Agression virale : La responsabilité individuelle au service de la performance collective

Les individus se liguent pour combattre le virus et empêcher sa transmission à d’autres individus, ici et dans d’autres pays. Faut-il évaluer les communautés politiques sur leur capacité à comprendre rapidement le danger et à agir en conséquence ?

Responsabilité individuelle comme source de puissance collective
Sur le plan des moyens mis en œuvre, le Conseil fédéral en appelle à la responsabilité individuelle. Nous vivons en démocratie et chacun doit se comporter de façon responsable. L’individu est invité à contenir l’agression virale en s’en préservant lui-même. Même s’il croit n’être pas porteur du virus. Et surtout s’il craint d’être contaminé par des personnes ignorantes.

Le principe moral est simple, ne nuisez pas à autrui par négligence ! Son respect concourt à limiter la contamination par le virus et à assurer la cohérence des communautés politiques. La responsabilité collective ne solutionne pas tout puisqu’il faut aussi mobiliser des médicaments, du personnel hospitalier et des infrastructures. La responsabilité a toutefois un rôle à jouer.

Effectivité des systèmes mis en place
Il était clair dès le début du mois de mars que le coronavirus allait bouleverser notre pays et que nous devions nous comporter différemment. Il a fallu trois semaines pour que le confinement partiel soit compris et respecté. La question des résultats à obtenir et de la performance collective à réaliser peut s’observer de différentes manières. J’en retiens une à titre d’exemple.

Le dénombrement du nombre de décès par million d’habitants permet de comparer la situation des différents pays. Les chiffres ne disent rien des drames individuels. Ils donnent une base factuelle qui permet d’ouvrir la discussion sur les stratégies qui semblent fonctionner.

Dénombrement des décès
Le graphique suivant figure le nombre de décès par million d’habitants. La situation de la Suisse est comparée à différents pays : Belgique, Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, France et Corée du Sud. L’Italie étant malheureusement à quelque 100 décès par million d’habitant et l’Espagne aux alentours de 47, leur exemple sortirait trop du cadre du graphique. Ces deux chiffres illustrent cependant le résultat qu’il convient d’éviter.

Source des données primaires : European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC). L’axe vertical indique le nombre de décès cumulés par million d’habitants au cours du temps. L’axe horizontal indique le nombre de jours depuis le premier cas enregistré dans chaque pays (jour 1) jusqu’au jour 40 pour la Corée. Chaque courbe a, selon l’axe horizontal, une extension spécifique qui tient compte du nombre de jours écoulés depuis le premier cas. La courbe de la Suisse comprend en plus la dernière donnée de l’Office fédéral de la santé. (Crédit : Institut Biosphère)

Résultats
Seule la Corée du Sud a un nombre de décès journaliers tendanciellement stable. Cette stabilité indique que la politique menée permet de préserver la cohérence du système hospitalier. L’Allemagne a un taux de décès peu élevé qui laisse entendre que ses unités de soins intensifs ne sont pas sous pression. En revanche, les cinq autres pays connaissent des situations préoccupantes et la Suisse ne fait pas exception. Il faut encore attendre pour voir si les effets du renforcement des consignes seront concluants.

Performance collective et responsabilité
Le nombre de décès dus au coronavirus concourt à désigner les pays qui freinent la progression de la pandémie et ceux qui n’y parviennent pas, ou pas encore (au même titre que les montants d’émission per capita de gaz à effet de serre disent si les pays ont une politique climatique responsable ou non). Les chiffres sont des outils indispensables à l’action des communautés politiques et des individus qui les composent. Il y a des valeurs et qualités particulières qui méritent d’être dénombrées parce qu’elles ne sont pas substituables les unes aux autres. Dans le cas présent, réaliser que nous ne maîtrisons pas encore les conséquences sanitaires du coronavirus permet de ‘sentir’ la fragilité de notre système technique et des personnes à préserver.

C’est dans ce cadre que le concept de performance collective prend son sens. Faire face à une pandémie ou à un autre type de catastrophe exige un agir collectif coordonné, responsable et cohérent. Nous en sommes capables depuis samedi dernier semble-t-il, ce qui n’est pas si mal. Assumer la responsabilité de ne pas nuire à autrui en évitant de transmettre le virus est une médecine douce et structurante. Retarder la pandémie par des politiques de prévention permet de transcender notre pouvoir individuel en participant à une performance collective. Celle-ci ne s’arrête pas au coronavirus. Il faudra encore rebâtir l’activité économique sur des bases saines.

D’ici là, prenons soin de nous !

Frédéric-Paul Piguet

Frédéric-Paul Piguet est philosophe du droit et expert en sciences de l’environnement. L'axe principal de son blog est celui de la résilience de la Suisse et de ses habitants, alors qu'il convient de restaurer les qualités de la biosphère. Afin d'élargir le propos, le blog met aussi à profit les apports de l'histoire et de l'anthropologie.

2 réponses à “Agression virale : La responsabilité individuelle au service de la performance collective

  1. “Il faudra encore rebâtir l’activité économique sur des bases saines.”
    Est ce que vous voudriez élaborer? Je suppose par exemple en prenant dans les lois cette distanciation sociale.

    1. Pour vous répondre je cite Laurent Horwath, ce jour, dans son blog du Temps: Alors que les pays producteurs de pétrole “vont déverser des centaines de milliards $ afin garder en vie leur pétrole et maintenir une dépendance addictive, les pays importateurs doivent utiliser leurs plans de stimulations économiques afin de s’en éloigner et d’accroître leur indépendance énergétique en produisant localement les énergies dont ils ont besoin”.

Les commentaires sont clos.