À la mi-août, l’observateur politique, le politiste n’est pas trop inspiré par l‘actualité pour alimenter son blog. Il ne s’émeut guère de la déclaration controversée d’un quelconque élu en exercice, n’a que peu l’occasion de commenter un événement de portée mondiale, voire, faute de sessions en cours, de s’interroger sur les conséquences d’une décision parlementaire. Confronté à ce que les Allemands nomment le Sommerloch, à savoir le « trou estival », il ne lui reste plus qu’à se plonger dans les profondeurs d’un calendrier politique qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
Ses détracteurs ne manqueront pas de le remettre à sa place et de lui signifier que « c’est toutes les années la même chose ». Le pire, c’est qu’ils ont raison, malgré l’Ukraine, l’indéniable réchauffement climatique, le manque d’eau ou l’inflation galopante. Mais en été, on oublie, parce que, paraît-il, ça fait du bien d’oublier la guerre, les températures extrêmes, les cours d’eau asséchés ou la hausse des prix, exceptée celle de l’essence.
En août, on ne s’occupe ni de la fin du mois, ni de la fin du monde. On s’occupe d’abord de soi-même, persuadé que cet égoïsme est plus que mérité. Il l’est pour celles et ceux qui ont travaillé onze mois durant, il l’est pour celles et ceux pour qui le droit à la paresse vient couronner de longues et dures semaines de labeur, et plus encore pour celles et ceux qui nolens volens ont largué les amarres. Et pourtant, comment peuvent-ils s’imaginer, en voyant ou non un vol d’hirondelles, que l’automne va bientôt arriver ? Besoin ou pas de s’en référer à Jean Ferrat, la prochaine saison s’annonce difficile et incertaine. Les plus pessimistes sont déjà hantés par la perspective d’une crise financière, d’autres par la baisse du pouvoir d’achat et même les plus insouciants ne savent plus par quel bois ils seront chauffés d’ici quelques mois.
N’étant ni diseur de bonne aventure ou n’ayant, de surcroît, pas la moindre prétention de jouer les Madame Soleil, les Elisabeth Tessier ou autres chroniqueurs d’horoscope de magazine, ce même observateur politique doit rester fidèle à ce qui le caractérise. Sans Vouloir forcément jouer les Cassandre, il prendra du recul, ne s’adonnera pas aux prévisions les plus apocalyptiques, sans toutefois s’identifier aux paroles de celles et ceux qui vous promettent sans cesse des lendemains qui chantent.
L’heure n’est pas à l’optimisme. Sans compter les velléités bellicistes qui menacent différentes régions du monde, le regard devrait porter cette fois-ci sur l’Europe. Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps, il n’y a que douze mois ! L’Allemagne s’apprêtait à élire un nouveau parlement, à se doter d’un nouvel exécutif, appelé à remplacer une « grande coalition » qui, sous l’égide d’Angela Merkel, était arrivée en bout de course. En France, la réélection d’Emmanuel Macron, prévue de longue date, permettait enfin de réélire un président en exercice et d’entrevoir pour le pays une stabilité à long terme qui lui avait fait défaut depuis au moins quinze ans. Quant à l’Italie, tout le monde s’accordait sur un seul et même constat : avec à sa tête Mario Draghi, la Péninsule s’était dotée de l’un de ses tout meilleurs gouvernements depuis la Seconde Guerre mondiale.
Et voilà qu’un an après, l’heure est à la déception, au patatras, à la soupe à la grimace, sinon à celle des illusions perdues. Avec à sa tête un Olaf Scholz qui n’a pas su faire oublier sa prédécesseuse, la RFA est dirigée par une « coalition des contradictions ». Pris au piège par d’hasardeux choix énergétiques, Berlin s’en remet à nouveau aux centrales au charbon, en appelle par la voix de son bien mal nommé « Ministre du Climat » à la solidarité européenne, faisant fi de l’attitude arrogante que l’Allemagne avait adoptée à l‘égard de quelques-uns de ses partenaires durant la crise de l’euro. Quant à la France de Macron, elle est à la recherche d’une majorité parlementaire que le président a été incapable de réunir lors des élections législatives de juin dernier. Affaibli par le résultat d’un scrutin dont il porte à lui seul une part non négligeable de responsabilité, le locataire de l’Élysée n’est plus en situation d’incarner le rôle d’homme fort de l’Union européenne qui pourtant lui tendait les bras. Néanmoins, c’est en Italie que la situation est de loin la plus dramatique. Elle est au bord du précipice fasciste. Si le tocsin n’a pas encore sonné, il pourrait bel et bien retentir au soir des élections du 25 septembre. Pour la première fois depuis Mussolini, un parti d’extrême droite risque de prendre les rênes du pouvoir à Rome. Cette longue marche des soi-disant « frères d’Italie » pourrait en effet permettre à une femme de renouer avec les affres d’une sinistre histoire qui, près de quatre-vingt ans après, n’a décidemment pas dit son dernier mot. Alors que l’Europe est affaire de confiance, celle-ci bat de l’aile dans les trois principaux États de l’Union européenne. Il est grand temps d’en prendre conscience, avant qu’il ne soit trop tard, car sans démocratie et sans liberté, l’Europe ne se fera pas !