Suisse-UE: les temps changent, l’Europe aussi!

Il y a un an, le Brexit ! Pour la première fois, un État membre de l’Europe communautaire décidait de quitter le giron de l’UE. Echec retentissant pour les uns, succès annonciateur d’autres départs pour les autres, le vote britannique devait marquer une nouvelle étape décisive pour l’avenir, sinon le déclin de l’Union européenne. Alors que les premiers tentèrent bon an, mal an, de limiter les dégâts, les seconds se voyaient déjà creuser la tombe de tous les Européens dépassés par le cours de l’histoire.

Mais l’histoire ne l’a pas voulu ainsi. Les fossoyeurs de juin 2016 sont devenus les éclopés de juin 2017, tant les résultats des élections hollandaises, anglaises et surtout françaises ont démenti leur pronostic. A bon entendeur, salut ! L’Union européenne va nettement mieux qu’il y a un an. A ces « fins limiers » de la politique pour qui, après le Brexit et Trump, Marine Le Pen ne pouvait que succéder à François Hollande, qu’il nous soit permis, non sans un malin plaisir, de leur rappeler qu’un coup de pub médiatique ne rivalisera d’aucune façon avec l’honnêteté intellectuelle.

L’Europe ne sera jamais un long fleuve tranquille. Tourbillonnante, en proie à des chutes et des rechutes, traversée par des courants contraires, et ballotée d’une rive à l’autre, elle est née de la crise pour mieux pouvoir en surmonter d’autres. Qu’elle soit perçue comme l’enfant de la Guerre froide, comme un organe de contrôle interétatique ou comme un instrument de domination économique et commercial, rien ne changera à ce qu’elle n’a cessé d’être, soit un havre de paix.

Mais d’un havre de paix, beaucoup de Suisses s’en fichent. Eux qui n’ont jamais connu la guerre. Sauf que d’autres Suisses ne s’en fichaient pas. En 1946 et en 1947, ils avaient alors accueilli les rencontres d’Hertenstein et le Congrès de Montreux. Alors que la Suisse aurait pu être le berceau de la nouvelle Europe, elle a laissé filer sa chance, se croyant une fois de plus à l’abri du monde qui l’entoure. D’ailleurs, elle n’a pas mal réussi, persuadée que l’Europe la laissera là où elle est.

Mais là, où elle est, c’est l’Europe. Même pas perdue au plein milieu d’un vaste océan, même pas à l’extrémité d’une quelconque péninsule et encore moins au bout du bout de l’Arctique, la Suisse est pleinement dans l’Europe. Avec le départ programmé du Royaume-Uni de l’UE, elle est de surcroît le seul pays à avoir des frontières communes avec les trois États les plus importants et les plus influents de l’Union européenne que sont l’Allemagne, la France et l’Italie.

En a-t-elle tiré de nouvelles conclusions ? Fichtre, non ! Elle fait toujours aussi semblant que bon lui semble. Jusqu’à en dégoûter son propre Ministre des Affaires étrangères, elle se complaît dans son rôle de sainte-nitouche, elle qui n’a que trop souvent touché les dividendes de ce qui ne fut pas toujours saint, avec ou sans « t » selon les circonstances ! La voilà à nouveau recluse dans son modèle réduit ou, si l’on préfère, dans sa pensée du réduit. Elle s’y sent à l’aise, ne se rendant pas compte que les temps changent et que l’Europe aussi !

Avec la très nette victoire du très europhile Emmanuel Macron, le succès programmé d’Angela Merkel de même qu’avec la perte d’influence du « Mouvement cinq étoiles » en Italie, la donne a également changé pour la Suisse. Quant à celles et ceux qui espéraient tirer profit du Brexit, ils en sont désormais pour leurs frais. Ils ont misé sur le mauvais cheval et involontairement contribué à l’affaiblissement de leur pays sur la scène européenne. Personne à Bruxelles et dans les grandes capitales européennes ne songe plus à se montrer compréhensif, voire conciliant avec la Confédération. Le temps des atermoiements prend fin et la réalité s’impose dorénavant à elle qui s‘est trop longtemps réfugiée dans un déni d’Europe. Car comme c’est le cas pour toute autre négociation, la politique européenne de la Suisse ne sera que le fruit d’un compromis qui devra aussi et largement tenir compte de l’avis de la Commission et des États membres de l’UE. N’est-ce pas là d’ailleurs la règle sine qua non de la culture du consensus ?

Gilbert Casasus

Gilbert Casasus est professeur émérite en Études européennes de l’Université de Fribourg. Politologue, diplômé de l’IEP de Lyon et docteur du Geschwister- Scholl-Institut de l’Université de Munich, il est spécialiste des processus historiques et politiques en Europe.

Une réponse à “Suisse-UE: les temps changent, l’Europe aussi!

  1. Confondre vitesse et précipitation … pas le lot de la Suisse, plutôt laisser le temps au temps … tout en montrant clairement … et ostensiblement … notre bonne et ferme volonté ?

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