La stabilité de notre système d’approvisionnement repose sur des personnes. La question de leur sécurité sanitaire est essentielle pour plusieurs raisons. Elles sont particulièrement exposées et leur sort devrait nous importer parce que nous les côtoyons. Elles s’occupent de plus du secteur hypersensible de l’alimentation. Or, le port du masque n’est pas général. Dans certains magasins aucun vendeur n’en porte.
Distances non respectées
Ces personnes assurent la mise en rayon de façon ordonnée et s’occupent des opérations d’encaissement. Les passages entre les rayons sont parfois encombrés et les occasions de croiser de près des clients contagieux sont nombreuses. Travailler plus de huit heures par jour dans des lieux souvent bondés augmente les risques de transmission. Surtout, se trouver assis à l’encaissement face à des clients debout constitue un schéma ou le personnel de vente est positionné de façon désavantageuse. La distance avec les clients y est très inférieure aux deux mètres recommandés.
Ethique versus cynisme
Posant naïvement la question aux personnes concernées, j’ai senti une certaine inquiétude de leur part. La question de la gêne que ces masques pourraient leur causer n’explique pas qu’elles ne l’utilisent pas. En revanche, les raisons qu’elles ont entendues de leur direction pour justifier la non distribution de masques semble loin de les avoir convaincues. Elles font partie d’un groupe socio-professionnel exposé à un risque sanitaire plus élevé que la moyenne et elles le savent. Si les dirigeants minimisent ce danger sans argument scientifique solide leur attitude est cynique.
Quant au contre-argument qu’il faut tout faire pour éviter une psychose, y compris leur refuser le port de ces masques, il semble déplacé. Certains responsables politiques ont parlé de la situation actuelle en parlant de ‘guerre’ parce qu’ils ont observé des comportements encore négligents d’une partie du public. De façon générale, le degré d’alerte mérite encore d’être relevé.
Alimentation
L’alimentation devient un secteur encore plus sensible qu’habituellement dès lors qu’il concentre en lui la quasi-totalité des activités ouvertes à la population. Il est le dernier lieu social où il est possible de se rendre pour constater que la société fonctionne. Certes, les quelques rayons dont les clients ont imaginé le non-approvisionnement ont été vidés de leur contenu suite aux comportements mimétiques de certains clients (selon le vieux schéma de la prévision auto-réalisatrice). Il est parfaitement proportionné de monter d’un cran le niveau de sureté des personnes dans le secteur de la distribution alimentaire. Accorder des masques aux personnes du secteur de la distribution alimentaire relève de la responsabilité élémentaire.
Applaudissements mérités
Des romands sont sortis sur leur balcon à un moment déterminé de la soirée pour applaudir médecins, infirmiers et nettoyeurs des hôpitaux. Un tribut légitime et une manifestation d’unité bienvenue.
Adresser des applaudissements aux personnes en première ligne de notre approvisionnement alimentaire serait tout aussi justifié. Elles aussi offrent un service direct au public en étant exposées au risque de transmission. Vu la menace sanitaire, elles sont en droit de recevoir des masques de la part de leur employeur. Et qu’on ne dise pas que les masques manquent. Il y a des solutions pratiques que les distributeurs peuvent adopter. Les personnes qui remplissent les fonctions de base de notre société méritent notre reconnaissance et le droit de se protéger. Une société est forte si elle prend soin de tous.