher pourtant de penser que l’horreur et l’indignation ressenties sont un peu sélectives. Ce qui se passe à Paris nous révolte avec raison. Mais cela doit nous rappeler que d’autres personnes, militantes de la liberté d’opinion et de la défense des droits et de la dignité humaine sont emprisonnées, torturées et tuées dans un silence assourdissant un peu partout sur notre planète. Parmi les indignés du drame qui se déroule à Paris figurent les hauts dignitaires de pays qui restent bien silencieux lorsque paraissent les statistiques annuelles de reporters sans frontières : 66 journalistes tués en 2014 dans l’exercice de leur métier, 79 en 2013, 87 en 2012 !

La liberté d’expression est un droit intangible, elle doit être protégée, elle doit être défendue. Elle ne profite pas à celles et ceux qui l’exercent – au péril de leur vie parfois – mais vise à garantir que dans une société, les opinions puissent s’exprimer, les protestations se manifester, l’ironie s’exercer. C’est la pensée unique que l’on cherche à imposer lorsque l’on fait taire la libre opinion. Le grand danger, suite au drame qui vient de survenir à Paris, c’est de voir la pensée unique dominer. Ce n’est pas celle des auteurs de l’attentat qu’il faut craindre, mais celle de ceux qui en tireront prétexte pour leurs propres visées politiques…

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Ordre, contrordre, désordre!

En juin 1993, rappellent les chroniqueurs, le peuple suisse acceptait d’acheter de nouveaux avions de combat, des FA-18 américains, en l’occurrence. Le montant en jeu était important: 3,5 milliards de francs, plus élevé que le montant en jeu vingt ans plus tard. En fait, il ne s’agissait pas de dire oui à l’époque, mais de dire non à une initiative contre de nouveaux avions de combat du Groupe pour une Suisse sans armée. En ouverture de ses explications accompagnant le vote, le Conseil fédéral affirmait clairement et fermement: La défense de notre espace aérien est une nécessité absolue.

Plus de vingt ans plus tard, le peuple dit non à la création d’un fonds pour l’achat de nouveaux avions de combat. L’affirmation de 1993 laisse la place à une phrase convenue: Le Conseil fédéral et le Parlement sont convaincus que la sécurité de la Suisse requiert des forces aériennes efficaces. Les 32 F/A-18 n’y suffisant pas, le Gripen sera le complément approprié.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la conviction gouvernementale s’est effilochée au fil du temps… La nécessité absolue est devenue un «complément approprié». On a connu mieux pour mobiliser les citoyens pour un vote.

Les Forces aériennes suisses ont pour mission de surveiller en permanence l’espace aérien de notre pays et de le protéger, voire de le défendre, en cas de crise ou de conflit. Malgré une motion adoptée par les deux Chambres en 2010 déjà, le Conseil fédéral n’a toujours pas donné suite à la demande du Parlement d’assurer la mission de protection de l’espace aérien de manière active en dehors des heures de bureau. Argument du Conseiller fédéral Ueli Maurer à l’époque: il n’entendait pas engager de nouveaux pilotes s’il n’était pas assuré d’obtenir de nouveaux avions de combat!

Choquant à plus d’un titre! Tout d’abord, contrairement à ce qui s’est affirmé avant la votation, ce n’est pas une question de budget qui empêchait le contrôle permanent du ciel suisse mais le fait qu’Ueli Maurer pratiquait une forme de chantage: de nouveaux pilotes à condition d’obtenir de nouveaux avions…  Ensuite, cela démontre une fois de plus qu’à la tête du département chargé de l’armée, la défense aérienne n’est pas le premier souci, quoi qu’on ait dit officiellement ces derniers mois.

La votation terminée, la longue liste des bourdes à propos de ce scrutin s’égrène dans les journaux du lendemain d’hier! Inutile de la refaire ici. Mais je serais très intéressée, en revanche, à en apprendre davantage ces prochains temps sur la façon dont le gouvernement fédéral entend assurer la sécurité du pays dans le futur.

En politique, si l’on veut gagner une votation populaire, il faut un discours cohérent, crédible dans la durée et convaincant. Tout le contraire de la prestation d’Ueli Maurer depuis 2010.

Les dés sont jetés. Nous aurons apparemment toujours besoin des forces aériennes de nos voisins, notamment français, pour assurer la sécurité du ciel suisse. Une première décision pourrait être de décider, sans attendre, que les fameux «exercices» de l’armée suisse renoncent définitivement à prendre comme «ennemis» potentiels terrestres des voisins dont on est obligé de considérer qu’ils sont nos «amis» dès qu’il s’agit de la défense du fameux «toit» aérien suisse!

 

International: un vilain mot pour le ministre de la défense

Beaucoup a déjà été dit et écrit au sujet de la position de la "rupture de collégialité" d'Ueli Maurer, de ses excuses et du reste. Les médias s'essaient maintenant à deviner ce qu'il y a avait de volontaire ou de fortuit dans cette interview de 3 pages dans la Weltwoche. Peu importe car les faits pourraient bien lui donner tort à l'heure où l'OSCE qu'il décrie vient de décider de l'envoi de 100 observateurs en Ukraine, avec l'accord de tous et sur proposition de la Suisse. Mais l'article de la Weltwoche mérite bien d'autres commentaires qui n'ont rien à voir avec la rupture de collégialité ou la forme de neutralité que doit adopter la Suisse. Pour la première fois, un Conseiller fédéral s'en prend au fait que la haute administration et nombre de cadres de l'armée puissent avoir une culture qui s'étende au-delà du pays!

Ainsi peut-on lire dans cette interview qui fera date que le ministre de la défense constate avec regret que dans l'organisation de l'armée il existe "nach wie vor eine Generation von Kadern, die vorwiegend international ausbebildet sind". La lecture du paragaphe indique clairement qu'il s'agit là d'un défaut et non d'une qualité. La phrase serait anodine, prise isolément. Mais dans la même interview, le Conseiller fédéral Maurer regrette qu'il en aille de même dans l'administration en général: "die Verwaltung dagegen ist international und immer mehr unter ihresgleichen in den internationalen Organisationen". C'est pour lui un gros défaut car on finit par y attraper l'esprit du lieu, souligne-t-il. 

J'ai beaucoup de peine à comprendre qu'un Conseiller fédéral puisse regretter la connaissance du monde des cadres de l'administration fédérale, particulièrement lorsqu'il s'agit de la défense ou de la diplomatie! Certes, la défense des intérêts de la Suisse donne à chacun le devoir de savoir prendre la distance nécessaire. Mais si, pour un pays qui vit et se nourrit de ses relations avec l'étranger, la haute administration devait avant tout être formée de personnes dont l'univers et la compréhension du monde se réduit à la Suisse, il y a de quoi se faire du souci.

Pour ce qui me concerne, peu importe de savoir si Ueli Maurer voulait ou non donner des gages à son parti avec ses propos dans la Weltwoche. Le problème, pour moi, n'est pas qu'il les ait tenus, corrigés ou non. Le problème est qu'il pense ce qui a été écrit et qu'il représente à sa manière un parti qui se prévaut d'être le seul à défendre les intérêts de la Suisse. On aurait pu penser qu'un Conseiller fédéral responsable de la défense, à la veille d'une votation importante pour l'indépendance de la Suisse en matère de défense, ait eu autre chose à dire. Ou bien s'accomode-t-il de plus en plus à l'idée de confier durablement la défense de notre espace aérien à la France et à l'Autriche? 

Démocratie: mode d’emploi à rappeler!

La démocratie suisse est un trésor précieux. Elle nous réserver son lot de satisfactions et, parfois, de mésaventures. Cela fait partie du jeu que de l’accepter. En ce sens, l’acceptation de l’initiative « contre l’immigration de masse » ne doit pas laisser la place à l’amertume – même si la tentation est grande – mais à l’acceptation du résultat quel qu’il soit.

Et là, s’agissant de notre politique à l’égard de l’immigration, il reste tout à faire ! Trois ans pour faire une loi d’application, moins bien sûr pour trouver des solutions avec l’Union européenne. Le retour aux contingents apporte avec lui de bien mauvais souvenirs car certains ont oublié les marchandages difficiles pour obtenir les emplois nécessaires, la bureaucratie et la lenteur inhérente au système, les incertitudes pour les entreprises et particulièrement dans des branches à succès comme l’horlogerie, mais aussi dans les services publics…

Inutile de s’étendre sur les difficultés mais il est temps de relever une déviance du système démocratique. Les vainqueurs de ce vote du 9 février – car vainqueurs ils sont – rappellent à qui veut l’entendre qu’il s’agit avant tout d’un signal ! Mais de quel signal parle-t-on dans un système démocratique où ce que l’on accepte comme initiative populaire s’inscrit directement dans la Constitution?

J’ai le fort sentiment que les auteurs de l’initiative eux-mêmes ne souhaitaient pas forcément un succès mais surtout un de ces résultats où les cantons acceptent mais le peuple refuse ! Cela aurait été le rêve, un succès d’estime mais aucune responsabilité à assumer… Quant à ceux qui pensent vraiment qu’en votant oui ils donnent un signal, il est temps qu’ils sachent que le vote n’est pas seulement un signal, il entraîne l’acceptation ou le refus d’une norme constitutionnelle.

Le droit de vote, en Suisse, ne se confronte que très rarement au scrutin consultatif. Et le scrutin du 9 février n’en était pas un. Ce n’est pas un signal que les citoyens ont émis, c’est une instruction de changer de pratique en matière d’immigration. Quelles qu’en soient les conséquences, il faudra s’y conformer. C’est bien moins confortable pour les initiants mais personne n’a dit que gagner était toujours un avantage!

Le “consentement à l’impôt”: baromètre de la démocratie

Un quart des Français sont tentés de frauder le fisc, nous apprend l'Agence France Presse, soit 25 Français sur 100… On peut se demander s'ils sont conscients de leurs réponses car ils sont aussi 44 sur 100 à déclarer avoir déjà réglé en liquide des services divers afin d'éviter la TVA et/ou les charges sociales. On s'avoue donc plus volontiers fraudeur que fraudeur potentiel! Cela ne prête néanmoins pas à rire car le "consentement à l'impôt" que souhaite mesurer cette enquête n'apparaît pas très solide. 

Cela est-il inquiétant? Oui, certainement, si l'on se réfère à ce que le gouvernement français lui-même donne comme définition du consentement: "Le consentement à l’impôt permet donc à chaque Français, par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement de contrôler les finances de l’État, et donc l’action du gouvernement ; il est l’élément central du budget de l’État, dont le vote est un pilier essentiel de la démocratie représentative."  Un sondage tout aussi récent montre que pour 43% des Français, payer ses impôts n'est pas un acte citoyen…. 

Si l'on traduit cela en termes d'actes citoyens justement, on constate que le contrat de confiance qui devrait exister entre l'Etat et ses citoyens contribuables se réduit comme peau de chagrin. C'est une chose que d'aimer ou non ses dirigeants et ses représentants, cela en est une autre que se sentir si peu citoyen que l'on n'exerce plus que ses droits sans considération pour ses devoirs. Ce mal, car c'en est un, guette tous les pays dès lors que la confiance est rompue. Au-delà de la confiance, c'est la démocratie qui en souffre, au risque de ses tourner vers des mouvements politiques qui n'ont souvent pour tout programme solide que le mépris des institutions.

L'an prochain, le Français éliront les autorités municipales. Les élus municipaux sont sans doute les plus sensibles au lien entre citoyens et pouvoirs publics. Ils le vivent sur le terrain, ils ressentent profondément le mécontentement ambiant. Et comme si cela ne suffisait pas, ce sont eux qui vont se retrouver en première ligne, s'agissant de devoir financer de nouvelles tâches imposées par l'Etat central sans concertation. La décentralisation sans le transfert des moyens financiers correspondants était déjà difficile, mais vient s'ajouter à cela une réforme scolaire coûteuse et des milliards de réductions de recettes. L'Etat central ne le dit pas ouvertement mais les communes devront peut-être choisir entre hausse des impôts et mise sous tutelle.

Le "consentement à l'impôt" en France n'est donc pas prêt de se renforcer, bien au contraire. Au-delà des résultats électoraux de l'an prochain, il faut se demander quelle ampleur pourrait prendre la révolte. Les bonnets rouges bretons ne sont qu'un avant-goût de ce qui pourrait se produire. 

 

Syrie: le temps des matamores

Dans la comedia dell'arte, le matamore est ce soldat fanfaron, reconnaissable à sa tenue grotesque et dont la caractéristique est de beaucoup parler du champ de bataille sans jamais s'y rendre. A l'heure où la communauté internationale attend le rapport de l'ONU sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie, les matamores modernes occupent le devant de la scène. Barack Obama passe des déclarations fracassantes aux paroles de temporisation, François Hollande tient un discours guerrier mais sans vérifier ses arrières et la Chambre des communes vient de mettre un frein à la volonté précipitée du gouvernement britannique de suivre l'allié américain qui n'a encore rien décidé.

Il n'y a rien de pire, en politique, que les menaces faites au mauvais moment, sans moyens crédibles et sans consensus politique réel. L'ombre de la guerre en Irak plane sur les décideurs mais c'est moins l'Irak qui devrait inquiéter que le fait qu'un même scénario se répète à l'infini. En politique, il n'est jamais bon d'entrer en guerre sans savoir comment l'on en sort. Autrement dit, les pays occidentaux n'ayant pas pour vocation d'occuper des pays durant des décennies sous prétexte de les préserver des maux qu'ils prétendent éradiquer, une intervention militaire n'a donc de sens qu'à condition de savoir qui reprendra ensuite la responsabilité d'assurer la sécurité, civile aussi bien que militaire. En Syrie, la situation est des plus confuse et personne n'est en mesure de savoir à qui remettre les rênes.

On a parfois l'impression que la politique étrangère se réfugie de plus en plus dans le discours et la menace verbale. Qui se préoccupe véritablement de ce qu'il advient après l'intervention militaire? Veut-on aller en Syrie pour faire cesser l'usage des armes chimiques, pour faire tomber un dictateur, pour poser les bases d'institutions démocratiques et indépendantes? Nos matamores modernes se gardent de répondre à ces questions, dont ils ne connaissent probablement pas les réponses d'ailleurs. Aujourd'hui, on part faire la guerre en fonction de la capacité d'indignation des des opinions publiques, versatiles sur de tels sujets.Le pire est sans doute que dans de telles conditions, il devient impossible de prendre la bonne décision!

«Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page.»

J'ai entendu et écouté aujourd'hui à la radio RTS Filippo Lombardi, président du Conseil des Etats à qui l'on reproche de trop voyager à l'étranger. Question qui me vient immédiatement à l'esprit: les politiciens et les journalistes qui lui cherchent noise pensent-ils vraiment qu'il s'invite lui-même dans les pays qu'il visite? On reproche à la Suisse de ne pas toujours savoir se faire des amis ou de manquer d'empathie auprès des amis qu'elle  souhaite conserver. Faut-il vraiment reprocher au président de la Chambre haute son goût pour la représentation et le contact? Pour ma part je m'en félicite.

Vu de Genève, ville et canton à vocation internationale, toute action qui vise à tisser et renforcer des liens à l'étranger doit être saluée. On oublie trop souvent que notre système parlementaire n'est pas celui de la plupart des pays de la planète. Nombre de parlements ne possèdent, en fait, que très peu de pouvoirs et servent d'alibi à des présidents et des gouverements de nature proprement dictariorale. Les parlements de ces pays sont demandeurs d'expérience démocratique et recherchent les contacts avec les représentants du parlement suisse. Ce n'est pas qu'une vue de l'esprit, c'est une expérience vécue par tous les élus parlementaires qui ont participé, un jour ou l'autre, à l'accueil d'une délégation parlementaire étrangère.

Par ailleurs, pour toutes celles et ceux qui se soucient de faire avancer la cause des droits de l'homme, le dialogue sur ce sujet rencontre souvent une écoute plus ouverte et moins défensive dès lors que la discussion se déroule au niveau parlementaire.

Et enfin, pour convaincre les plus regardants quant à la dépense publique: les frais de voyage des représentants de notre parlement restent bien inférieurs à tous les moyens investis pour valoriser l'image de la Suisse à l'étranger. Rendre une invitation, répondre à une invitation qui nous est faite relève de la politesse, dans la vie courante. Pourquoi en irait-il autrement dans la vie politique et la politique étrangère de la Suisse? Nous sommes réputés pour notre savoir-faire, mais pas nécessairement pour notre capacité à partager. Voyager, c'est aussi partager et se montrer curieux du monde de l'autre, du monde des autres. Peut-on vraiment prétendre jouer un rôle sur le plan international sans nous intéresser aux autres au point de refuser de leur rendre visite?

 Qui peut mieux le dire que Saint Augustin? : Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n'en lisent qu'une page….

Un peu moins de naïveté, un peu plus de professionnalisme, svp!

Grande nouvelle: les Américains écoutent et esprionnent l'ensemble de la planète, à commencer par les autorités politiques et administratives de l'Union européenne. Grande nouvelle? Pas vraiment. Une simple recherche à la lecture de cette information nous indique qu'avant PRISM, il y avait ECHELON comme nous l'apprenait le Monde diplomatique de juillet 1999 (Philippe Rivière). Ceux qui s'étonnent aujourd'hui sont-ils de grands naïfs ou de tristes amateurs?

"Avec un budget annuel de 26,7 milliards de dollars — autant que pendant la guerre froide —, les services de renseignement américains sont les mieux dotés de la planète. Des alliances stratégiques et une technologie puissante leur permettent d’espionner de manière routinière téléphone, fax et courrier électronique dans le monde entier." Le même article de 1999 nous apprend que, technologie mise à part, le phénomène n'est pas nouveau: "Déjà la Cour suprême avait imposé, en 1967, l’arrêt du projet « Minaret », fichage de milliers d’organisations et d’individus sur des « listes de surveillance » où figuraient des « dissidents » tels que Martin Luther King, Malcom X, Jane Fonda ou Joan Baez ; en 1975, c’est le directeur de la NSA qui, face au tollé déclenché au Congrès, mettait un terme au projet « Shamrock » de surveillance, avec la complicité des principales compagnies de télégraphe, de tous les messages télégraphiques entrant ou sortant des Etats-Unis…"

La seule question que je me pose aujourd'hui: les services de renseignement suisses et européens sont-ils incapables, depuis 1967, de trouver une parade à cette activité d'espionnage civil? Si nous en sommes incapables, dans l'ensemble de l'Europe, il est grand temps de se poser les bonnes questions en matière de sécurisation des échanges et des transferts de données. Si nous en sommes capables, l'indignation actuelle n'a pas de sens. Si nous en sommes incapables, il est grand temps de faire le ménage au sein du renseignement helvétique et européen!

 

Trop d’impôt tue vraiment l’impôt

Trop d'impôt tue l'impôt. Rarement formule économique n'aura autant prouvé sa véracité que lorsque l'on regarde la situation de la France à l'heure actuelle. A fin avril 2013, le ministère du budget annonce une stagnation des recettes fiscales, pire encore, un recul de 2 milliards de la TVA qui pourrait aller jusqu'à 10 milliards à la fin de l'année. Tout cela agrémenté d'une augmentation du déficit public prévisible de 10%, alors que la France est sous pression pour le réduire, conformément à ses engagements européens. Et pourtant, le gouvernement avait décidé d'augmenter les impôts pour améliorer ses recettes fiscales. On est loin du compte! La France a atteint la quote d'alerte des prélèvements fiscaux, quote à partir de laquelle les augmentations d'impôt provoquent le recul des recettes fiscales.

Voyons un peu les principales mesures fiscales concoctées par le gouvernement pour 2013:

  • la création d’une tranche supplémentaire à 45 % au barème progressif de l’impôt sur le revenu (pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial),

  • la diminution à 2 000 euros du plafond du montant par demi-part de la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial,

  • le relèvement à 960 euros de la limite d’application de la décote pour l’imposition des revenus,

  • l’abaissement du plafonnement global de certains avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu (part forfaitaire ramenée à 10 000 euros),

  • le renforcement de la taxe annuelle sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les logements vacants,

  • l’augmentation du montant de la contribution à l’audiovisuel public,

  • la fin de l’exonération de redevance d’archéologie préventive pour les constructions de maisons individuelles,

  • le durcissement du malus automobile,

  • des modifications concernant les taxes acquittées par les étrangers sur leur titre de séjour,

  • la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Et je passe sur les augmentations d'impôt qui touchent les grandes entreprises et l'augmentation de la TVA pour certaines catégories de dépenses. Autant dire que l'exercice s'avère contreproductif s'il avait pour objectif d'augmenter les impôts pour augmenter les recettes fiscales.

On pourrait penser qu'un ministère du budget qui affirme que "l'évolution des globale des recettes fiscales nettes présente un aléa baissier par rapport aux prévisions présentées dans le programme de stabilité, débattu au Parlement à mi-avril" (sic), souhaiterait ajuster sa politique. Pas du tout. Le président Hollande vient d'annoncer une modification du quotient familial qui va toucher un certain nombre de familles, par souci de justice fiscale!

La création de richesse et l'envie de consommer dépendent pour beaucoup de l'état psychologique des contribuables et des entreprises. Lorsque les uns et les autres craignent, chaque année, une augmentation de la charge fiscale, ils n'ont plus envie de créer ni de consommer. La conséquence, on la retrouve dans l'affaiblissement des recettes fiscales. Laffer n'avait pas fixé de limite chiffrée à l'inversion de sa courbe. La France nous en indique une: les prélèvements fiscaux qui devraient atteindre 46.5% du PIB en 2014 sont une précieuse indication pour les pays qui souhaiteraient éviter la dérive française.