It’s a dawning of a new era, part 3 et fin

Chronique de Charclo

Pour la énième fois, on vient me demander de rappeler Freddo. J’avais complètement oublié cette histoire, je file mes 20 balles à Patrice au cas où je sois plus là. Je me rassois, j’ai fini mon café et j’ai plus envie de picoler. Je lis et relis encore une fois notre bref échange. Anne-Christine vient d’arriver, je lui fais la bise, elle s’assied face à moi.

-C’est encore Manon qui t’emmerde?
-Non, c’était Muriel
-Elle va bien? elle voulait quoi?
-…un rencard
-Cool, je savais pas que vous sortiez ensemble…
-Moi non plus, en fait on doit se voir vers quatre heures
-C’est chou, c’est votre premier rencard!

Le mot ‘premier’ me perturbe. Premier entretien, premier boulot, première garde à vue, premier jour de taule, premier licenciement, première crise d’épilepsie, premier, premier…j’arrive pas à associer ce mot avec un truc positif. Maintenant que j’y pense j’ai jamais eu de premier rencard, genre le premier rendez vous, le cliché d’usage de tout teen-movie, je stresse, j’angoisse, je suis sensé faire quoi? Je dois lui dire quoi? Je dois lui faire la bise ou l’embrasser?

Dans les films ça se passe comment déjà? Le mec met son plus beau costume, passe chez la fille qui a mit sa plus belle robe, il lui offre des fleurs, vont au bal, dansent un slow, s’embrassent, sont élus rois et reine de la promo, la garce de service lui verse un seau de sang de porc sur la tête, et…non je vais trop loin dans l’histoire…merde! J’ai pas d’autres références en tête; entre “Carrie au bal du diable” et “American Pie” il doit bien y avoir un juste milieu. Revenons un peu en arrière, bon j’ai pas de fleur à lui offrir, ni de beau costume à mettre mais je peux faire un effort de ce côté là.

Je vais aux toilettes de la Coop, je change de fringues, me lave le visage, me brosse les dents, je me souviens qu’il me reste une ampoule de Visine pour mes yeux. Voilà, on dirait presque que je suis à jeun.
Je me suis posé plus bas sur les marches de la Mig.

Je repense à Muriel et à son air triste…en fait je l’ai déjà vu sourire, je l’ai vu rire aussi et c’était y’a pas si longtemps maintenant que j’y songe. On se voit souvent, elle m’invite régulièrement à dormir chez elle, on regarde des séries en boucle, des fois elle s’endort contre moi et comme je sais qu’elle est insomniaque du coup pour pas la réveiller je me faufile hors du lit pour aller dormir dans le canapé, même si elle ne m’a jamais expressément demandé d’aller pioncer dedans. L’autre soir elle m’a demandé de lui prêter mon pull de la CNT…je le lui ai jamais redemandé mais elle le porte souvent, elle le portait l’autre soir quand elle est venue passer la soirée dans mon campement, d’ailleurs c’est bien la seule à venir me tenir compagnie quand je dors dans la forêt. La semaine dernière elle m’a demandé si elle pouvait rester dormir, je lui ai laissé ma tente et mon sac de couchage pendant que je dormais près du feu…y’a pas à dire je suis pas une flèche et je comprends mieux pourquoi elle m’a envoyé un message aussi direct.

Patrice passe me filer mon paquet de poudre, Freddo est là depuis 5 minutes et je l’ai pas vu arriver, il est sur le banc, je voulais remonter lui dire bonjour…mais non, elle arrive, je la vois sortir de la gare.
On est pas dans un bal de promo US et elle a pas mis sa plus belle robe de soirée, juste un jean et petit haut qui souligne ses jolies formes, elle est belle…elle est belle et je l’avais jamais remarqué.
Elle m’a vu, elle sourit, elle a l’air heureuse ; moi je suis bloqué, je sais pas quoi faire, je sais pas quoi dire et j’ai l’air d’un con. Elle est devant moi; derrière ses lunettes des yeux bleus, cristallins, plus beaux que l’océan, plus bleus que le ciel.

Je sais toujours pas quoi lui dire, je tiens sa main, elle a enlevé ses lunettes, elle m’embrasse. On s’est dit quelque chose? Je sais plus, je m’en rappelle pas. C’est doux, c’est chaud, c’est sucré et j’ai bien fais de pas me pendre ce matin… Ça veut dire qu’on est ensemble? Géographiquement on peut difficilement être plus près, mais on est un couple maintenant?

Mes mains sont contre son dos, je la serre, j’ai peur qu’elle s’envole, qu’elle disparaisse, qu’elle s’évapore.

Pas encore…pas elle…pas toi.

It’s a dawning of a new era* (Part 2)

Chronique de Charclo

It’s a dawning of a new era* (Part 2)

Je me traine à l’ombre, sous les arches, Michel (un mec de l’église) vient d’apporter du café qui tombe à point.

J’ai déjà salué pratiquement tout le monde…à l’exception de Manon; mon ex-femme, pas besoin de la voir, il suffit de l’entendre brailler pour savoir qu’elle est dans le coin. Elle est au whisky, j’ignore si elle parle à une personne en particulier mais je peux l’entendre cracher son venin…sur moi? Chais pas, je m’en fous…j’y fait plus attention, à la longue ses cris hystériqco-patétiques sont juste devenus un bruit de fond désagréable. Y’a quelques minutes, Manon était le centre d’intérêt; elle allait se faire dérouiller par Luna avant que Tiago ne les séparent, maintenant, le centre d’intérêt, c’est moi…ou plutôt le dealer qui doit m’appeler en rentrant de Genève et sur lequel une demi-douzaine de personnes comptent.

Les cannettes se vident, les joints se consument et j’ai oublié que ce matin j’hésitais entre me pendre ou aller à l’église, prendre un café. Toute les dix minutes on vient me demander de rappeler Freddo, mais non je le ferai pas, à par l’énerver ça sert à qeud’, il est à Genève, il peut pas aller plus vite que le train et j’ai bientôt plus de crédit. A chaque fois que je sors mon phone, ne serait-ce que pour voir l’heure, je peux deviner des paires d’yeux se tourner vers moi, une fois remis dans ma poche, les regards se détournent…sur leurs bières, sur le 20 Minutes, sur les passants, sur rien, sur le néant…

J’ai pas entendus la sonnerie, mais ça a vibré; un SMS.

– Non c’est pas Freddo, je vous le dirais quand ça sera lui.

Je reconnais pas le numéro, c’est qui? C’est quoi? 15h30…je viens de désaouler.

“Je suis amoureuse de toi”

Brève missive, je la lis et relis. C’est droit, direct, vindicatif même! Pas de “je crois”, “je pense que”, “une copine m’a dit”. C’est “Je suis” un point c’est tout!…problème… c’est qui ce “je”? C’est pas Manon, elle est bien trop foncdé pour écrire une simple phrase, Luna? Non, je l’ai croisé avec son mec y’a pas une heure, ça serait vraiment tordu. Après de longues minutes de réflexion, je trouve rien d’autre a répondre que:

-Tu es qui?

-Muriel, t’es sur la place? Tu veux qu’on se voie?

-Oui.

-Je suis chez moi, je passe d’ici une demi-heure.

Muriel!? Je pensais avoir désaouler, cette fois c’est le cas. Muriel… j’ai l’impression de la connaître depuis toujours, quand j’étais minot, c’était la fille avec le chien noir qu’habitait le bâtiment de Yassin, quand je vivais avec Manon, c’est devenu une copine, puis une amie. Elle sortait avec Goran, Goran est mort…et une partie d’elle avec. Depuis je l’ai toujours vu avec cet air triste, déprimé, maussade même quand elle sourit elle semble se forcer…

“Nous étions déjà si seuls, nous nous sentions désarmés. Je me souviens de tes pleurs et rien pour te consoler”*

*Dernière volonté. “Nos chairs”

Un peu seul…

 

Chroniques de Charclo 17:

Un peu seul…

Un après midi banal de février, assis sur un banc de la place du marché, malgré le froid il y a plus de monde qu’à l’accoutumée, j’ai entendu que le RI a été versé ce matin, ceci explique donc cela.
Quelqu’un vient de proposer d’aller boire un verre au bistrot, soudain les rangs semblent se clairsemer, une poignée de secondes plutôt on était une douzaine, là on est plus qu’un.

Comme un air de déjà vu… à nouveau sur ce banc, seul avec moi-même. “L’avenir est un long passé” rappait Manau, je sais pas…mais mon présent ressemble tristement à hier et à demain.

Deux heures plutôt j’étais déjà seul avant que d’autres me rejoignent, au final ce n’est qu’un juste retour des choses, même si je ne vois rien de juste là-dedans, je me sens mal, mes nerfs se tendent, mes mains tremblent, je serre les dents, ravale mes larmes, sors de mon sac un stylo et un papier froissé que je griffonne nerveusement.

En vérité sur le moment je n’ai rien à écrire, j’essaye juste d’occuper mon esprit, parfois penser c’est flancher.

Durant un instant j’ai cru que l’un d’eux allait se retourner et me dire “Viens avec nous pas grave si t’as pas de tunes on t’invite” en fait cette phrase a bien été dite mais c’était pas pour moi, après tout pourquoi s’encombreraient-ils de l’autre dépressif ? Il risquerait de passer un bon moment voir même d’y prendre goût…Peut-être s’imaginent-ils que ma mélancolie est un choix de carrière voire carrément une maladie contagieuse, peut-être que ma solitude et mon mal-être aident les gens à se sentir mieux, si c’est le cas ; ma non-présence a des vertus médicinales, les labos pharmaceutiques devraient plancher sur le sujet, on économiserait sur les antidépresseurs.

Panne d’inspiration…mon stylo dessine des vagues et des spirales, ma gorge se serre, penser c’est flancher, là je flanche…

Les dimanches, Dieu et le tigre de Tazmanie… Part 2

Chroniques de Charclo 36

[…] Je me réveille, reprends mes esprits puis sors en training et pieds nus. Un couple de retraité me regardent, je sais pas si ils étaient déjà là quand je dormais et que les deux zigs m’ont réveillé…c’est toujours sous leur regard que je remballe mon sac de couchage, m’habille et mets mes pompes. Dedans une pièce de 5.- et un peu de graille donnés par dieu sait qui, je fais mes comptes, en tout j’ai 20 balles alors que d’après mes calculs d’hier j’avais plus grand chose…ça pourrait être pire pour un dimanche.
Je demande aux deux potes de surveiller mon sac pendant je vais me brosser les dents et remplir mon chauffe eau aux chiottes. Dehors ça neige, il neige…ben comme il est censé neiger un hiver en Suisse…tout bêtement.
Brossage de dents et eau glacée sur le blaire histoire de me réveiller, je vais prendre le journal, m’arrête à la Pronto pour acheter un croissant, retour dans la salle d’attente. J’avais demandé aux 2 soulards de veiller sur mon sac durant au moins 10 minutes…règles de la rue N°27: Ne faire confiance à personne.

Derrière un siège, une prise de courant, je mets ma tablette à charger et sors fumer une clope en buvant mon kawa.
Aaah! Cigarette et café je vous envie, vous êtes le couple que rien ni personne n’a jamais séparé.
Je retourne dans le hall de la gare, les deux retraités sont toujours là, ça fait plus d’une heure qu’ils y sont, j’en déduis qu’ils n’attendent pas le train. Non c’est dimanche et comme tout le monde, le dimanche, ils se font chier…dans les près, les vaches regardent passer les trains et dans les gare les vieux regardent les gens qui attendent leur train.
Putain de dimanche même Dieu tout puissant, a baissé les bras face au dimanche…
La genèse est claire: en 6 jours, Dieu créa la terre, les mers, les végétaux, les animaux, l’homme et pour le reste, pour le septième jour, il avait tout un tas de bonnes idées…mais le dimanche fut le plus fort et le seigneur resta affalé sur son canapé. Voilà pourquoi il n’existe pas de licorne, de dragon ou de fée mais à  la place on a eu droit à Michel Drucker et ces putains de repas en famille.

Je lis le Matin Dimanche, des kilos de papier pour 3-4 grammes d’articles intéressants et le pire c’est que des gens le paie plus de 4.- , c’est…comment dire…ben c’est du vol tout simplement.

Tout à coup, je tique sur la photo en noir et blanc d’une bête sortie des enfers, c’est un tigre de Tasmanie… l’animal à l’air féroce, méchant même! Aussi long qu’un alligator, la carrure d’un lion, une gueule démesurée et un regard sombre, noir, haineux! Dans ses yeux on  peut lire “Tuez moi! Tuez  moi! Ou je viendrais boire le sang de vos enfants!”
Sur la page ils précisent que certains spécimens ont été filmés…Je veux voir ça! Pas de WiFi à la gare, j’ai de la graille dans les poche: direction McDo.
Je m’habille. Dehors la neige tombe et les badauds passent, le contraire serait plus drôle… en prenant mes affaires, la petite vieille me demande si je suis à la rue et me donne un billet de 10.- puis le mari me file 6,7.- de petite monnaie avant de me souhaiter bonne chance.
Dans les couloirs de la gare je fais les comptes environ 50. c’est pas mal, d’autant plus que j’ai encore rien demandé, je trace direction le McDo, il neige de plus belle et je sens que mes grolles sont trouées, la flotte s’infiltre, d’ici ce soir elles seront trempées, fait chier…Allant au McDo je croise une petite racaille qui sort du kiosque avec des bières, il cherche de la beuh, il est en Lacoste de la tête au pied et traîne un accent de banlieue appris sur un tuto YouTube.
Bref ce gars une racaille…du modèle qui peut éventuellement effrayer sa petite sœur…et moi j’aimerai aller aux Mcdo pour voir la vidéo du tigre de Tasmanie mais d’un autre côté si je peux arnaquer MC kev’du1022… Je lui taxe une bière et l’amène sur la place du marché, il veut 50.-, j’appelle Nasser, c’est bon.

-Je monte seul, j’en ai pour 20-30 minutes, tu me laisses les tunes et je te laisse mes affaires en garantie!
– Heu…wesh tu veux pas laisser ton phone plutôt…wallah c’est plus sur!

Il me file son billet et moi mon phone en otage. L’écran est brisé, je l’ai acheté y’a 6 ans 40 balles a la Mig’ mais bon c’est lui la racaille, il sait ce qu’il fait…
Arrivé chez Nasser, je tente de lui soutirer un ķépa à crédit…en vain…coutait rien de demander. Du coup je prends 40.- de weed et me mets une tête de côté.
Retour sur la place, MC kev’deVuflen fait les cents, pas sa bière à la main…Crétin! Tu crois que j’allais fuir au Mexique avec ton bifton de 50.-?!
J’ai bien aplati le pacson, on dirait presque que c’est bien servi. La preuve il est tout content, me file une autre bière et roule un pet’. Déjà qu’à la base c’est un abruti fini, l’alcool et la weed aggravent la chose…là il me raconte qu’il plante et vend de la beuh à coup de centaines de grammes (mais dans le même temps il en achète à des inconnus dans la rue) et sinon il fait aussi dans la coke, il me montre sur son portable la tof d’un caillou de coke qu’il a chez lui. Je lui fais remarquer que là c’est la photo d’un fromage de chèvre,
-Non couz! c’est 500g de caillou pur de Colombie,
J’insiste… -Non mec on dirait juste une putain tomme chèvre!
-Non sur la vie de ma mère c’est un caillou de coke de 1kg je peux te faire pour 1000.-!!
Je soupire intérieurement, son fromage de coke fait 500g de plus…décidément le “Skarface” de De Palma aura bousillé toute une génération! “Les affranchis” “Casino” “Les parrains” “Il était une fois dans le Bronx”… ils connaissent pas, y’en a que pour Tony Montana et son accent improbable. Alors que c’est l’histoire d’un réfugié cubain (juste un social-traitre dont le paradis socialiste de Cuba se débarrasse chez ces salauds de yankees) il est con comme une huître, a des manières de pèquenot, il est amoureux de sa soeur(oui?!). 30 minutes plus tard il devient le baron de la drogue à Miami et à la fin des Ninjas attaquent sa maison, il défouraille avec un fusil d’assaut qui tire des munitions explosives ou un truc du genre, peu importe…et puis, et puis… terminé, coupez! Générique, fin…Ah oui! sinon y’a aussi Michelle Pfeiffer dans le rôle  de la fille et pis c’est tout!! Ce film est un navet, une daube! et le pire c’est que des gosses prennent son pseudo-héros comme modèle! Je commence a en avoir plein le cul de ses délires, je lui réclame ma dépanne, il me la file et je fous le camp au Mcdo.

Un café trop cher plus tard, je suis enfin sur YouTube à mater un cerbère à rayure…il fait claquer sa gueule tout en tournant en rond, espérant arracher le bras d’un employé.
J’adore…pourquoi cette créature n’est plus de ce monde? Merde pourquoi Dieu l’a t-il créé pour laisser ces merdes d’humains lui faire la peau…après 30 minutes à le voir et le revoir ça me déprime, c’est aussi triste que la chute de l’URSS. A l’étage du bas, un asiatique mange son menu, je le vois siroter du Coca en bouffant une salade (Oui des gens achète des salades au Mcdo, c’est pas une légende urbaine). Vu sa descente il tardera pas aller pisser, moi j’attends.. j’épie, mes yeux rivés sur le reste de son menu: des Chikens, un Big Mac et des frites…il sort de table et prend l’escalier qui mène aux WC, je le croise en descendant, la porte des toilettes se ferme, moi j’ai déjà prévu et ouvert un sac…Sans hésitation j’embarque ce qu’il a eu le malheur de laisser sur sa table, je lui laisse ses frites déjà trop molles, sa salade et son Coca…non, au final je le prends aussi, je commence à avoir soif!

Mc Donald “Venez comme vous êtes” dit le slogan, moi je suis venu avec mon anti-américanisme, la dalle et un sens moral fluctuant.
Et puis merde! pourquoi je me justifie?
Tasmanian tiger style!

La manche

Chroniques de Charclo 18

La manche…

“Bonjour Monsieur excusez-moi vous n’auriez pas un franc ou deux pour manger?”

Ça c’est un exemple. En général comme les tueurs en série je vise plutôt le sexe opposé; pourquoi? Ben parce que statistiquement ça marche mieux.  Ce qui donne quelque chose comme : “Bonjour Mademoiselle excusez-moi, etc, etc… Bon ça craint un peu comme taf, même beaucoup pour être franc.

Je me suis tapé pas mal de boulots à la con ces dernières années: horticulteur, paysagiste, usine, maçonnerie, nettoyage, déménagement, aide-soignant dans un EMS, vendeur…j’en passe et des meilleures; mais pire y’a pas, devoir compter sur la générosité de parfaits inconnus pour boucler sa journée c’est particulièrement humiliant. Mais bon comme on dit “Tout est bon quand on a faim” c’est pareil pour les tunes, quand on en a besoin tout les moyens sont bons. Hors la manche est un boulot alimentaire comme un autre…Je sais que beaucoup diront que ce n’est pas un vrai travail, y’a quelques mois j’aurais dis pareil, d’ailleurs la première fois que je m’y suis mis j’ai passé l’après-midi à la gare de Lausanne pour rentrer avec 2.- . Pourquoi? Ben comme tout travail ça s’apprend… or moi j’étais nul, trop timide, trop confus, pas crédible, pas l’air assez pauvre pour inspirer la pitié, bref c’était zéro.

J’ai commencé à observer d’autres mendiants, enfin pardon des collègues voulais-je dire! Là j’ai compris que pour taper la manche il valait mieux être vif, enjoué voir même souriant, c’est paradoxal mais c’est comme ça. Les Roms ont déjà le monopole de la pitié, ce peuple n’a pas grand chose alors autant la leur laisser.

Donc premièrement picoler…ben oui l’alcool ça aide contre la timidité, perso pas moyen d’aller aborder des passants si je n’ai pas bu 2 litres de bière avant. Ensuite comme dit plus haut être souriant, la vérité c’est qu’en général j’ai envie de m’entailler la carotide, d’asperger les badauds en hurlant “Buvez mon sang bande de salopes, il est contaminé!” mais je laisse les idées du genre bouclées à triple tour dans un coin de ma tête et tente d’avoir l’air d’un gars sympa.
Troisièmement: les prétextes, ça c’est primordial et ça varie selon les heures, la matinée, qui plus est quand il fait froid, la réplique type c’est “Excusez-moi, vous n’auriez pas un franc ou deux pour boire un truc au chaud…?” Un peu plus tard ça donne “Excusez-moi, etc, etc pour manger quelque chose ? Ou encore “Bla-bla-bla pour pouvoir prendre une douche” et à partir de 17-18 heures la meilleure excuse est de demander un peu de monnaie pour pouvoir dormir au Sleep-in ou à la Marmotte.

Il faut aussi repérer les bonnes personnes, celles qui paraissent réceptives et/ou généreuses, éviter ceux qui au mieux vous ignorent et au pire vous insultent, dans ces cas là je les ignore en les gratifiant d’un “Merci, au revoir et bonne soirée!” en général ils ferment leurs gueules car il n’y a rien à répondre à ça…

Bref je sais que c’est chiant de se faire baratiner par un inconnu qui veut vous soutirer des tunes sous des prétextes plus ou moins crédibles. Tout le monde déteste ça, moi y compris.
Mais dites-vous qu’être à la place de celui qui compte sur votre bon vouloir pour grappiller un peu de monnaie…c’est juste mille fois pire.

 

 

Quelques grammes de bonheur pour dix kilos de regret

Chroniques de Charclo 36

Des bruits de pas, des portes qui s’ouvrent et se claquent et des mamas qui gueulent en rital.
Mon natel est à plat mais à vue d’oreilles je dirais qu’on approche des 10-11 heures. Ça fait plusieurs jours que je squatte ce local technique dans un bâtiment, environ 2m sur 2 où j’ai pu poser un matelas, j’ai récupéré un coussin et un training dans une buanderie, y’a une prise électrique, un robinet, une ampoule et je peux fermer depuis l’intérieur. Bref c’est pas Byzance mais pas la Pologne non plus. Les mamas gueulent de plus belle, fait chier! Pas envie de sortir de mon sac de couchage. Bon grès, mal grès, je me lève, m’étire, allume la lumière et mets de l’eau à chauffer, il me reste un sachet de café, 3 de sucres, une crème et un fond de cognac. Le temps que l’eau soit chaude je fais un brin de ménage: les alus cramés, les mégots, les canettes vides… je fous tout le bordel dans un sac Coop que je jetterai plus tard, aussi une bouteille de 1 litre de pisse, je la ferme et la balancerai en même temps.

Je pose le matelas sur le côté, pars secouer le tapis dans l’entrée et me prépare mon caf. Café, cognac, clope…comme dirait Booba ou Balou “Il en faut peu pour être heureux” mais en fait non c’est de la connerie!

Il me reste des tunes, je pourrais acheter de la coke, de la dreu, bouffer au resto ou acquérir une nouvelle veste mais c’est pas ça qui me rendra heureux, le bonheur n’a pas de valeur marchande….Quand elle m’a dit que j’étais l’homme de sa vie, j’ai rien répondu à ça…ch’avais pas quoi dire… c’était juste la plus belle chose qu’on ne m’avait jamais dite. En faite c’était ça le bonheur, ça… l’embrasser et la serrer dans mes bras. J’aurais pu faire mieux…j’aurais dû…des regrets encore et toujours…

Mon café-cognac est terminé. Je vide les poubelles, me brosse les ratiches à la buanderie et emprunte un balais pour nettoyer ma place. Avant de partir je range mon sac; les sous-vêtements en-dessous, les autres fringues au milieu, le sac de couchage en dessus, les bouquins et les médocs dans la poche de gauche, dans la droite la bouffe,  chauffe-eau, café, etc… et le reste dans la poche du haut. Avant de partir je me fais un rail de Stilnox: sale habitude prise en taule mais ça réveille plus que le café. Il est midi et ça caille!
Le vent traverse les fringues et mord les chaires, le soleil est là à briller comme un con, à réchauffer que dalle au milieux d’un ciel bleu, bleu comme ses yeux…souvenirs…réminiscences et regrets à nouveau.

Je me rappelle de l’histoire d’une mère qui avait perdu son gosse, elle en avait marre de souffrir, elle avait essayé les thérapies, les cachetons, le bio, la médecine chinoise…au final elle a trouvé un vieux manuel de médecine et s’est lobotomisée devant sa glace avec une scie circulaire et un cutter. Maintenant c’est un légume mais au moins elle ne pleure plus, ou alors elle sait plus pourquoi… enfin la méthode était certes discutable mais je la comprends et j’admire sa détermination.

C’est lundi, faut que je trouve un truc a faire, j’ai un peu de graille dans mes poches, je vais de ce pas pécho 20 balles de beuh, ensuite je passe par Denner où j’achète des bières, en profite pour chourrer des gendarmes, une teille de cognac et une tarte de linz, je me pose dehors face au vent, mais dos à mes semblables, pas envie de les voir et encore moins de leur parler, à quoi bon d’ailleurs?

Soit c’est eux qui vont m’emmerder avec leur vie à la con, soit c’est moi qui vais leur casser les couilles avec la mienne, dans les deux cas ça n’aidera personne…à chacun sa souffrance et à chacun sa croix… je me roule un spliff et me balance un Dormicum dans le zen…ça fait à peine une heure que je suis debout et suis déjà schlass. La soupe populaire a lieu dans quelques heures, du cognac et des bières a teaser, de la méthadone et un peu de weed, bref de quoi tenir, de quoi tenir…et tuer le temps…le seul meurtre légal, légal et encouragé.

Hiver ou printemps 2016…ou 2017