Éclater un chauffe-eau sur un môme…

Chroniques de Charclo 04:

Il est 2 heures du mat’, mardi, toilettes du Collège de la Plaine, Chavannes.

La veille au matin la flicaille a rempli courageusement son devoir en me virant du local technique que je squattais depuis quelques jours.

“Protéger et Servir” hein? Vous protégez qui en réveillant un galérien et en lui braquant une lampe torche dans les yeux ? Vous avez servi qui en me renvoyant dehors malgré la pluie et mes groles trouées ? Bref mon studio improvisé étant désormais fermé à clef j’ai du me trouver un autre abri pour la nuit. Pieds mouillés et fatigue aidant j’ai fais au plus simple, les chiottes publiques du Collège de la Plaine à Chavannes.

Comme bien des fumeurs de joint (merci Paulo pour la dépanne) je me rappelle rarement de mes rêves néanmoins dans celui-là il était question de racailles…de racaillons plus exactement, genre de bouffons qui s’imaginent que les trois bâtiments dans lesquels ils zonent sont une cité comparable à Sarcelles ou aux Minguettes.

Bon c’est vague, mais je me souviens de brides de conversation à base de “tema le shlag” “ziva cousin”, de coups de pied et du plus futé des trois qui s’est mis en tête de me pisser dessus. C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’il s’agissait pas d’un rêve…

La panique aidant je me suis levé d’un bond, c’est là que j’ai remarqué que les branleurs que j’avais en face faisaient bien deux têtes de moins que moi. Le petit blondinet qui s’est retrouvé devant moi a aussi remarqué la différence de taille, d’ailleurs il me semble qu’il a tenté de dire un truc, peut-être des excuses…ou pas… L’autre truc que j’ai entendu c’est le bruit qu’a fait mon front lorsque qu’il a percuté le sien, ensuite les cris de fillette de ses deux potes lorsque dans la pénombre, ils m’ont vu marteler la gueule de blondin à grands coups de chauffe-eau…

Je me souviens pas de combien de fois j’ai cogné, je ne pense pas être quelqu’un de violent mais même Bouddha aurait aussi pété un câble en pareilles circonstances. J’ai vite pris mon sac, mes chaussures, poussé les deux apprentis youvois et couru un moment avant de reprendre mon calme et ma route direction la gare. En chemin j’ai croisé des flics, leur voiture à l’arrêt était à côté d’une poubelle plastique qui terminait de se consumer, je m’attendais à me faire contrôler mais non ce n’était pas moi qu’ils cherchaient ..ils m’ont demandé si je n’avais pas vu un groupe de gamins courir, je les ai balancé sans aucun remord!

– Oui y a quelques minutes ils étaient vers le Collège de la Plaine.

Les schmids sont remontés dans leur voiture et ont tracé dans la direction indiquée. Je me suis assis quelques minutes, trop énervé pour me rendormir, j’ai fais demi-tour, je voulais savoir ce que les trois morveux devenaient. En chemin j’ai croisé les keufs, deux voitures cette fois et mes courageux agresseurs étaient dans la deuxième.

Devant les toilettes j’ai retrouvé ma bouilloire, en morceaux et poisseuse de sang.

Résultat des courses: je ne peux plus me faire de café ou de thé, mes fringues sont trempés, et, complètement crevé j’ai passé la journée à dormir debout.

Je sais pas si on peut trouver une morale à cette histoire…

Gilles Adrian

Gilles Adrian est SDF, toxico, misanthrope et peu sociable mais il écrit pas trop mal. Auteur contemporain représentatif de toute une génération qu'en Suisse Romande on préfère cacher sous le tapis...

12 réponses à “Éclater un chauffe-eau sur un môme…

  1. Peut-être que ta taille aurait suffi à les éloigner… Le coup de boule ok, mais peut être pas nécessaire de finir le gamin à coup de bouilloire. Mais bon, comme on dit c’est toujours facile de critiquer après que…
    J’aurais peut-être flippé comme toi face à ce trio de branleurs.
    La morale de cette histoire ? A toi de nous de le dire 😉

  2. Votre place n’est ni à l’école ni dans le monde civilisé des adultes. Cette histoire aurait une morale si elle s’était terminée pour vous derrière les barreaux.

    1. Quel commentaire! La puissance de vos mots réchauffent le cœur de ceux qui les lisent. Pour ma part, je salue le courage de ce monsieur : dire les vérités qui dérangent n’est donné qu’aux grandes âmes. Surtout en Suisse, le “pays carte postale”, où il fait bon cacher la misère. Et je prie l’Univers pour que cet auteur riche de ses galères puisse un jour vivre comme il le mérite : en abondance financière, car l’abondance dans son cœur il l’a déjà.

    2. @Dominic
      Si votre monde à vous était un peu plus “civilisé” comme vous dites, il n’y aurait pas de tels faits divers. Ce gamin agressif s’est ramassé une correction, lui faisant comprendre que c’est dangereux de trop emmerder les autres, surtout en les frappant dans leur sommeil et en leur pissant dessus. S’il faut faire la morale à quelqu’un, c’est d’abord à ces odieux petits voyous incendiaires de poubelles, dont l’école et les adultes ont totalement raté l’éducation. Arrêtez, de grâce, de vouloir nous expliquer ce que devrait être la morale dans une société amorale à bien des égards, où ce ne sont pas toujours ceux qui le méritent qui finissent derrière les barreaux.

      1. Cher ami, j’entends par « monde civilisé » celui que partage la bonne majorité des personnes qui comme moi sont capables de travailler, parce que capables de vivre ensemble, et occuper un appartement sans pourrir la vie de leurs voisins. Le coût facturé au « monde civilisé » d’une personne telle que le héros de ce blog, qui mobilise assistants sociaux, médecins de la santé physique, médecins psychiatres, services d’aide aux toxicomanes, juges, policiers, etc. est un multiple du salaire d’un ou d’une « poorworker » appelée aux nettoyages de nuit, soutenue par personne, et dont une sur cinq n’est pas incluse dans le système de prévoyance AVS et AI. Vous voyez donc que nous, les civilisés, même les moins riches, ne laissons pas tomber cette personne faible qui nous crache dessus ou casse la gueule à un enfant dans les toilettes de l’école, triste de ne pas pouvoir se préparer le lendemain son café chaud avec sa bouilloire sanguinolente. Nous payerons même le moment venu, si cela devait être nécessaire, la prise en charge du Tigre de Tasmanie dans une institution adaptée à son cas, dans l’intérêt de notre société civilisé et pour son bien…

        1. Ce que vous écrivez n’est pas sans pertinence. Mais on ne peut libérer quelqu’un d’une addiction grave (drogue ou n’importe quoi d’autre) et de son passé en le laissant dans les marécages d’une jungle urbaine et en le rabrouant sans cesse. Vu la situation de ce monsieur qui a une sensibilité et des qualités certaines, posez-vous aussi la question de savoir pourquoi toutes les personnes que vous mentionnez et qui sont censées être mobilisées n’ont pas été plus efficaces dans leur tâche. Pourquoi notre société, où tout est censé être si bien organisé, normalement présentable et ripoliné, fabrique-t-elle de tels cas qui sont hélas fort nombreux. Je pourrais longuement répondre à ces questions de façon détaillée, circonstanciée et bien argumentée. Je vous dirai simplement qu’il faut beaucoup plus que des fonctionnaires salariés et des institutions pour pouvoir régler ce genre de problèmes, rien d’autre à la base pourtant que la voie du cœur qui est très simple et nettement moins coûteuse, mais implique un engagement personnel et une réelle volonté de réintégrer une personne dans la société (ce qui n’est pas du tout le cas de ces fonctionnaires et institutions, cela je peux vous le garantir). Quand à ces “enfants” comme vous osez encore les appeler, heureusement pour eux qu’ils ne sont pas tombés sur quelqu’un comme moi. À ce sujet, il faut absolument rappeler ici qu’il n’y a pas si longtemps et pas très loin de Chavannes, certains n’ont pas hésité à bouter le feu et à estropier un sdf.

        2. En toutes choses, il faut considérer la fin.
          En l’occurence, je ne doute pas que de nombreuses années d’échec des sciences sociales éducatives aient été corrigées en une poignées de secondes (je parle du môme). Je reste néanmoins pentois de constater que suivant ce texte, l’auteur semble ne s’être jamais posé la question de l’état réel du môme… même s’il leur a envoyé la police.
          Conclusion: quelques soient ses imperfections, on peut toujours être utile à quelqu’un.

  3. Merci de nous parler d’un monde bien réel dont je n’ai par mon milieu, mon éducation et mon caractère pas connaissance. Je m’abonne à votre blog.

    1. Bonne idée, il faut bien adapter son optique. Si ce brave Gilles savait combien de docteurs et autres bobos essaient de se cultiver en lisant son blog… Après tout, l’échelle sociale se descend bien plus rapidement qu’elle ne se monte, crois en mon expérience.
      Ce blog est presque trop bien fréquenté, je crois bien connaître personnellement la majorité des intervenants… à part Olivier, mais je n’en suis pas même sûr vu qu’il a vraisemblablement fréquenté Lazône en même temps que moi.

  4. Bravo ami Gilles, ne vous laissez pas faire, ni insulter.

    Il y a des décennies, un type m’insultait dans les toilettes d’un bar estudiantin fameux de la cité de Lôzane (je ne sais plus pourquoi d’ailleurs?).

    Après avoir patiné sur les carrelages mouillés, j’ai réussi à le sortir en dehors des WC, ses pieds ne touchant pas les dits carrelages et par le colet.
    Si on ne m’avait pas arrêté, je lui aurais éclaté sa tronche sur le téléphone mural. Il a quand même eu le temps de faire connaissance avec le dit mural, sans toutefois la perdre… et sans appeler police secours hahahah .

    Mais s’il m’avait pissé dessus, il serait exposé comme neo-cadavre Marcel Duchamp, la tête encastrée dans l’urinoir, au Musée des Arts Décoratifs 🙂

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