Terre-Primitive et Planète-Océan. Océans et Vie sont indissociables. Les Océans recouvrent la majeure partie de la surface de notre Terre. Sans eux, il n’y aurait pas de Vie. Ici et maintenant. Les masses d’eau et les molécules nécessaires à la Vie, à base de carbone, n’ont pu être créées sur notre planète. L’hypothèse scientifique la plus probable serait la suivante : des comètes auraient apporté l’eau, chargée en molécules organiques, en venant s’écraser sur notre Planète. Ces « objets venant d’ailleurs », ces petits objets célestes au cœur de glace, auraient ensemencé la Terre primitive. Grâce aux Océans, nous pouvons respirer, nous nourrir et nous développer. La Terre est résolument une Planète Bleue, une Planète-Océan. Et nos Océans sont intimement liés à notre Vie.
Océans et Vagues. Il fut un temps où les Océans et les vagues étaient indissociables. L’un ne pouvait exister sans l’autre. Autrement dit, il ne pouvait y avoir de vagues qui soient séparées du reste de l’Océan. Aujourd’hui, les sciences et les technologies permettent la création de vagues, statiques ou dynamiques. Des vagues s’épanouissent, dans un espace délimité, rythmées par des pulsations mécaniques. Elles sont complètement indépendantes de l’Océan. Le concept, pour les applications loisirs nautiques, est arrivé à maturité. Au moins 40 inventions répondent à des technologies de vagues artificielles. A la question, comment naissent les vagues ? La réponse est double : initialement par le vent et désormais par une machine aussi. Nouveau vocable, nouvelle abstraction, nouvel imaginaire. Avec l’apport de technologies avancées, l’Océan et les vagues ne sont plus interconnectés. Cette évolution oblige à opérer une série de déconstruction de clichés. Les vagues sont au centre de la pratique du surf. Vincent Duvignac, surfeur professionnel français, incarne cette discipline en pleine révolution. Il nous accompagne dans cette réflexion.
La Vague-Plaisir. Surfer, ça rend heureux. Dans l’Océan, des hommes et des femmes, des surfeurs chevronnés, trouvent un nouvel espace-temps qui les transportent et les transforment. Pour accéder à l’expérience, peu d’artifices. Une combinaison, une planche et des vagues ! Au gré des vents, de l’énergie est transférée à l’eau, et roule à travers l’Océan. La vague n’existe pas en elle-même. Elle est seulement l’expression du comportement de l’eau. Le frottement du vent à la surface, force l’eau à l’ondulation. La perturbation induite se charge en énergie et en quantité de mouvement associé. Elle se propage, de proche en proche, dans son milieu marin, sans transport de matière. Ondulant en surface, ce remous va continuer à se déplacer, et grossir selon la force et la durée des vents en présence. Sur parfois de longues distances, la vague « onde » voyage et se regroupe par séries avec d’autres semblables, par taille et par intensité. Elle est Une parmi la houle. Si les obstacles sont peu nombreux, la perturbation houleuse s’amplifie, tout en dissipant de l’énergie. Arrivée sur le littoral côtier, sa vraie nature s’exprime, quand elle s’élève. Elle s’impulse. Elle est La vague. Sa base commence à perdre en vitesse, en butant contre le sol marin. Elle va bientôt expulser son énergie. Sa partie supérieure continue son mouvement jusqu’à ce que sa crète s’écroule sous son poids. La vague bascule vers l’avant, et libère l’énergie qu’elle transportait. Elle déferle, quand sa pente critique est atteinte. Ce déferlement révèle sa façon d’être, quand elle se donne. Les qualificatifs ne manquent pas : belle, capricieuse, monstrueuse, dantesque, de classe internationale, brouillonne, molle… Il y a les sessions plaisantes, celles décevantes mais jamais pour longtemps. Car la nature du surfeur est bien d’être toujours dans l’espérance de la prochaine vague, la vague enivrante. Et ça y est, enfin, la voilà, la précieuse, celle par qui arrive – LA session mémorable. Qui vide la tête et rince le corps. Fonds en pente douce, sans rocher coupant, entouré de sa tribu de surfeurs. Un vent offshore (venant de terre) qui lisse et creuse l’océan. La mécanique de la vague est parfaite. Bienheureux est alors le persévérant !
Source naturelle, source artificielle. L’objectif du surfeur est de « chevaucher la vague déferlante ». Allongé sur sa planche, à plat ventre, il passe derrière la zone de déferlement, au calme. Ensuite il rame vigoureusement pour dépasser la vitesse de la vague, jusqu’à être pris dans sa pente et se redresse, pour glisser. Il tient sur sa planche, non pas en contrôlant la vague, mais en adoptant son énergie. Entre vague d’origine naturelle et vague d’origine artificielle, les vagues restent égales en essence : elles sont eau. Ainsi, qu’on évolue en milieu naturel ou dans le Wave Park, on reste sur des invariants. Toutefois, les deux types de pratique du surf, vont se distinguer par bien d’autres aspects. Dans la nature, toutes les sessions sont loin de se valoir. Il faut s’armer de patience, rester à l’affût. Il y a des jours sans, face à l’absence de vagues ; beaucoup de jours sans, et quelques jours avec. Dans le Wave Park, les sessions sont formatées pour être « idéales ». On s’émancipe des caprices météorologiques. On est sûr de pouvoir surfer ! On est délesté des tracas liés au matériel nécessaire. Trop souvent, on n’a pas le bon … Celui qui correspondrait à la bonne hauteur des vagues, à la bonne force des vents en présence. On peut oublier les avaries en plein océan, les sessions catastrophes, où le seul objectif alors, est de revenir sur le rivage, sain et sauf. En milieu artificiel, on est en totale sécurité : à l’abri de vagues agressives, de coraux tranchants, de piqures intempestives de méduses, voire d’attaque de squales, … On n’a plus que les risques liés à une session de piscine. En plein océan, il faut savoir le cas échéant, … ramer à la force des bras. Il est nécessaire, inlassablement, de remonter au pic, à l’endroit où les vagues commencent à casser. Le surf c’est 90% de rame et 10% de glisse. Avec la technologie, les pourcentages s’inversent. Dans le Wave Park, nul besoin de beaucoup ramer. Il n’y a pas de barre de déferlantes à passer. La zone d’attente pour la bonne vague, peut être le bord du bassin. En milieu artificiel, l’accès au plaisir est relativement immédiat. Il y a davantage de vagues à disposition. On peut oublier la surpopulation de certains spots prisés. L’affluence est canalisée. Les muscles qui étaient d’ordinaire sollicités, ne sont plus tout à fait les mêmes. Dos, nuque et bras pouvaient tirer après une session « classique ». En bassin ou plan d’eau instrumenté, les cuisses sont particulièrement mises à plus rude épreuve du fait de la répétabilité. Que penser du mythe du surfeur, homme ou femme au corps de rêve, reconnaissable à sa silhouette finement sculptée, et à ses cheveux baignés de soleil ? Il deviendra autre. Les vagues artificielles attendent le surfeur. Ce dernier peut pratiquer son sport plus souvent, pourquoi pas en ville, et de manière plus générale, dans des territoires qui ne possèdent ni lacs ni rivages côtiers. On planifie sa session surf comme on se rend à la salle de fitness ou au skate Park. Quelle que soit l’habileté à chevaucher la vague, dans le Wave Park, il y en a pour tous les niveaux. Néophytes, surfeurs occasionnels, experts, les vagues sont polyvalentes et s’adaptent à tous les apprentissages. Les vagues artificielles sont inclusives. Les structures peuvent prévoir l’accueil de pratiquants en situation fragilisée. Pour les pros, les entrainements pourront être assurés avec moins d’aléas et plus de régularité. En compétition en bassin artificiel, ils seront jugés sur la « même » vague. Une même vague prototypée pour l’occasion. Après de longues tergiversations, pour sa première aux Jeux Olympiques à Tokyo en 2020, le surf se pratiquera finalement dans l’Océan, sur le spot de Chiba. Le choix de la vague par le surfeur fera encore partie des critères des juges. Toutefois, il y a fort à parier qu’en 2028 (pour Paris-2024 c’est encore la frilosité), le Comité International Olympique optera pour des épreuves combinant le Wave Park et l’Océan. Les compétiteurs seront notés sur des critères classiques de difficultés, d’exécution et d’engagement de figures et sur d’autres, qui restent à imaginer.
La Vague. Objet de consommation. De masse fluide, indifférenciée, si elle est vraiment bonne et inspirante pour des générations de surfeurs, la vague surfable prend une dénomination : « la vague de Ouakam » au Sénégal, « la vague d’Uluwatu » ou de « Padang-Padang » à Bali. Ces vagues qui déferlent sont célèbres, et deviennent par là-même, de véritables objets de convoitise. Pour peu que la topologie des fonds reste la même. Car il arrive que des vagues de ce calibre disparaissent ou perdent de leur potentiel surfistique. C’est le cas de « la vague de Mundaka », au Pays Basque. Suite à des travaux d’aménagements, elle est sous la menace régulière de perdre son panache légendaire. Et les surfeurs s’en plaignent. Il y a les vagues difficilement accessibles, hautement désirables, comme « la vague de CloudBreak » aux Fidji ou dans certains atolls des Maldives. Certaines sont littéralement privatisées par des complexes de luxe, quand d’autres peuvent se trouver en zone militaire et protégée. C’était le cas de « la vague de Lassarga » au Maroc. Longtemps interdite, il est désormais possible de la surfer. A l’instar des vagues naturelles, il est évident que certaines vagues artificielles sortiront du lot. Par quelles appellations ? Entendrons-nous parler à terme de « La Citywave®», de « La Artwave Surf™ la finlandaise », de « La vague de Kelly Slater ou celle de Mark Occhilupo”, de « La 360° à Lausanne » ou encore de « La Wadi à Abu Dhabi » ? La compétition est mondiale. Que retiendra-t-on ? Le nom de la technologie brevetée, le nom d’un surfeur de légende ou de l’inventeur, la localisation de l’installation voire le nom d’un sponsor ? Seul l’usage le dira. La société Wavegarden, s’affirme comme le leader du marché des vagues artificielles. Près de 15 ans après les premiers essais, elle a su s’entourer d’une équipe d’ingénieurs experts en hydrodynamique, de mécaniciens, de mécatroniciens, mais aussi d’informaticiens, d’électroniciens, d’énergéticiens, d’électriciens, d’architectes et de paysagistes. Elle est très avancée dans le domaine, avec son bureau d’étude de 50 collaborateurs et son showroom, le « Wavegarden R&D demo center » au Pays Basque espagnol. Elle peut s’appuyer sur deux projets déjà opérationnels, comme le Surf Snowdonia au Pays de Galles. En phase de construction, deux nouveaux sites seront bientôt en accès au public, un à Bristol en Angleterre et un autre, l’URBNSURF à Melbourne en Australie. 23 autres projets sont en phase de développement. La concurrence s’organise. Les réalisations et les projets ne manquent pas. Il y a désormais le choix entre : une offre grandeur nature, enrubannée de sublimes incertitudes, et une offre marchande, packagée et sécurisée, portée par de sublimes technologies. Avec des vagues à la source artificielle, l’univers du surf augmente. Source numérique, jeux de simulations, le surf devient 5D. Source mécanique, jeux dans les Wave Park, le surf se pratique à portée de planche. Le champ des possibles devient exponentiel. Il sera envisageable de surfer de jour comme de nuit, avec de la musique à fond, des stroboscopes, de l’eau colorée, et des créatures aquatiques imaginaires. Tout est combinable, avec d’autres technologies avancées. Toute sorte de couplage est faisable entre réalité « naturelle », réalité « virtuelle » et réalité « augmentée ». Avec les paradis artificiels, il n’y aura plus besoin de parcourir des kilomètres de plage, ou d’aller à l’autre bout du monde pour prendre des vagues. Cependant ultime sophistication, ne voudra-t-on pas consommer plus ? Ecumer des spots européens, indonésiens ou australiens de vagues naturelles ; ET aussi tester leur pendant en vagues artificielles ? De futures structures marchandes en formation, sauront s’accaparer, la manière de capter davantage notre attention, d’accrocher nos désirs, et de les conditionner pour nous faire consommer de la vague.
La Vague-Objet de recherche. Bassins de traction et bassins de houle. Bassins de surf. D’un côté des espaces de pointe en recherche expérimentale en hydrodynamique et en génie océanique. De l’autre côté, des espaces de divertissement et de sport nautiques. C’est grâce aux chercheurs et aux ingénieurs que les premiers générateurs de houle programmables ont été mis au point. A échelle réduite, dans des canaux ou des bassins, des travaux permettent d’approfondir des connaissances scientifiques et d’avoir une meilleure compréhension des phénomènes physiques liés aux vagues. Bien avant d’arriver dans des Wave Park, des vagues artificielles étaient, et le sont plus que jamais, produites à des fins de recherche. Il s’agit principalement de mieux protéger les populations et les activités de l’homme. C’est faire des études d’impact et de manœuvrabilité de coques dans les vagues, des essais de bateaux en mouvement sur différents types de houle paramétrables (déferlante, oblique, …). C’est modéliser et simuler du roulis paramétrique, des trainées hydrodynamiques, avec des houles régulières ou irrégulières multidirectionnelles. Des industriels s’assurent auprès de chercheurs de la performance de leurs systèmes flottants, naviguant ou ancrés en plein Océan. Dans des conditions opérationnelles ou extrêmes, c’est tester et éprouver des infrastructures côtières ou des ouvrages portuaires et routiers. Des nations peuvent avoir des préoccupations spécifiques. Au Québec, un batteur à houle simulera l’effet des glaces sur des rives en présence de houle et de courants. Les Pays-Bas chercheront à rivaliser d’ingéniosité pour se protéger des inondations et renforcer leurs structures de digues, et autres collines artificielles. Les hydrologues du monde entier cherchent désormais à minimiser l’impact de toutes ces installations sur l’environnement. Dans des logiques d’innovation ouverte, les grands laboratoires européens et suisses d’hydraulique collaborent (LNHE sur le plateau de Saclay, l’Hydraulic Research Wallington en Angleterre, le BAW en Allemagne, le LHE en Suisse…). La science des vagues s’accélère d’autant que les perspectives financières sont alléchantes. L’entreprise Bosch-Rexroth avait pour habitude de fournir des générateurs d’ondes aux Instituts de recherche. Désormais, elle a saisi l’opportunité d’élargir son offre à de nouveaux marchés. Elle conçoit des générateurs d’ondes personnalisés, à destination du surf. C’est la même tendance, avec la société Hydrostadium Groupe EDF, qui dispose de brevets sur des vagues à surf artificielles.
La Vague Artificielle industrielle. L’activité surf de loisir ou la recherche scientifique n’a pas le monopole de génération de vagues artificielles. Dans la nature cohabite des vagues naturelles et des vagues artificielles, de causes anthropiques. De petites vagues sont « fabriquées » par le sillage des navires, par des constructions près d’une côte, ou par d’autres activités humaines liées à l’eau. Ces ondes sont souvent minimes par rapport aux vagues causées par les forces de la nature. Faibles en quantité d’énergie et de mouvement, ces vagues artificielles ne durent jamais longtemps. Toutefois, elles se multiplient avec l’activité économique et industrielle qui s’étend. Car il s’agit bien de satisfaire des besoins croissants, en transport de marchandises à échelle planétaire, en communication, en énergie, en production alimentaire et en loisir. Cargos porte-conteneurs : ils sillonnent les océans de la planète. En 20 ans, leurs tailles ont plus que doublé pour répondre à du commerce de gros. Câbles sous-marins : des milliers de kilomètres de pose pour faire transiter de l’énergie électrique ou acheminer la plupart des télécommunications mondiales. Plateformes pétrolières, gazières et autres : leur taille peut être équivalente à 4 terrains de football mis bout à bout. Sans compter les zones périphériques d’extraction à sécuriser. Assurer le transport et l’acheminement de pétrole, de gaz, de granulats, par des bateaux-citernes. Fermes aquacoles : installation de zones d’aquaculture marine, pour l’élevage d’espèces océaniques à grande échelle. Avec un niveau de mécanisation poussé, des poissons, des algues, des mollusques ou des crustacés sont produits. Navires de croisière : les passagers profitent de trajets de plaisance avec des installations récréatives, comme des discothèques, des piscines voire même des patinoires. Quand ces véritables villes flottantes accostent, elles provoquent des vagues intrusives. Hors océan, d’autres productions de vagues artificielles industrielles n’échappent pas au mouvement de fond. En plein désert israélien, des agriculteurs se reconvertissent dans l’aquaculture d’ornement pour produire des poissons, à destination d’aquariums européens. Des petites vagues permettent d’oxygéner une eau géothermique, puisée à plusieurs centaines de mètres sous le sable. Dans d’autres déserts, il s’agit de brasser l’eau des aquariums XXL d’hôtels de luxe, pouvant contenir près de 65 000 animaux marins.
La Vague-Energie. Il fut un temps où les Océans étaient des espaces intacts, préservés de toute présence humaine. Ils étaient sacrés et divinisés. Ils étaient craints. Aujourd’hui, parcelles après parcelles, ce sont des territoires en pleine colonisation, à l’ère de la mondialisation et des nouvelles technologies. Les vagues, expression du mouvement des Océans, deviennent le centre d’enjeux planétaires. Leurs mouvements perpétuels, inépuisables et relativement prédictifs font partie des solutions d’avenir pour la transition énergétique. Partout dans le monde, les projets se multiplient, pour récupérer l’énergie des vagues et la transformer en électricité. Sous l’ombrelle « croissance bleue », le vocabulaire évolue pour rencontrer de nouvelles visions économiques, lucratives ou de protections environnementales. A côté des énergies renouvelables déjà existantes, inépuisables à l’échelle du temps humain, comme le solaire (énergie qui dépend du soleil) ou l’éolien (énergie qui dépend du vent), va cohabiter l’énergie houlomotrice, l’énergie des vagues. De véritables plans stratégiques, liés à la valorisation de l’espace océanique, sont mis en œuvre. Pour ce faire, il y a une cohabitation inéluctable, entre l’expression de forces gouvernementales et la concession de zones à des intérêts privés. Des alliances se forment. Invariablement, en base arrière chercheurs et ingénieurs reproduisent dans des installations universitaires n’importe quelle combinaison de vagues et de courants océaniques. Ils schématisent des écoulements et des déferlements complexes, mettent au point des modèles théoriques sur les efforts de la houle, ses flux d’énergie moyenne et de dissipation. Ils prototypent des dispositifs ingénieux comme celui des écossais, un Générateur d’Elastomère Diélectrique (DEG), avec des membranes en caoutchouc flexibles. Puis, en partant de ses incessantes découvertes, des entrepreneurs se chargent d’aider à produire de l’électricité à faible coût, pour des habitations de particuliers ou pour des bases navales. Un halo d’activités est en train de se développer. Chacun y va de sa technologie innovante avec des systèmes très hétérogènes, au potentiel de houlogénération électrique. On habille le littoral côtier de centrales à vagues, dites centrales houlomotrices. On dissémine des chaînes flottantes articulées à vérins hydrauliques, des systèmes à corps mus par la houle, oscillant au grès des vagues. On construit des fermes à vagues pilotes transformant le mouvement de la houle en électricité, au Ghana, au Sri Lanka, aux Bahamas dans les Caraïbes, dans les îles Canaries, … La start-up israélienne Eco Wave Power, projette d’équiper l’espace maritime chinois avec des flotteurs instrumentés. Le suédois Seabased possède une technologie de système de bouées à la surface, couplées à des générateurs positionnés au fond de l’Océan. Avec des câbles, le tout est relié pour capter, convertir et acheminer, l’énergie de la houle. La connaissance ne cesse ne s’accroître. Le leader de l’énergie française EDF a ouvert un campus pour les métiers de l’hydraulique, à Toulouse et bientôt à Grenoble. Le matériel pédagogique est impressionnant : maquettes de barrages et de centrales, ateliers avec des pans d’usines, centres de contrôle commande, turbines XXL, mais aussi serious games, logiciels 3D, réalité virtuelle… Il est fort à parier que l’ingénierie écologique appliquée aux vagues aura une place de choix. La vague et l’énergie sont indissociables. Différence fondamentale : les vagues artificielles consomment de l’énergie, tandis que les vagues naturelles sont une réserve d’énergie. L’Ademe, est l’agence de la maîtrise de l’énergie. Elle estime aujourd’hui le coût énergétique d’un mail. A quand celui moyenné pour une vague artificielle ? Les Wave Park ne peuvent faire l’impasse sur ce coût. Il se pourrait qu’on tourne autour des 0,22 €/vague pour certaines technologies. Et à côté de cela, chaque vague naturelle pourra peut-être rapporter plus ! Question d’offres et de demandes.
La Vague Destructrice, la Vague-Extrême. Il y a les vagues répétitives et fugitives qui, sans faiblir, agresse le littoral. L’Océan avance et gagne toujours plus de terrain. Le trait de côte bouge inexorablement. C’est le phénomène d’érosion. Sur la côte atlantique, des résidences sont désertées, comme “Le Signal” à Soulac. A Biarritz, la falaise en surplomb de la plage de Marbella, menace de s’effondrer. Il faut bétonner par sécurité et accepter de voir réduire à peau de chagrin ce lieu de surf mythique. On peut lutter contre ou s’adapter. Un projet de vague artificielle, avec un Wave Park, a permis de trouver un compromis. Il y a les vagues géantes prévisibles, provenant de houles massives exceptionnelles. On peut les surfer, à condition d’être préparé. Pour les affronter, les hommes et les femmes se transforment en véritables machines. L’endroit où la vague est susceptible de casser (line-up) est grand comme 3 terrains de foot. Surfer à la rame n’est pratiquement plus possible. Pour se déplacer alors rapidement, il faut être de préférence tracté par un Jet Ski. Pour éviter la noyade, il est important d’être muni de gilets spécifiques, dotés de cartouches à air comprimé, qui aident à remonter à la surface. La préparation physique et mentale doit être au niveau et peut passer par la pratique combinée de yoga, d’apnée, de natation et de boxe. Ce sport extrême a pour quête, des sensations fortes. Zodiacs et drones sont toujours les témoins de ces exploits. La vague de Teahupoo a comme alias « La mâchoire », celle d’une monstrueuse créature. Les surfeurs de l’extrême, sont adeptes d’une nouvelle discipline, le surf de gros. Il y a les vagues singulières, puissantes et dévastatrices résultant de tempêtes, de cyclones ou de tsunami. Un choc, tel qu’un tremblement de terre ou une éruption volcanique, peut extraire un morceau de la mer ou d’Océan et le transformer en vague géante frontale. En 1958, dans la baie de Lituya en Alaska, un séisme a engendré un glissement de terrain qui a provoqué un gigantesque tsunami. Sur des flancs escarpés, des millions de cube de roche se sont déversés dans le bras de mer. En s’écrasant, les débris ont propulsé l’eau hors de la baie. Une énorme vague a surgi, de 300 m de hauteur, tel un mur d’eau noir fonçant à 110 km/h et charriant des troncs d’arbre. La vague, surgie des profondeurs, a tout rasé sur son passage. Impossible de lutter contre un tel missile. Il y a la vague solitaire et soudaine, anormalement élevée, qui apparait et disparait sans laisser de trace. Elle peut même surgir par temps calme, en plein Océan. Elle possède une dangerosité extrême pour quiconque la croise. Le 1er Janvier 1995, en présence d’une houle de 10 mètres, une vague bien cambrée, de plus de 25 mètres de haut, déferle sur la plateforme pétrolière norvégienne de Draupner. Longtemps considéré comme un mythe, cette vague « à part » est détectée par un appareil de mesure et enregistrée par des capteurs scientifiques. L’existence de ce phénomène ne peut plus être mis en doute. L’enjeu est d’essayer de prévoir l’occurrence d’une telle vague océanique, si mystérieuse ; d’autant qu’avec la colonisation de l’Océan par des structures de toutes sortes (bateaux, plateformes, flotteurs, …), les probabilités de faire face à une vague dite « scélérate » augmentent dramatiquement. En Mars 2019, dans un bassin de houle écossais, au laboratoire FloWave Ocean Energy Research Facility, cette vague a été reproduite à échelle réduite. Mais les premières vagues artificielles, capables de reproduire le phénomène de vague scélérate, sont arrivées par l’optique, il y a plus de 15 ans en arrière. D’énormes vagues lumineuses, des vagues optiques, peuvent voyager sur de longues distances, sans perdre en amplitude et sans se déformer. Cette capacité est observable dans des fibres optiques, où un pic lumineux peut surgir telle une vague scélérate optique. C’est en partant de ce principe d’universalité du comportement des ondes, entre une onde lumineuse (onde électromagnétique) et une onde mécanique, que les recherchent avancent. John Dudley et ses collègues de l’Institut Femto-ST et de l’Université technologique de Tampere en Finlande ont gagné du terrain en prédictibilité. Ils passent par des vagues artificielles optiques, couplés à de l’intelligence artificielle, pour prédire le cas échéant l’intensité maximale d’une onde scélérate. A l’aide de milliers de simulations, leur réseau de neurones artificiel se développe, et le mystère des comportements solitoniques est progressivement en passe d’être levé.
La Vague-Un-Tout. Dans des civilisations pré-colombiennes, les hommes avec des embarcations en roseaux, surfaient majestueusement en rentrant de la pêche. Seules des poteries en attestent. Bien avant l’arrivée des nouvelles technologies, des navigateurs polynésiens savaient à tout moment de leur voyage en pirogue, sans objet technique, sans connaissance de cartes, s’orienter, prendre la bonne direction. Ils ressentaient comment l’Océan frappait leur embarcation, avec ses vagues. Ils naviguaient avec leur conscience. Plus récemment, en 2004, des tribus isolées des îles Andaman, un archipel de l’Océan Indien, ont survécu au Tsunami parce qu’elles savaient lire l’Océan. En voyant l’eau qui se retirait, elles ont su qu’il fallait se réfugier en hauteur. Faute de transmission, ces connaissances ancestrales sont des pans de connaissances oubliées. A l’affût depuis le rivage, ou sur sa planche en plein Océan, le surfeur averti, a toutes ses antennes déployées. L’Océan est vivant, il respire. Il a développé une capacité à lire les vagues, à lire l’Océan, peut-être pas suffisamment, pour savoir naviguer au long court, mais déjà pour rider. Le surf il le vit, comme bien plus qu’un sport. Dans le documentaire « The Still Point », Taki Bibelas s’intéressent à des surfeurs des années 50 et 60, ayant une longue histoire avec l’Océan. Ces hommes racontent comment ils vivent des expériences surfistiques plus qu’intenses, fascinantes. Je cite un de ces surfeurs : « L’espace et le temps s’arrêtent, parce que tu deviens l’instant. Tu es dans le néant, parce que rien d’autre existe ». Certaines étreintes entre la vague et le surfeur sont susceptibles d’amener à s’approcher de vérités indicibles. Vivre un aller-retour instantané dans une sorte d’Unité qui sous-tend et contient toute chose, aussi bien le temps passé, présent et futur. L’échange symbiotique est immédiat, perpétuel et instantané. Au Still Point (au Point de Repos), s’est ouvert un espace réticulé de conscience modifiée, où on accède à des temps immémoriaux. On se sent alors, juste dans la maille de l’Univers. Il y a des milliards d’années des phénomènes cosmiques violents, comme la fusion de deux trous noirs, provoquaient l’émission d’ondes gravitationnelles encore perceptibles aujourd’hui. Avec des expériences de physique à grande échelle comme EGO (European Gravitational Observatory) en Italie, il est possible d’observer l’inouï, l’empreinte d’une vague qui a plissé l’espace-temps, aujourd’hui réduite à la taille d’un atome ! Des détecteurs de plus en plus sensibles, des interféromètres, permettent de réduire le volume d’Univers à explorer. Vagues mécaniques, vagues électromagnétiques, vagues gravitationnelles. Des vagues apparemment sans rapport entre elles, sont indissociablement liées. Par leur nature ondulatoire. Les modèles de propagation non-linéaire de groupes de vagues en pleine mer et d’ondes électromagnétiques dans les fibres optiques sont physiquement identiques. Les communautés scientifiques expertes dans chacun de ses domaines se rapprochent. Entre ceux qui étudient les phénomènes d’ondes extrêmes en optique et ceux des « vagues océaniques » en hydrodynamique, les passerelles se créent. D’autres récentes co-publications Turquie-Chypre, Inde-Afrique du Sud, vont dans le même sens. Toujours dans une logique de mutualisation, ceux qui étudient les vagues gravitationnelles et les vagues mécaniques de l’Océan commencent à collaborer. Les surfeurs dans le documentaire « The Still Point » sont précieux dans ce qu’il rapporte comme ressentis, source d’une connaissance, qui doit devenir accessible à une perception scientifique. Savoir être attentif à toutes les communautés, et de façon bijective qu’elles s’ouvrent chacune à des perceptions élargies. Très bientôt, une nouvelle génération de surfeurs pourrait ne jamais connaître le contact avec l’Océan. Entre machines sophistiquées et nature, l’humain ne doit pas perdre le lien intime avec son environnement. Ces machines aussi désirantes soient-elles ne sont pas deshumanisantes donc elles ne sont pas condamnables, bien sûr. On peut s’interroger dans quelle mesure les paradis préfabriqués sauront alimenter une métaphysique du surf ? A minima, il faudra fondre dans le décor toute la tripaille mécanique et électronique (pompes, pistons, rotors, pâles, turbines, centrales inertielles, cylindres hydrauliques, …). Le bruit de la machinerie devra être suffisamment discret. S’il doit perdurer, ce surf-là devra se fabriquer de nouveaux récits inspirants. Et il pourrait commencer par les mots empruntés au biologiste et physiologiste, René Quinton : « L’homme dans son milieu intérieur transporte une petite parcelle d’Océan, une petite goutte des Océans primitifs qui recouvraient la Terre et d’où est partie la Vie ». Les hommes, le vivant, notre Planète Bleue, notre Planète-Océan font bien partie d’Un-Tout.
La Danse des Vagues. Dans des croyances ancestrales, les maîtres de l’eau peuvent déplacer de grandes masses d’eau, les mouler dans une variété de formes, et s’employer à guérir, réparer, se défendre, ou attaquer. Ils sont en capacité de transformer l’eau en murs d’eau qui avancent, en cordes qui claquent comme des fouets, ou en cristaux de glace qui empalent. De nos jours, des hommes et des femmes mettent les vagues en équation. Comme John Dudley de l’Institut Femto-ST (Unité Mixte de Recherche du CNRS), rattaché à l’Université de Franche-Comté. D’autres conçoivent des machines « naturficielles » reproduisant le motif « Vague », motif le plus répétitif et fugitif de la nature. Comme Wavegarden ou Laurent Hequily avec Okahina Wave. Ils sont capables d’extraire un morceau de l’Océan et d’en faire surgir des vagues. L’eau se soulève et déferle en donnant l’illusion de vagues naturelles. Des passionnés surfent des vagues naturelles et artificielles. Comme Vincent Duvignac. Des performers surfent en BMX ou en moto KTM. On ne sait plus distinguer la part de naturel et la part d’artificiel. Des créatifs comme le regretté Karl Lagerfeld nous émerveillent, en apportant du sable, la mer et les vagues au sein du Grand Palais à Paris. Des artistes capturent la nature éphémère de l’Océan, comme Jonathan Lipkin avec ses photographies composites « Ocean, the translucence of time » ou comme Dave Sandford dans sa série « Liquid Mountains ». Chacune de leur vague ne ressemble à aucune autre. Tous ces hommes et ces femmes donnent de la consistance à l’Objet Vague Artificielle. Dotés de « dextérité hydro kinétique », ils dansent avec des vagues futuristes, et deviennent par là-même, les « nouveaux maîtres de l’eau bienveillants ».
Références et remerciements.
Merci :
Au surfeur pro Vincent Duvignac pour nos temps d’échanges
A la société Wavegarden pour sa disponibilité
A Christophe Chaumet, Cofondateur du projet de Wave Park « Wavelandes »
Au Professeur de physique et PhD John Dudley de l’Université de Franche-Comté, passionné par les phénomènes ultrarapides dans l’optique
A Christian Olivetto, Directeur Adjoint Technique du consortium EGO (European Gravitational Observatory) à Pise en Italie
https://www.linkedin.com/pulse/start-international-campaign-gravitational-wave-christian-olivetto/
A l’artiste plasticien Claude Blanc-Brude pour ses œuvres Horizons
https://claudeblancbrude.wixsite.com/claudebb
A l’artiste photographe Jonathan Lipkin pour une lecture privilégiée de ses œuvres « Ocean, the translucence of time »
A Sandra Salvatgé, directrice de la société suisse Fasterion en Veille Technologique & Concurrentielle qui m’a sélectionné des brevets d’invention et des articles dans la masse d’information disponible
A Gilles Esparbet mon partenaire pour le blog, dans le graphisme et l’illustration
A Xavier Comtesse, Assia Garbinato, Stéphane, Benjamin, Julia, Guillaume, Roland pour leurs encouragements
M’ont librement inspiré :
Nicolas Arquin, le Community Manager de Wind Magazine
Fredo, Rémy et Romain du Podcast français 100% Surf « Impact Zone »
Gilles Debrix, avec SURF TRIP Adékua
https://surf.voyages-adekua.fr/
Jonathan Arriola pour son texte « Le plan d’immanence selon Gilles Deleuze »
Le réalisateur Taki Bibelas avec le TEDx de son documentaire « The Still Point » sur la métaphysique du surf
https://www.youtube.com/watch?v=aZuaLv1IfZY
L’INP Toulouse/ENSEEIHT pour son cours sur la mécanique des fluides
http://thual.perso.enseeiht.fr/otapm/odf-reladi/index.htm
L’EPFL de Lausanne pour son cours sur Vagues et Optique
Image d’introduction : Sede @Wavegarden