Triomphe du «Cercle» aux Quartz

Le film de Stefan Haupt Der Kreis («Le Cercle») a remporté quatre des plus hautes récompenses à la cérémonie de remise des Prix du cinéma suisse, vendredi soir à Genève : Meilleur film de fiction, meilleur scénario, meilleur acteur masculin, meilleur second rôle… Ce n’est finalement pas une surprise tant les qualités de ce films sont louées dans les festivals du monde entier, depuis le Panorama de la Berlinale en 2014 – où il a remporté le Prix du public et le Teddy Award.

Le film raconte l’histoire d’amour assez extraordinaire de Ernst Ostertag et Röbi Rapp, deux gays qui se sont rencontrés à Zurich à la fin des années 1950 et sont restés ensemble jusqu’à aujourd’hui. Ils se sont connus grâce au Kreis, un cercle homosexuel créé durant la deuxième guerre mondiale qui publiait une revue et organisait régulièrement au Theater am Neumarkt un bal LGBT (comme on dirait aujourd’hui) très couru. Ernst, fils de bonne famille zurichoise, travaille comme enseignant dans un collège de jeunes filles et cache son identité sexuelle à la fois aux siens et à ses collègues. Venu d’une pauvre famille allemande émigrée, Röbi, un jeune coiffeur qui aime se chanter et se déguiser en femme fatale au cabaret, est par contre soutenu par sa mère qui lui taille de flamboyant costumes. Dans le film, Röbi et Ernst racontent leur histoire à la caméra, en alternance avec des moments de fictions où leur existence est rejouée par des acteurs – mais avec leurs conseils. Très habilement, avec beaucoup de sensibilité, le réalisateur mélange la fiction, le documentaire et les documents d’archives

Les «vrais» Ernst Ostertag et Röbi Rapp – premier couple «pacsé» à Zürich – sont montés sur la scène du Bâtiment des Forces Motrices pour saluer le public lors de la remise des prix.

Sans déclencher, vendredi soir, la même «standing ovation» que leur a offert le public de la Cinémathèque suisse au Capitole, en novembre, lors de la première romande de cette ode à la tolérance. L’humour et la franchise dont le couple avait fait preuve – qui plus est en français ! – lors de la discussion qui avait suivi la projection avaient profondément touché le public ; cette soirée restera comme l’une des plus marquante de l’année au Capitole. Vous pouvez la revoir ici.

Après la remise des prix, tout illuminé par ces récompenses qu’il n’attendait pas vraiment, le réalisateur Stefan Haupt s’émerveillait de la récente sortie française du film: «J’ai même vu d’immense affiches dans le métro à Paris ! De mon film !». Comme s’il ne pouvait pas y croire. Lors de la remise du prix, il avait remarqué que, à l’étranger, les spectateurs sont frappé de voir qu’aujourd’hui, en Suisse, nous pouvons parler librement et raconter ce qui s’est passé hier dans notre pays. Il n’en est pas comme cela partout : le grand cinéma où le film avait été présenté à Kiev, en Ukraine, dans le cadre d’un festival de films LGBT, a été incendié le lendemain de la projection, après une série de troubles provoqués contre la communauté homosexuelle.

 

Frédéric Maire

Frédéric Maire est directeur de la Cinémathèque suisse. Journaliste et réalisateur, il a co-fondé le club de cinéma pour enfants La Lanterne Magique en 1992 et dirigé le Festival international du Film de Locarno de 2005 à 2009.