Du droit à l’intégrité (numérique et autres)

Nous voterons le 18 juin, en plus de la loi climat (votez un grand oui !), sur l’inscription dans la Constitution genevoise d’un droit à l’intégrité numérique. Une proposition qualifiée ici ou là de pionnière.

Assurément, ce nouvel article constitutionnel serait pionnier. La question est en effet sur toutes les lèvres, dans d’autres cantons et au niveau de la Confédération, où le socialiste Samuel Bendahan a justement proposé une démarche similaire (dans une version néanmoins beaucoup plus épurée et “élégante”).

Je voterai assurément oui, mais pas sans une petite hésitation, à ce nouvel article. Il convient en effet de tempérer les ardeurs de celles et ceux qui se rengorgent de cette nouveauté genevoise, de nature avant tout déclamatoire et qui risque de nous bercer d’illusions sur le fait d’avoir traité cet enjeu fondamental de manière efficace et pertinente.

En effet, il est nécessaire de bien comprendre ce qu’est un droit fondamental inscrit dans la Constitution. Ces droits visent avant tout la protection des individus face à l’Etat. Et n’induisent en rien de manière directe une protection contre la mainmise des GAFA, comme on a pu l’entendre, soit les géants du numérique comme Google Apple, Facebook (devenu Meta) et Amazon, ou plein d’autres “ogres” qui consomment et utilisent nos données privées de manière incontrôlée et vorace. La situation est similaire avec le droit au logement, qui figure dans notre Constitution (ou bientôt le droit à l’alimentation, si le oui l’emporte le 18 juin, comme on peut l’espérer): vous ne pourrez pas vous référer directement à de tels droits pour intenter une action en justice à l’encontre d’un propriétaire afin d’exiger un logement décent ou envers les grands distributeurs afin d’obtenir une alimentation saine et suffisante.

On peut aussi questionner, comme l’ont fait Michael Montavon et Livio Di Tria dans cet excellent article sur le site Swissprivacy.law, le fourre-tout qu’on met dans cet article constitutionnel. Les auteurs de cet article montrent d’ailleurs bien que l’essentiel de ce que contient l’article figure en réalité déjà dans des dispositions constitutionnelles existantes. S’il est légitime d’ancrer plus fortement l’idée que l’Etat (au sens large du terme) n’a pas à stocker inutilement des données et doit être transparent et éthique sur leur usage, je regrette que cette proposition portée principalement par la droite économique, donne l’impression d’évacuer le débat tout aussi essentiel sur l’usage marchand excessif de nos données par des acteurs privés. Louis Viladent en fait d’ailleurs très bien traité dans son article paru dans le Courrier du 10 juin 2023.

En revenant à l’exemple du droit au logement dans notre Constitution, on constate que pour devenir effectif, il s’agit pour l’Etat de concrétiser le nouvel article constitutionnel dans la loi. Le droit au logement, comme celui de la priorité à la mobilité douce approuvée en mai 2011, n’ont pas vraiment été mis en œuvre. Il faut des lois d’application qui font ensuite l’objet d’une jurisprudence claire et, bien sûr, une société civile active, si veut que des droits constitutionnels s’appliquent. Actuellement, les autorités cantonales disposeraient déjà du cadre constitutionnel pour agir de manière plus engagée face à l’accaparement des données, à la protection de la vie privée, etc.

Gageons que la conjonction d’une votation populaire gagnée et surtout l’arrivée de la Conseillère d’Etat Carole-Anne Kast à la tête du numérique de l’Etat, permettront de donner une nouvelle impulsion pour un numérique plus responsable, inclusif et durable !

Ville de Genève - transition numérique

La culture, créatrice de tant de valeurs

Le 25 avril dernier, nous avons organisé, avec le Zurich Centre for Creatives Economies (ZCCE) de l’Université des Arts de Zurich (ZHdK), un symposium pour explorer les empreintes créatives de la culture sur la Cité, sous-titre: « La culture au carrefour de la transition et de l’innovation ». Un événement qui s’inscrivait dans une démarche initiée déjà dès 2014, avec la volonté de montrer l’importance de la culture pour la vie de la cité, dans ses dimensions de sens, de partage, de qualité de vie, mais aussi économique. Une approche taboue qui avait suscité des remous à l’époque (à droite comme à gauche !) mais qui semble beaucoup plus naturelle aujourd’hui. Je m’en réjouis !

Pour revenir au symposium du 25 avril, nous avons eu la chance de partager une passionnante journée de dialogue autour du thème de l’économie culturelle et créative. Celle-ci a rassemblée à la Comédie de Genève des intervenantes & intervenants de qualité et un public de près 150 personnes!

Le thème de l’économie culturelle et créative est vaste. Il déborde largement des impacts économiques de la culture – même si, à Genève, leur poids est considérable puisque le domaine culturel représente 5.7% des emplois recensés dans le canton et une valeur ajoutée brute de 2.3 milliards de francs, soit 4.4% de l’économie cantonale. La culture a en effet un impact sur la créativité, la qualité de vie, le lien social, la santé, l’innovation, la citoyenneté, etc. et est donc créatrice de valeurs, au pluriel ! Ma vision de l’économie culturelle et créative rejoint par-là celle de l’économiste Françoise Benhamou pour qui la créativité est devenue la matière première la plus précieuse des économies contemporaines. Je suis convaincu que la culture peut et même doit participer au renouvellement de notre tissu urbain, face aux grands défis de notre temps que sont l’urgence climatique et le vivre-ensemble. Nombreuses sont d’ailleurs les études récentes qui soulignent que les activités, services et biens produits par les écosystèmes créatifs et culturels participent aussi de manière indéniable au bien-être de la population, tant sur le plan psychique que physique.

D’ailleurs, la Confédération, à son niveau, dispose d’éléments culturels et institutionnels qui font partie intégrante de son système d’innovation qui est largement reconnu à l’international ; nous devons œuvrer à leur meilleure reconnaissance – et ce à toutes les échelles.

Lorsque je me suis emparé de ce sujet il y a une dizaine d’années, les données chiffrées étaient rares et lacunaires. Et face à ces approches économiques, comme évoqué plus haut, la critique de marchandisation de la culture assez virulente. Aujourd’hui, grâce notamment à une première étude mandatée par la Ville et le Canton à la Haute Ecole de gestion sur le «poids» de l’économie culturelle et créative à Genève – étude publiée en 2017 – et à d’autres actions menées autour des industries créatives, des métiers d’art et j’en passe, se dessine un consensus large sur l’importance du secteur pour Genève.

D’ici la fin du mois de juin, nous présenterons une étude à la fois qualitative et quantitative conduite par l’équipe de recherche du ZCCE (Christoph Weckerle, Frédéric Martel, Roman Page). Les résultats de ce travail constitueront pour la Ville de Genève les fondements d’un plan d’action pour l’économie culturelle et créative genevoise.

Quelque 10 ans après les premières réflexions menées sur cette thématique, je suis persuadé, plus que jamais, de son importance, au-delà bien évidemment de la valeur intrinsèque de l’offre culturelle. Pourquoi? Parce que, dans le climat d’urgence sociale et environnementale qui est le nôtre, nos sociétés doivent se réinventer à grande vitesse et que, pour cela, les secteurs de l’économie culturelle et créative sont de formidables moteurs!

C’est donc avec certaine impatience que je me réjouis de partager avec vous, fin juin, les prochains jalons que nous poserons afin de contribuer à la prospérité et du développement de notre cité, de manière équitable et durable.

Sami Kanaan

 

 

Loi sur l’e-ID: la direction est bonne

Ce mercredi, le Conseil administratif de la Ville de Genève a validé ma proposition de prise position dans le cadre de la consultation organisée par par l’UVS auprès de ses membres concernant la future loi sur l’e-ID, établissant les bases légales nécessaires à la mise en place et l’utilisation d’une identité électronique reconnue par les administrations suisses. Globalement, la Ville de Genève salue la rapidité avec laquelle le Conseil fédéral a su rebondir après l’échec en votation en mars 2021, s’agissant d’un élément important d’accès aux prestations publiques numériques. Un certain nombre de points importants mériteront néanmoins encore un travail important.

La Ville salue tout d’abord les choix effectués pour cette nouvelle mouture, à savoir une approche de l’identité auto-souveraine (self sovereign identity, soit une approche où l’individu doit pouvoir contrôler et gérer son identité numérique, sans l’intervention d’une autorité administrative tierce), une infrastructure de confiance gérée directement par la Confédération, le respect de la vie privée dès la conception (privacy by design), la volonté de limitation des flux de données nécessaires (principe d’économie des données) et un enregistrement décentralisé des données. Des éléments qui tiennent compte des craintes exprimées en mars 2022 par la population comme par le Conseil administratif.
Enfin, l’exécutif municipal relève en particulier le souci d’interopérabilité avec les systèmes européens, éléments important pour une ville comme Genève, centre d’un bassin transfrontalier d’un million d’habitant-e-s.

Néanmoins, il convient également de mettre en avant des points de vigilance importants:

  • l’e-ID proposée s’adresse uniquement aux personnes de nationalité Suisse ou
    disposant d’un permis valable. Ce qui exclut de facto les résident-es sans-papier,
    ou les touristes, deux groupes importants pour les villes suisses. Il s’agira donc en
    particulier d’inclure une solution à destination de ces habitant-es par exempte pour
    des démarches en lien avec la scolarisation des enfants ou l’inscription aux activités parascolaires (GIAP, actuellement via les e-Démarches genevoises). Sans quoi, chaque
    commune devra assurer le maintien d’une identité numérique « parallèle » qui
    permette l’accès aux prestations municipales.
  • la pérennité des identités numériques cantonales vérifiées (ex : comptes e-
    Démarches à Genève) utilisées actuellement par une partie de nos démarches en
    ligne pourrait être remise en cause. Ce point devra être anticipé et discuté en
    amont avec les cantons et les communes.
  • l’e-ID proposée s’adresse uniquement aux personnes physiques et non aux
    personnes morales. Ce qui est cohérent avec son objectif de suppléer à une carte
    d’identité physique dans le monde virtuel. Ceci pose néanmoins des interrogations
    quant à son utilisation par les entreprises et autres associations. A titre de
    comparaison, l’identité cantonale genevoise actuelle permet une utilisation par une
    personne physique représentant des personnes morales en créant un lien avec le
    registre des entreprises genevoises (REG). Là aussi, un point à anticiper en amont
    de la finalisation de la loi.
  • la dernière interrogation concerne la répartition des compétences entre la
    Confédération, les autorités cantonales/communales et secteur privé concernant
    les rôles d’émetteurs et de vérificateurs. A titre d’exemple, le Canton de Genève
    pourrait-il devenir émetteur d’une e-ID suisse ou encore la Ville de Genève
    proposant une démarche en ligne devient elle vérificateur avec une obligation de
    s’annoncer auprès de la Confédération ? Des précisions qu’il convient d’inclure
    dans l’exposé des motifs de la future loi.

En conclusion, la Ville de Genève se positionne favorablement sur cette nouvelle proposition de loi, mais elle tient à relever des points de vigilance importants qui méritent des discussions de fond. A nous de nous impliquer maintenant pour trouver les solutions idoines. La Ville de Genève le fera notamment dans le cadre son implication au sein de l’Administration Numérique Suisse (ANS). Ces développements et les points de vigilances relevés par la Ville s’inscrivent d’ailleurs dans le prolongement de la politique de transition numérique (PolNum: www.geneve.ch/geneve_numerique ) mise en place par la Ville et articulée autour de quatre piliers que sont un numérique responsable (écologique & éthique), inclusif, innovant & créatif.

 

=> Communiqué du Conseil administratif du 7 septembre 2022

 

Bien plus que la loi sur le cinéma : un choix de société !

Dernier rappel avant dimanche : nous voterons sur une révision de la loi sur le cinéma (LCin). Une proposition qui n’aurait jamais dû s’appeler « Lex Netflix », car ce n’est pas le sujet, et qui dépasse en réalité largement le domaine du soutien aux productions cinématographiques, car elle est emblématique de la manière dont le numérique influence la redistribution des richesses.

En quelques mots : nous votons sur la révision de la LCin, en y incluant, pour faire court, une obligation pour les entreprises qui diffusent du contenu (et des publicités ciblées sur la Suisse) sur les réseaux numériques d’investir 4% de leur chiffre d’affaire dans des séries et films suisses (ou co-produits en Suisse). Une obligation similaire à celle déjà existante pour les entreprises suisses et notamment la SSR (l’UDC devrait donc s’en réjouir…) et qui concerne donc également les opérateurs pour la téléphonie et internet qui diffusent des contenus (films, séries, jeux, etc.).

Au-delà du fait qu’il s’agisse – argutie argumentative – d’une taxe ou non (à mon sens non, les entreprises investissent en Suisse et retirent des profits de leurs productions comme elles le feraient n’importe où), j’aimerais rappeler un élément : nous sommes là typiquement face à une situation ou des entreprises multinationales basées à l’étranger génèrent des bénéfices, notamment en ponctionnant nos données privées pour vendre de la pub, et ne contribuent en rien au bien commun de là où elles tirent leurs bénéfices. De plus, la révision de la LCin contribue à l’emploi en Suisse, en générant des recettes pour des projets ancrés en Suisse dans des métiers divers qui ont beaucoup souffert de la crise Covid, et contribue à développer la compétitivité de la production culturelle aussi en Suisse même et à l’étranger, en renforçant leur diffusion et leur visibilité, et donc le rayonnement de notre pays. Ceci est bienvenu afin de ne pas miser seulement sur le chocolat et les montres (même si j’adore le chocolat et respecte la beauté de nos produits horlogers !). Cette étude de Ernst & Young de 2019 l’avait bien montré: pour 1 franc investi, c’est 3.1 francs qui reviennent à l’économie suisse !

Le processus est en réalité exactement le même que pour les GAFA (Google, Facebook, Amazon, etc.), que tout le monde politique, y compris à droite, fait semblant de critiquer. Pourtant, lorsqu’une proposition concrète est sur la table, l’UDC, une partie du PLR et surtout les Verts Libéraux la refusent.

Car cette LCin n’est en réalité pas en lien avec un développement récent type Netflix. On peut même dire que la plateforme américaine investit plutôt plus que d’autres dans le cinéma. C’est un problème qui remonte à… 2001 (si si : https://www.letemps.ch/no-section/pub-suisse-m6-presse-publicitaires-doutent-discours-alarmiste-tsr ). A ce moment, la chaîne privée française M6 décide de diffuser son contenu standard en Suisse, mais en proposant l’achat de fenêtres publicitaires ciblées sur le public suisse. La RTS (TSR à l’époque) était-elle alarmiste ou précurseuse ?

Aujourd’hui, si le PLR, l’UDC et les Verts libéraux s’opposent à cette révision de la Loi sur le cinéma au mépris de toutes leurs grandes déclarations de patriotisme économique, c’est parce qu’ils entendent bien ne pas s’arrêter au cinéma, et s’opposer à une plus juste contribution des entreprises, là où elles créent de la valeur, de même qu’ils se préparent au démantèlement de la SSR, pilier vital pour notre pays fédéraliste , plurilingue et pluriculturel. Nous votons donc véritablement sur un enjeu de société plus large et je vous encourage vivement à rappeler l’importance de celui-ci autour de vous !révision de la loi sur le cinéma - LCin

Soutien aux médias : pourquoi au fond ?  

Nous voterons les 13 février sur un paquet de mesures de soutien aux médias. Un ensemble de mesures indispensables pour garantir une information diversifiée, pluraliste et de qualité, alors que notre contexte démocratique est de plus en plus malmené par la propagation rapide de fake news, la concentration croissante des médias entre les mains de quelques magnats aux motivations troubles, comme en Angleterre ou en France, et des opérations construites de manipulation politique ou économique via les réseaux sociaux (USA, Brésil, Angleterre, etc.).

On entend la critique que ces mesures de soutien aux médias seraient aussi accordées aux titres des plus grands groupes (les « milliardaires zurichois »). Face à cet argument, en apparence porté par quelques personnes de gauche mais échafaudé et promu à coup de millions surtout par l’UDC alémanique, il faut partir d’un constat objectif : qui y gagnerait ? Qui y perdrait ?

Ce sont très clairement les plus petits médias qui seraient menacés en cas de refus, les gros pouvant se passer de cette aide (en coupant régulièrement dans les ressources journalistiques néanmoins). Mais surtout, il serait extrêmement compliqué de limiter une aide aux « petits médias ». On l’a constaté à Genève avec le projet de loi élaboré par la députée socialiste Caroline Marti qui proposait de créer une fondation de soutien aux médias à structure associative sans but lucratif. Malgré son caractère idéal, ce projet a été balayé largement par le Grand Conseil, celui-ci considérant qu’il s’agissait en gros de soutenir Le Courrier et n’a donc pas trouvé de majorité politique. Mais même au-delà de l’équilibre politique de ce qui est réalisable, on sait, comme le mentionnait Philippe Bach dans son éditorial du 20 janvier, que les grands groupes de médias sont construits avec une « structure en holding leur [permettant] si nécessaire d’éluder tout mécanisme qui verrait cette aide être réservée aux petits journaux ».

D’une manière plus générale, il faut revenir à la question de fond : pourquoi devrait-on apporter un soutien accru aux médias (sachant qu’un tel soutien est déjà accordé depuis bientôt un siècle) ? Ne pourrait-on pas, comme dans d’autres domaines, assurer un service public (la SSR et certaines TVs locales) et laisser le reste de l’activité au marché ?

Clairement non. D’une part car l’information journalistique n’est pas une marchandise comme une autre. Elle nécessite de la pluralité et la possibilité d’être partagée largement, car c’est un ingrédient indispensable à notre vie démocratique en commun. Économiquement, et on en arrive au 2ème élément, cette activité des médias constitue une externalité positive, qui n’est donc pas assumée directement par le marché. Apporter un soutien à cette activité revient à soutenir une plus-value pour l’ensemble de notre société. Il ne s’agit donc pas de soutenir quelques entreprises, mais d’appuyer sur la base de conditions générales une activité qui bénéficie à toutes et tous.

Par ailleurs, on entend souvent aussi que ces mesures de soutien entraîneraient une perte d’indépendance… Cet argument est particulièrement hypocrite. Les médias doivent en général et en permanence gérer toutes sortes de tentatives de prise d’influence plus ou moins assumées, que ce soit pour des raisons politiques, économiques, idéologiques, réputationnelles, etc. Ce paquet apporte au contraire un garant supplémentaire d’indépendance et de transparence !

Aujourd’hui, nous devons adapter le soutien fédéral existant, car cette activité des médias a vécu et vit encore une période de rupture sociétale et technologique, dont on sait historiquement d’ailleurs, que ça correspond à des moments de concentrations importantes des outils de production, et donc de perte de diversité. Si l’on souhaite conserver cette diversité si importante pour notre vie en commun dans un pays comme la Suisse composé de régions, de langues, de culture et de religions différentes, nous devons assurer la mise à jour de notre soutien public. Voulons-nous sinon que la principale source d’information en Suisse soit basée sur le magma des réseaux sociaux, lourdement manipulés par des algorithmes douteux conçus par les géants du numérique basés aux Etats-Unis ? L’UDC devrait soutenir activement ces aides si elle prétend s’engager pour la Suisse!

Ce pack d’aide aux médias s’adapte donc à son époque, en soutenant notamment les médias en ligne, qui n’existaient pas au siècle passé, lorsqu’a été créé le soutien au portage postal. Il ajoute également un soutien à la formation et à la formation continue des journalistes, dont le métier évolue de manière hyperrapide et nécessite un renouvellement important des compétences, comme beaucoup de métiers face à la transition numérique.

Il apporte enfin également un soutien bienvenu aux radios et médias locaux, dans les régions, ainsi qu’aux agences de presse, qui jouent un rôle essentiel face à la rapidité actuelle de l’information.

Vous aurez compris que je vous encourage vivement à voter OUI à ce paquet de mesures de soutien aux médias, que vous soyez de gauche, de droite ou d’ailleurs. Il en va de notre démocratie et de notre pluralité helvétique.

aide aux médias vs fake newsaide aux médias - votation du 13 février

Pourquoi 99% de la population devrait voter OUI le 26 septembre!

Le 26 septembre nous voterons aussi sur l’initiative lancée par la Jeunesse socialiste, visant à taxer plus fortement les revenus du capital pour les personnes très très riches. J’insiste d’emblée sur cette notion de « très très riches », les fameux 1% les plus riches de la planète en général et de la Suisse en particulier. Ce groupe de personnes n’a plus rien besoin de faire pour gagner de l’argent (et beaucoup !), car leur fortune existante produit en soi déjà des revenus considérables. Au moment où les besoins augmentent, que les inégalités croissent de plus en plus vite, avec un effet amplificateur de la pandémie et bientôt de la crise climatique, cette initiative est tout à fait justifiée et doit faire l’objet d’un soutien franc et massif.

La campagne des milieux qui s’opposent vigoureusement à l’initiative représentent ceux et celles (surtout ceux !!!) qui ont beaucoup d’argent et de pouvoir ; ils envahissent les médias et l’espace public par l’intermédiaire de leurs lobbyistes bien payés afin de faire croire que l’initiative pénaliserait la classe moyenne ou les PME, ce qui est juste faux.

99% d’entre nous ne serons pas concerné-e-s fiscalement si cette initiative passe ; ce serait le 1%, les ultra riches, qui passeraient à la caisse. Pour faire partie de ce 1% de la population ultra riche, qui est au cœur de l’initiative, il faut avoir une fortune qui se compte au moins en millions (au pluriel !). Une fortune de cette ampleur (qui dépasse l’imagination d’un-e simple mortel-le comme la plupart d’entre nous !) est impossible à cumuler avec seulement la force du travail ; nous ne devenons certainement pas multimillionnaires en étant salarié-e-s, travailleuses et travailleurs.

Cette initiative ne concerne PAS les personnes qui ont un salaire, même élevé. Elle ne concerne PAS les entreprises. Elle ne concerne PAS les personnes propriétaires de leur appartement ou maison individuelle. Elle ne concerne PAS les personnes à la retraite et avec une rente AVS ou un deuxième pilier confortable, voire un troisième pilier. Elles concernent les personnes qui disposent d’un revenu issu exclusivement de leur capital (actions, biens immobiliers, bénéfices sur les transactions boursières, etc.) dépassant 100’000 francs par an.

Dans les faits, la plus grande majorité des habitantes et habitants de notre pays seraient bénéficiaires de cette initiative, si elle passait, en particulier la classe moyenne, dont le pouvoir d’achat est durement remis en question par l’assurance-maladie, le loyer et d’autres charges, et bien sûr les personnes défavorisées, retraité-e-s avec une rente minimale, jeunes en difficulté d’insertion, familles monoparentales, chômeuses et chômeurs de longue durée, etc.

Les revenus supplémentaires qu’engendrerait l’application de l’initiative iraient dans l’AVS, en faveur de la baisse des primes d’assurance maladie, ou pour financer la formation continue, les crèches, les transports publics, ou encore pour financer la reconversion professionnelle en lien avec la numérisation rapide des processus de production, ou enfin pour favoriser la reconversion écologique de notre société de manière socialement acceptable.

Ces moyens supplémentaires, environ 10 milliards de francs par an, contribueraient donc à préserver un service public, plus fort, mieux équipé pour aider la population, mais aussi pour soutenir les petites entreprises qui souffrent du système actuel.

Il est urgent et justifié de demander aux ultra riches d’être un peu plus solidaires et de réinvestir une partie minime des revenus de leurs capitaux (et non pas de leur travail !) pour le bien collectif. Ceci d’autant plus que ce sont justement ces personnes qui échappent le plus facilement à l’effort fiscal, comme en témoigne l’enquête menée aux Etats-Unis par l’organisation indépendante ProPublica, concernant des multimilliardaires comme Jeff Bezos (Amazon), Elon Musk (Tesla), et bien d’autres.

La redistribution équitable des richesses est vitale pour assurer un développement économique durable pour toutes et tous, et protéger les générations futures de chocs voire de catastrophes économiques et sociales. Quel monde voulons-nous proposer à nos jeunes et aux générations futures ?

D’ailleurs, à ce stade des sondages, l’initiative recueille le plus large soutien chez les jeunes 18-39 ans, qui expriment 49% d’intentions de vote favorable. Les jeunes plus que les autres, s’inquiètent à juste titre, des inégalités sociales et de l’impact très négatifs que celles-ci ont sur notre société. Les institutions mondiales, peu suspectées de radicalisme de gauche, constatent de plus en plus régulièrement, comme la Banque Mondiale en 2018, que les inégalités sociales posent un défi croissant. Cette initiative est donc aussi un investissement pour nos enfants et nos jeunes.

99% est également une initiative féministe ; sa mise en œuvre donnerait un coup de pouce vraiment bienvenu aux femmes travailleuses. Les femmes sont plus favorables à cette initiative que les hommes, à plus de 40% selon les derniers sondages. Nous savons que les femmes subissent d’autant plus les discriminations en termes de revenus dans notre société ; elles fournissent deux fois plus de travail non rémunéré que les hommes, et l’inégalité salariale entre femmes et hommes persiste.

99% rappelle à la responsabilité collective et individuelle d’agir, afin que le monde que nous construisons et qu’on laisse aux générations futures, soit plus juste, plus équilibré, pas seulement en termes de distribution des revenus et des richesses mais aussi de distribution démocratique du pouvoir dans notre société.

Le 26 septembre votons toutes et tous OUI avec conviction à l’initiative 99% !

Le Théâtre le plus vivant d’Europe !

Pendant tout le weekend des 28 et 29 août, Genève a marqué dignement et festivement un moment très fort pour la vie culturelle, et pour notre Cité en général : l’inauguration de la nouvelle Comédie, à la Gare des Eaux-Vives. Plus de 6’000 personnes ont ainsi profité des Portes ouvertes pour découvrir ce lieu appelé à devenir un lieu de vie créative, collective, participative, inclusive, et bien sûr une référence dans le paysage culturel régional, fédéral et international. Afin de marquer l’importance de ce moment, une première cérémonie de remise des clés a eu lieu en matinée, et l’inauguration officielle en fin de journée, en présence du Conseiller fédéral Alain Berset, notre ministre fédéral de la culture.

Avec ce texte, je voulais revenir sur les raisons pour lesquelles – au-delà de l’inauguration elle-même -, l’ouverture de ce lieu est si importante, en m’inspirant de mes deux discours du jour.

La présence du Conseiller fédéral Alain Berset pour marquer cette inauguration constituait certainement un signe fort de reconnaissance. Pour lui comme pour nous, c’était réjouissant de le rencontrer en sa qualité de Ministre fédéral de la culture, alors que nous avons plutôt l’habitude de le voir très souvent sur nos écrans et dans nos journaux en sa qualité de Ministre fédéral de la santé. Pour inverser une de ses phrases devenues célèbres, nous nous réjouissions en particulier ce soir-là de vivre cette inauguration aussi vite que nécessaire et aussi lentement que possible.

C’était l’occasion de le remercier pour son engagement conséquent et substantiel en faveur du domaine de la culture dans ce pays, afin de pouvoir faire face à la crise ; les aides fédérales sont intervenues rapidement et de manière substantielle.

Ce jour-là marquait la fin d’une longue épopée qui avait débuté en 1987, lorsque Matthias Langhoff a remis son fameux rapport, acte rebelle qui a fondé plus largement une démarche citoyenne offensive, acte décisif pour la genèse de cette nouvelle Comédie. Une épopée qui a même commencé il y a plus d’un siècle au Boulevard des Philosophes, quand des professionnel-le-s passionné-e-s ont insufflé une vie à ce théâtre de la Comédie, qui a su sortir de ses propres murs pour se fondre dans celle de la cité, pour donner un élan à notre ville, et ceci malgré ses limites et ses lacunes identifiées dès les premiers jours.

Cette inauguration a ouvert grand la porte à de nouvelles aventures et nous projette ainsi dans un futur de création, de rencontres et d’échanges. Il est bien sûr impossible de citer nommément toutes celles et tous ceux qui se sont investis dans ce projet. Mais nous pouvons et devons ressentir une vive gratitude envers notamment l’Association pour la nouvelle Comédie qui a su fédérer la profession, ainsi qu’à la Fondation d’art dramatique, en charge de la gouvernance de la Comédie et du Poche. On peut citer également les différents élu-e-s qui ont soutenu ce projet et bien sûr l’actuelle codirection de cette institution, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, leur équipe, dans la foulée des directions précédentes, avec Anne Bisang puis Hervé Loichemol. Il est essentiel d’exprimer une vive reconnaissance envers toutes celles et tous ceux qui, à titre personnel ou collectif, ont participé à l’écriture de cette histoire. Ce sont elles et eux qui nous ont permis, par leur travail et leurs convictions, d’être aujourd’hui ici, sur la grande scène de ce théâtre du 21e siècle. Un théâtre qui aura participé à la naissance d’un nouveau quartier, un nouveau morceau de ville – certainement un petit miracle lorsqu’on sait à quel point il est compliqué de faire naître un équipement culturel et plus largement un projet urbanistique dans notre Cité !

Ce nouveau lieu phare pour Genève répond aux besoins des artistes. Plusieurs d’entre elles et eux ont d’ailleurs reçus un Prix suisse de théâtre et de danse durant ces dernières années. Genève peut en être fière.Il est d’ailleurs pertinent de relever l’œuvre de Sylvie Fleury inaugurée également ce même jour. Sylvie Fleury, lauréate du Grand Prix suisse d’art, a réalisé son propre Miracle qui s’affiche aujourd’hui dans le grand hall. Cette œuvre appartient aux deux Fonds d’art contemporain, celui de la Ville de Genève et celui du Canton. Ville, Canton, Confédération, tous réunis autour de cette œuvre ! Ce Miracle est donc de bon augure pour que la Comédie de Genève puisse devenir une véritable fabrique d’art.

Une fabrique d’art qui va accompagner l’effervescence de la scène culturelle genevoise et romande, si on songe à l’inauguration récente du Pavillon de la Danse, à celles prochaines du Château-Rouge à Annemasse puis du Théâtre de Carouge, ainsi que du futur Centre culturel de Châtelaine. Comme l’ont relevé les médias, si on pense aussi au Théâtre de Vidy en pleine rénovation ou au futur Théâtre du Jura, un vivier romand aussi riche mériterait une concertation entre collectivités publiques et une volonté conjointe de faire rayonner nos arts de la scène.

Plus de la moitié du budget de production de la Comédie est alloué à la création locale et ce merveilleux outil scénique offrira aux artistes d’excellentes conditions de travail, avec notamment la constitution d’un Ensemble, soit l’engagement d’artistes de manière permanente. Je soutiens cette expérience et la suivrai de près, car elle représente une option sérieuse pour contribuer à améliorer le statut professionnel des artistes et autres métiers de la scène. On peut d’ailleurs aussi relever les efforts de la Comédie avec les mesures mises en place ces derniers mois, en pleine pandémie, en faveur de la création locale. En effet, depuis l’automne dernier, la Comédie a déployé un important dispositif de soutien afin d’offrir aux artistes d’ici la possibilité de mener – dans le contexte difficile du COVID – des résidences de travail durant plusieurs semaines.

Autre mission de cette institution : ses démarches pour se positionner au cœur des réseaux artistiques européens, et assurer le rayonnement des artistes au-delà de nos frontières. Or cette politique porte déjà ses fruits puisque, cet été, nous avons vu des comédiens et des comédiennes d’ici ouvrir le Festival d’Avignon, avec le spectacle de Christiane Jatahy, Entre Chien et Loup. Enfin, la Comédie ouvre également la porte à des créations qui bouleversent les arts scéniques à l’étranger et que nous rêvions de voir à Genève.

Mais ce beau tableau ne serait pas complet sans une attention envers celles et ceux qui ne sont pas des habitué-e-s des théâtres. Et cette attention, cette ouverture grâce à des actions de médiation, est, pour moi, plus que jamais l’un des défis majeurs des politiques culturelles, avec une ferme volonté de sortir des intentions abstraites et de concrétiser des avancées. Nous pouvons donc nous réjouir de voir se déployer le Pont des arts – programme de médiation dédié aux habitant-e-s de notre région.

L’étendue des nouvelles missions de la Comédie et l’ambition de ce projet ont évidemment mené à une augmentation substantielle de son budget de fonctionnement ; je tiens à remercier le Conseil administratif et le Conseil municipal – et à travers eux, les citoyens et les citoyennes de la Ville de Genève – pour leur soutien. Car cette augmentation a été portée par la Ville de Genève seule, sans répercussions négatives sur les autres scènes et entités culturelles, comme je m’y étais engagé. Il a fallu convaincre, argumenter, cela n’a pas toujours été simple. Mais la reconnaissance de la place essentielle de la culture dans notre cité est la plus belle des récompenses. Et je suis convaincu que le Canton reviendra un jour, dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative 167 pour une politique culturelle cohérente et concertée, plébiscitée par le peuple genevois en mai 2019.

Plus encore, cet appui politique prouve l’ambition de notre municipalité vis-à-vis des arts de la scène. Il démontre également une reconnaissance vis-à-vis de toutes celles et ceux qui font la vie culturelle genevoise, trop souvent encore dans des conditions précaires. La culture, nous l’avons bien vu durant cette dernière année, a un rôle fondamental pour maintenir du lien, donner du sens, offrir un autre horizon. Et, si c’était nécessaire, les 18 mois que nous venons de vivre en ont apporté la preuve incontestable. Face à des certitudes, des évidences qui sont tombées, le monde de la culture a réagi, persévéré et innové. Et nous a réservé de belles surprises. La Comédie y a déjà participé et ne manquera pas de le faire dans les prochains mois et les prochaines années.

Pour conclure, j’aimerais revenir en 1987. Matthias Langhoff écrivait dans son rapport : « De par sa construction et son équipement, la Comédie des Philosophes est un des théâtres les plus curieux d’Europe. ». En 2021 et les suivantes, j’en suis convaincu, la nouvelle Comédie va devenir un des théâtres les plus vivants d’Europe. Alors, comme on le dit au théâtre, « Merde ! Merde ! Merde ! » à cette nouvelle institution, à cet incroyable outil, à cette formidable équipe et à tous les artistes qui y travailleront pour les prochaines années.

 

Les Villes, un monde de parasites? Non, les poumons économiques et culturels du pays!

L’attaque d’une rare violence du Président de l’UDC Marco Chiesa contre les villes à l’occasion de la Fête nationale (moment censé être plutôt rassembleur autour des valeurs et atouts de notre beau pays !) n’est pas seulement profondément choquante sur le langage utilisé (« éliminer les parasites », « nous déclarons la guerre », etc.) mais totalement erronée face aux faits. Au-delà du caractère outrancier et déplacé de ce discours, la réalité est que les villes constituent le poumon économique, culturel et social du pays, et assument de nombreuses charges qui bénéficient à la population dans son ensemble.

6 cantons suisses, dont 3 fortement urbanisés (Zurich, Genève, Bâle) financent toute la péréquation intercantonale (près d’un milliard de francs en 2022 !), bénéficiant notamment à des cantons principalement ruraux et montagnards. Genève verse ainsi 150 millions de francs en 2022. Deux tiers des emplois de ce pays sont situés dans les villes, dont la majorité des grandes entreprises. 84% de la performance économique du pays est issue des villes ! Et les villes au sens large, quelle que soit leur nature, assument des prestations publiques qui bénéficient à l’ensemble de leur région, voire au pays entier, si l’on pense à l’offre culturelle ou sportive, à l’action sociale de proximité pour soutenir les personnes défavorisées, aux infrastructures collectives. Ainsi, selon une étude menée en 2017 par le bureau Ecoplan sur mandat de l’Union des Villes Suisses, les habitantes et habitants des villes assument en moyenne entre 300 et 400 francs par tête de charges de ville-centre, montant qui passe à 600 francs par tête à Berne ou Lausanne, et à 1’000 francs par tête à Genève. Un sixième du budget annuel de la Ville de Genève (soit 200 millions sur 1.2 milliards de francs) représente des charges assumées au bénéfice de personnes résidant hors du territoire municipal, dont 20 à 30 millions pour les communes campagnardes et rurales, et 30 à 40 millions pour les communes de France voisine (elles, au moins, restituent ce montant par le biais de l’imposition à la source des personnes frontalières).

Et les villes sont très clairement un véritable foyer d’innovation pour le pays entier, dans tous les domaines : économique, numérique, culturel, social, urbanistique, écologique.

Dans ce pays, on pourrait au contraire rappeler à quel point le décalage entre le poids réel des villes et leur prise en considération dans les institutions fédérale est béant. Comme j’ai eu l’occasion de le dire au nom de l’Union des Villes Suisses lors de la Conférence sur le fédéralisme à Bâle le 27 mai 2021, l’article 50 de la Constitution fédérale prescrit (depuis l’an 2000 !) que la Confédération doit tenir compte des conséquences de son activité pour les communes et prendre en considération la situation particulière des villes et des agglomérations – et des régions de montagne. Hélas, même vingt ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, cet article est rarement respecté par les autorités fédérales et cantonales. Les villes et les communes viennent d’en faire une nouvelle fois la douloureuse expérience avec la pandémie du coronavirus : charges accrues, suppression de la référence aux villes dans la Loi Covid, oubli complet des villes dans le dispositif d’évaluation de la crise, etc. Et la répartition accrue des bénéfices de la Banque nationale suisse(BNS) est réservée aux cantons ; pas un franc pour les villes ! Un sondage récent montre que les finances des villes ont plus souffert des conséquences actuelles de la crise que celles des cantons, et que ce phénomène risque de s’accentuer ces prochains mois avec le creusement des inégalités sociales.

Le vrai défi de ce pays ne réside pas dans les coûts excessifs qui seraient générés par les villes, mis bien au contraire dans le blocage qui péjore gravement la représentation adéquate des villes et de leurs populations dans notre système fédéral suisse.

Ainsi, lors des votations populaires, le système de la majorité des cantons fait que les petits cantons ruraux ont beaucoup plus de poids que les grands cantons urbains. Cette pondération a été voulue à l’origine, pour protéger les plus petits. Mais depuis 1848, le ratio est devenu indécent. À l’époque de la fondation de l’État fédéral, une voix du demi-canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures avait autant de poids que onze voix du canton de Zurich. Aujourd’hui, on en est à quarante voix. Comme le rappelle la Tribune de Genève dans son édition du 4 août 2021, c’est au contraire le monde rural et montagnard qui domine la plupart du temps les votations fédérales !

Cette situation se traduit aussi par le poids disproportionné des zones rurales et montagnardes par rapport aux villes au Conseil des États. Le déséquilibre a fortement augmenté depuis 1848. Il est donc temps de proposer et concrétiser des adaptations du système politique suisse, afin d’arriver à une représentation adéquate des villes et de leurs habitantes et habitants. Mais pas les villes contre les campagnes! De toute manière, la grande majorité des personnes habitant à la campagne sont liées aux villes, par leur activité professionnelle ou leurs loisirs. Le vrai défi du fossé villes-campagnes, qui s’est aussi traduit dans les urnes le weekend du 13 juin, réside dans l’avenir de la politique agricole, lourdement subventionnée (par le monde urbain, principalement !!!) mais dont on peut discuter très clairement les priorités : elle maintient un système archaïque, qui péjore à la fois la plupart des paysans qui doivent vivre d’un revenu très bas, empêche une reconversion écologique et coûte très cher, pour le seul bénéfice des gros producteurs de l’agriculture industrielle, souvent très proches de l’UDC. Comme souvent, l’UDC ne mène son action politique que par le biais de l’agression, de la division et du mépris, pour protéger des intérêts particuliers.

Notre pays peut se très bien se passer de ce type de politique parasite, particulièrement nocive et toxique !

carte: www.swissinfo.ch

Les jeunes de 15 à 25 ans sont-ils la « génération Covid », sacrifiée dans cette crise ?

Incontestablement, la pandémie du Coronavirus Covid-19 a généré une crise très dure pour des pans entiers de notre société et montré au grand jour certaines de ses fragilités, notamment nos modes de vie et de consommation.

Porter attention aux 15-25 ans

A l’unanimité initiale autour du bien-fondé des mesures pour faire face à cette crise, au printemps 2020, suit maintenant un malaise croissant au vu de sa durée. L’arbitrage entre les intérêts spécifiques des différentes composantes de notre société et par rapport aux impératifs sanitaires, dont la prise en compte reste vitale, est de plus en plus difficile. Le risque de voir s’étioler la nécessaire solidarité entre nous toutes et tous croît avec le temps. L’objectif premier devrait rester incontestable : diminuer massivement la présence de ce virus dans la population, et a fortiori ses conséquences médicales et sanitaires, à court et long terme. Mais il convient aussi de renforcer l’attention accordée aux victimes de cette crise, socialement, économiquement, culturellement, et psychologiquement. On se préoccupe à juste titre (pas encore assez) des petits commerces, des PME, des indépendants, des seniors, du personnel soignant, etc. Mais une catégorie a été longtemps la grande sacrifiée de cette crise : les jeunes de 15 à 25 ans. Heureusement, pour la première fois ( !) depuis le début de la crise, le Conseil fédéral s’est exprimé publiquement à ce sujet le 17 février 2021 et a confirmé un assouplissement réel des règles du jeu dès le 24 février pour les 16-20 ans, ce qui est réconfortant.

Appel solennel face à des dégâts irréparables

La Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEK-EKKJ) avait adressé un appel solennel aux autorités en date du 15 février, afin de les sensibiliser à l’urgence de prendre au sérieux la situation des jeunes et d’adopter des mesures concrètes, et se réjouit qu’elle ait été entendue. Par ailleurs, la Conférence des directeurs et directrices des affaires sociales dans les Cantons (CDAS/SODK) avait insisté par courrier daté du 12 février 2001 auprès de ses membres des cantons sur la nécessité de renforcer les efforts dans le travail de prévention et de soutien auprès des jeunes, et de considérer à juste titre les activités dites de « loisirs » comme des activités à vocation sociale et pas uniquement récréative.

Pourquoi est-ce si essentiel d’agir dans ce domaine ? Les dégâts causés par cette crise sont immenses, et potentiellement irréparables sur le long terme pour nos jeunes, même si leur capacité de résilience est considérable !

Selon les données récoltées par l’Université de Bâle et publiées le 17 décembre 2020, le nombre de cas dépressifs graves ( !) atteint 29% dans cette tranche d’âge (contre environ 6.5% avant la pandémie), le record de toutes les catégories d’âge et l’augmentation la plus forte ! Et les professionnel.le.s qui s’occupent à un titre ou un autre des enfants et des jeunes, le confirment : le nombre de consultations psychologiques de la part des adolescent.e.s et de jeunes adultes explose. Ainsi, les consultations pédopsychiatriques ont augmenté de 40% ces dernières semaines dans les hôpitaux universitaires de Berne, Bâle et Zurich, et Pro Juventute vient de publier un rapport très alarmant sur l’explosion du nombre de consultations auprès de l’interface 143.ch !

Il paraît que les jeunes, en désespoir de pouvoir se rencontrer sans se faire tout de suite alpaguer, passent des heures à circuler dans des trains régionaux des agglomérations de notre pays, car c’est un endroit chauffé et on peut y bavarder, sous réserve de payer son billet (ils et elles ont souvent l’abonnement) et de porter le masque… Et pire encore, ils essaient de passer leur temps à se cacher dans des parkings souterrains, se faisant assez vite chasser grâce aux caméras de surveillance, et créant des nuisances et donc des tensions. Quant au fossé intergénérationnel, il ne cesse de croître et de causer des blessures difficiles à cicatriser.

Accusations et perte de perspectives

Même si beaucoup de jeunes ont des ressources personnelles importantes et surmonteront cette crise, force est de reconnaître que le monde qu’on leur propose est bien sombre :

  • Dans cette crise, ils ont été souvent accusés de propager le virus car « incapables de respecter les règles et les restrictions » et donc de mettre en danger les adultes et, pire encore, les personnes âgées. On leur a supprimé presque entièrement l’enseignement en présentiel ; les structures de loisirs ont été massivement restreintes, l’accès à des personnes ressources en cas de difficulté est rendu beaucoup plus difficile, les conditions d’exercice de l’enseignement en ligne sont souvent mauvaises dans les domiciles privés et augmentent clairement les inégalités entre jeunes ; les accès à des possibilités de places d’apprentissage sont restreintes en ces temps de crise économique ; on leur limite presque toute leur vie sociale, alors qu’à cet âge c’est vital pour la construction de l’identité et de l’insertion sociale.
  • Plus globalement ils constatent que les générations adultes et retraitées ne semblent pas prendre la menace climatique suffisamment au sérieux.
  • Sur le plan de l’emploi, entre la globalisation de l’économie et sa digitalisation, avec une difficulté croissante de trouver un premier emploi, on leur présente également des perspectives bien sombres.

A quoi sert-il de rabâcher que les jeunes sont l’avenir de notre pays si on ne les prend pas au sérieux !

Le Conseil fédéral va dans le bon sens… mais il faut aller plus loin à court et moyen terme

A court terme, les assouplissements décidés par le Conseil fédéral le 24 février (rétablissement assez large des activités « parascolaires » pour les jeunes entre 16 et 20 ans) vont dans le bon sens mais ne suffiront pas encore. Un des plus grands risques de cette période qui semble s’ouvrir devant nous, caractérisée par un assouplissement partiel et lent des différentes restrictions, réside dans une augmentation de la pression pour une vie sociale des jeunes, et donc des regroupements plus ou moins licites, pouvant engendrer des tensions diverses (surtout avec le retour de températures plus clémentes). Si la campagne de vaccination continue à prendre du retard, et que les jeunes sont vaccinés en dernier, tout en introduisant un « passeport vaccinal » ou toute autre mesure favorisant les personnes vaccinées, nous laissons s’installer une bombe à retardement pour cet été et pour la rentrée d’automne !

Il convient donc d’agir à court et à moyen terme :

  • Il faut impérativement trouver des outils pour les associer à la gestion de cette crise et les écouter. J’entends bien que la gestion de crise est complexe et laisse (malheureusement) peu de place à la concertation, mais les enfants et les jeunes ont un avis qu’il vaut la peine d’écouter !
  • Il faut rétablir rapidement une plus grande part d’enseignement en présentiel dans les écoles professionnelles, les collèges et les hautes écoles, quitte à rendre les plans de protection encore plus draconiens.
  • Les activités de loisirs (culture, sport, etc.) doivent être pleinement rétablies, aussi pour les jeunes jusqu’à 25 ans, là aussi avec des plans de protection draconiens.
  • Il faut accorder des soutiens massifs aux structures associatives, parapubliques et autres qui fournissent à un titre ou un autre un appui aux jeunes en difficulté, et développer des outils de contact direct, en présentiel.

En ce qui concerne la campagne de vaccination, je me permets d’affirmer que les jeunes devraient être vacciné.e.s dès que possible. En tout cas pas en dernier ! Et les autorités fédérales, cantonales et municipales devront se concerter pour aborder la période estivale afin de proposer aux jeunes, en les associant pleinement, un éventail suffisant d’activités compatibles avec les règles sanitaires mais leur permettant de rétablir une activité sociale digne de ce nom.

Toutes les composantes de notre société qui subissent de plein fouet l’impact de cette pandémie méritent notre pleine attention et notre soutien ; les jeunes autant que les autres !

Plus largement, il faut impérativement donner plus d’espace aux jeunes dans notre vie collective, et pas juste leur offrir des occasions alibi ; ils doivent pouvoir prendre une part active au débat sur les défis de notre pays, maintenant et demain !

En résumé, pourquoi dire non à cette loi sur l’e-ID le 7 mars

Pour y répondre vite : parce que ce projet ne répond pas à un besoin et qu’il pose plus de problèmes – sur le long terme – qu’il n’apporte de solutions.

 

Passeport ou login?

Cette e-ID privatisée est-elle un passeport numérique, au sens d’un document d’identité fort et qui inclut par exemple l’exercice des droits démocratiques par voie numérique (votations, élections, etc.)?  Si oui, il est alors totalement inadmissible de privatiser ainsi cette fonction fondamentale, qui relève du Service public. Et on peut se questionner sur la position d’un parti comme l’UDC, chantre de la souveraineté, mais qui l’abandonne tout d’un coup pour le numérique. Si non, et que cette e-ID se résume à un simple login « simplifié » mais coexistant avec plein d’autres systèmes, alors ce projet de loi est tout simplement inutile et n’apporte aucune amélioration notable, tout en  transformant la Confédération en simple fournisseuse de données personnelles à disposition d’entreprises privées.

 

Protection des données privées et fracture numérique

Car la protection des données prévues est largement insuffisante. Chaque utilisation de l’e-ID sera relevée de manière centralisée par l’entreprise qui délivrera l’identité numérique, avec une obligation de suppression après 6 mois uniquement. Non seulement le risque d’abus est manifeste, mais on peut même se questionner sur le modèle d’affaire propre au système : comment les entreprises qui fourniront le système le financeront ? Soit en monnayant d’une manière ou d’une autre les connexions relevées, soit en fournissant un service payant. L’usage des données à des fins commerciales serait possible si l’usager.ère accepte. Vous lisez vraiment les longues « Conditions générales » en petits caractères qui apparaissent lors de votre inscription sur un site, vous ? Réellement jusqu’au bout ? Avant de cliquer sur « Accepter » ?

Et de plus se pose la question du prix de celui-ci, du risque (élevé dans le cas présent) d’entreprises « too big to fail » et de l’égalité de traitement pour une prestation publique de nature régalienne qui devrait être accessible de manière absolument égale pour toutes et tous. Qui imagine réellement avoir des passeports de 1ère classe et d’autre de seconde et de troisième classe ? La population a déjà exprimé sa méfiance vis-à-vis des grandes entreprises du numérique et d’une privatisation de son identité en ligne. Étrangement, le parlement semble ignorer cette volonté populaire… Mais plus grave, alors qu’on parle de lutter contre la fracture numérique, qu’elle soit générationnelle ou sociale, le Conseil fédéral nous propose une e-ID privatisée qui risque de dominer clairement le marché, pour  toutes et tous, aîné.e.s, personnes sans accès au numérique ou sans les compétences nécessaires. L’accès aux prestations publiques en ligne doit se faire de manière accompagnée par les collectivités publiques municipales, cantonales et fédérales, en s’assurant que personne ne soit laissé.e de côté. Et pas en déléguant à des entreprises privées sans exigences aucune en la matière. Pour la délivrance d’un passeport, vous pouvez aller au guichet, avoir quelqu’un qui vous explique les démarches et vous accompagne si par exemple la lecture est un problème. Il est nécessaire de maintenir ces possibilités dans le numérique.

 

Investir dans ce qui existe et fonctionne

Les exemples publics existent bel et bien, contrairement à certains arguments rabâchés. Certains doivent clairement être améliorés, c’est une réalité, mais cette loi n’y contribue en rien. Huit cantons ont signifié leur opposition à l’e-ID. Le Canton de Genève permet déjà depuis de nombreuses années de régler ses impôts et de faire de nombreuses démarches en ligne grâce à l’identité des « e-Démarches » (clairement perfectible, mais qui fonctionne). La Ville de Zoug a déjà introduit une e-ID, de même que le Canton de Schaffhouse ou le Liechtenstein. Genève avait un système de vote électronique qui fonctionnait. Il a malheureusement été abandonné en faveur de projets privés qui n’existent pas, alors que la version publique fonctionnait ; une erreur regrettable ! Cette loi sur l’e-ID sonnerait le glas des identités numériques publiques déjà existantes, et qui fonctionnent, pour la remplacer par une chimère privée censée mieux fonctionner.

Dire non à ce projet de loi sur l’e-ID, c’est donc au contraire miser sur les initiatives publiques qui existent déjà et se donner le moyen de les améliorer, en garantissant la sécurité de vos données, c’est-à-dire un élément de plus de plus important de votre identité et de votre intimité.