Et les victimes, Madame Métraux ?

Madame Métraux, votre prestidigitation sur le plateau de l’émission Forum de la Radio RTS la 1ère du 2 juillet passé (2019) me choque. Le plus grave : votre discours ne porte aucune attention aux victimes des dysfonctionnements de l’Académie de Police de Savatan (APS).

En guise de réaction tardive à l’étude (effectuée en 2017) de Madame Dominique Felder, sociologue, vos efforts de dissimulation sur le plateau de Forum sont ambivalents.

Vous tournez autour du fût.

Il en ressort trois incohérences, une passivité et un abandon, celui des victimes.

Incohérences

1.- Vous saviez et connaissiez l’usurpation militaire de ladite académie, dites-vous, mais avez néanmoins commandé cette étude ?

2.- Vous ne vouliez pas retenir au secret cette même étude mais la RTS a dû engager une procédure jusqu’à la décision du Tribunal afin de l’obtenir ?

3.- Vous attribuez l’excellence de la formation – telle que qualifiée par les personnes interrogées dans cette étude – à l’APS alors que le programme (contenus et exigences) du Brevet fédéral ne dépend pas de l’APS mais de l’Institut Suisse de Police (ISP) ? Et c’est pareil pour les six centres régionaux de formation de police de Suisse. Je ne connais aucun concessionnaire automobile qui s’attribue la fabrication des véhicules qu’il représente.

À vrai dire, Madame Métraux, le seul aspect épargné par les critiques négatives de l’étude en question n’est pas de la responsabilité de l’APS. C’est fort de pinard.

Lors de cette interview surnaturelle, vous vantiez la qualité d’un vin faisant mine d’ignorer la contamination des fûts. La fameuse inversion du contenant en contenu. Vous devriez interroger le précédent directeur de l’ISP, ancien commandant de police, pour connaître la nature de cette contamination.

Passivité

Le 14 décembre 2015, à l’invitation d’une Députée représentante de la Commission de gestion du Grand Conseil valaisan, j’accompagnais Madame Noelia (Aradas) Miguel, psychologue dépositaire confidentielle d’un rapport de dix-huit témoignages et quarante pages, pour rencontrer le Président du Conseil de direction de l’APS de l’époque, Monsieur Oskar Freysinger, Conseiller d’État. Nous étions assistés de deux Députés cantonaux témoins, femme et homme, issus de deux partis distincts. Tout comme le secrétaire général du Département concerné, avocat et docteur en droit, également présent, les élus se sont insurgés face aux révélations, qualifiant leurs teneurs d’inhumaines et d’insoutenables. Quelques jours plus tard, par voie directe et l’entremise d’un huissier, Monsieur Freysinger vous a fait parvenir ledit rapport afin que vous vous déterminiez, sachant que le directeur de l’APS dépend de votre administration. Vous avez reconnu dans l’émission RTS mise au point du 10 juin 2018 avoir pris connaissance du rapport en question… soit trente mois plus tard, devant la caméra et sous l’insistance d’un journaliste ?

Abandon des victimes

Les médias ont également publié de nouveaux témoignages authentifiés et circonstanciés. De plus et à ma connaissance, au moins une plainte pénale si ce n’est deux (contrairement à ce que vous affirmez, Madame Métraux, dans l’émission mise au point du 10 juin 2018), des questions et interpellations écrites (au moins trois) de députés de tous partis (de droite et de gauche) et de deux cantons, d’autres dossiers, des rapports médicaux, au moins un constat d’assurance ont été déposés – depuis 2012 et de façon ininterrompue – auprès des instances officielles et des Corps de polices concernés. Durant tout ce temps vous n’avez pas daigniez recevoir Madame Miguel, ni aucun des nombreux témoins mentionnés, aucune des deux dizaines de victimes recensées à ce jour (il s’agit certainement que de la pointe de l’iceberg) ni vous vous êtes inquiétée de la véracité des contenus, de la réelle implication de vos employés policiers, qui, pour certains, œuvrent sans relâche depuis dix ans à l’investigation, à l’analyse et à la consignation des faits relatés – telles sont d’ailleurs leurs obligations assermentées -, ne supportant plus le contre-exemple qui annihile leur vocation d’agent public. Une quarantaine d’entre eux se sont insurgés, ont questionné leurs hiérarchies par écrit, ont dénoncé la mascarade des questionnaires de satisfaction auxquels les aspirants soumis ne peuvent que répondre favorablement, plusieurs ont démissionné (combien ?). Des ressortissantes, femmes surtout, fraîchement brevetées avec d’excellentes qualifications ont quitté subitement leur profession de policière à peine arrivées en poste tant les souffrances et les traumas endurés à l’APS étaient devenus insupportables à leurs cauchemars. Je n’évoque pas, ici, les congés maladie de longue durée, ni leurs coûts. Vous devriez également vous inquiétez de l’état de santé du personnel de l’APS et précisément de ceux en charge de l’encadrement de la formation de base.

Une telle radiographie vous serait utile avant de prescrire des tranquillisants placebo ou de commander des questionnaires bidons et contestés de tous.

Vous attendiez votre nomination à la présidence du Codir de l’APS, précisez-vous encore dans l’interview radio… est-ce à dire qu’une ministre cantonale est impuissante jusque-là ? Inquiétant.

Finalement, vous annoncez avoir créé un colloque ministériel (politique) en plus des autres organes existants.

Je constate que vous disposez d’importants moyens pour rajouter de nouvelles couches qui, connaissant les caves de vinification de Savatan, vont renforcer l’opacité au lieu de résoudre les maux systémiques. Aucun changement, aucune guérison ne s’effectuent, Madame Métraux, vous devriez le savoir, sans la reconnaissance avouée des causes et des responsabilités.

Sommes toutes, vous avez de la chance, Madame Métraux, de présider une APS avec autant d’utopie car les victimes, elles, sont toujours enfermées dans leur passé. Des policiers et policières – ou ex-policières – qui devraient, à l’heure où je vous écris, recueillir les plaintes d’autres victimes dans le meilleur service possible à nos populations.

Le monde à l’envers.

Le monde à l’envers

Finalement, vous savez, je me contrefous des colosses au pied d’argile et des autruches politiques. Depuis la nuit des temps et l’histoire des humains, leurs sorts autant que leurs chutes sont inéluctables. Mais, sachez une chose, Madame Métraux, que je n’accepterai jamais de la part de toute police d’état de droit et de toute autorité politique démocratique un tel déni de la parole des victimes.

Recommandation de lecture : Rébecca. Le pouvoir du silence. 2019. Georg éditeur

Les effectifs policiers et leur relativité

Carence d’effectifs il y a, à n’en pas douter, spécifiquement à la Police cantonale genevoise.

Voir sujet RTS de Raphaël Leroy du 20 mai 2019

(Le féminin est compris – 2 minutes de lecture)

Mais, attention, cette problématique de contingent ne doit pas occulter les autres questions sous-jacentes tout aussi importantes, si ce n’est plus :

Renforcer les effectifs certes, mais :

1. qu’en est-il des capacités de travail ?

2. De la simplification des procédures administratives (bien trop laborieuses selon les policiers concernés) ?

3. De l’apport des civils ?

4. Des conditions d’admission ?

5. De la reconnaissance des policiers instigateurs et innovateurs ?

6. De la suspension managériale des policiers soupçonnés de dysfonctionnement le temps de la procédure d’enquête quand les indices cumulés impliquent une rupture de confiance ?

Je crains que la seule augmentation des effectifs ne finisse par seulement renforcer l’opacité d’une organisation trop repliée sur elle-même.

Davantage ouvrir les organisations de police à la pluridisciplinarité est une réponse au déficit d’effectif.

Sujet et enquête de Raphaël Leroy RTS La Première du 19 juin 2019

La guerre des chiffres

Les paramètres de calculation sont flous et varient d’un pays à l’autre ou d’un canton à l’autre. Ils ne peuvent pas être simplement comparés. En Italie, par exemple, on dénombre environ 440 policiers pour 100’000 habitants, le double de la Suisse. La Garde des finances italienne est une force de police qui regroupe des compétences que l’on retrouve chez nous, en Suisse, dans plusieurs services administratifs publics non policiers et qui, de fait, ne sont pas comptabilisés dans nos effectifs policiers mais le sont chez nos voisins. Bien d’autres distinctions peuvent être opérées.

La situation genevoise

En République et canton de Genève, les Assistants de sécurité publique (niveau 3) armés ne sont pas comptabilisés dans les effectifs policiers mais soulagent considérablement le travail des policiers. Il en est de même des Agents de la Police Municipale, etc. Ainsi, les 1’450 policiers cantonaux actuellement en exercice pourraient augmenter à 1’750 ou 2’000 personnes selon le type de considération, de prérogatives et de distribution des tâches.

La résolution des problèmes

Et, c’est pourquoi je préconise de se remettre en question et non seulement d’augmenter les effectifs. Le manque d’effectifs genevois couve de nombreuses problématiques de gestion d’entreprise. Cette corporation bénéficie de nouveaux uniformes, d’une nouvelle gradation, de nouveaux équipements et n’est de loin pas satisfaite… elle souffre d’un manque de reconnaissance institutionnel, d’un manque d’effectif – on l’a vu – mais aussi d’un manque d’équité entre le personnel irréprochable et exemplaire et celui qui dysfonctionne et est toujours en service parce que leur hiérarchie ne sait pas ou n’ose pas statuer.

Ces difficultés sous-jacentes ressortent très bien dans les conclusions du travail de thèse de doctorat de Madame Magdalena Burba. Une étude scientifique importante et conséquente qui mérite d’être connue et sur laquelle je reviendrai dans un prochain blog.

Difficultés vécue à l’interne

Magdalena Burba, psychologue et psychothérapeute FSP

Dans une société qui a vu les menaces et violences contre les autorités et fonctionnaires presque quadrupler depuis l’an 2000, l’état de stress des policiers est devenu un enjeu majeur. Mais, pour la chercheuse, ce sont surtout des facteurs liés au cadre de travail et à la personnalité qui influencent le risque de burnout. “J’ai constaté que les difficultés relationnelles et organisationnelles à l’interne sont perçues comme plus usantes et destructrices que les intimidations vécues sur le terrain. Certains policiers ne se sentent pas soutenus par leurs supérieurs, ni par les décisions politiques. Ils ont la sensation d’être impuissants ou de devoir toujours réagir au lieu d’anticiper”. explique-t-elle dans L’uniscope mai-juin 2019 Magda Burba

Personne n’a bougé ?

… alors que tout le monde était au courant.

Temps Présent a enquêté et publié hier soir (6 juin 2019 sur RTS Un) un reportage sur ce rocambolesque scandale en cours d’élucidation.

Voir aussi mon blog du 30 avril passé (2019)

Avertissement

J’aime profondément la police mais les déclarations d’amour ne se font pas en public. Toutes les semaines, j’ai l’occasion de proclamer, yeux dans les yeux, ce que je pense des concernés et de leur travail.

Oui, je me concentre sur ce qui ne va pas en police comme tout policier se concentre sur les infractions ; tout en ayant parfaitement conscience que la grande majorité des résidents et usagers se comporte très bien. Il en est de même pour la grande majorité des agents qui sont exemplaires.

Alors pourquoi un tel scandale de la part d’agents de police ?

Un Corps faible est commandé, un Corps fort obéit.

Parce qu’aujourd’hui pour gagner une campagne électorale vous devez investir le champ sécuritaire et l’image fantasmée d’une certaine police.

Depuis 16 ans que j’arpente ces milieux et réceptionne des centaines de témoignages, je constate qu’il est plus facile pour un ministre cantonal ambitieux – avec (peu ou prou) la complicité de son chef exécutif – de commander un Corps de police prétendûment malade plutôt qu’un Corps sain ou en voie de guérison… qui vous résiste.

Comment ?

Les institutions sont faites pour la critique.

Critiquer l’institution c’est épargner l’individu.

Un Corps institutionnel public, d’uniformisation et assermenté (c’est-à-dire couvert par le secret de fonction) entretient sa santé

1. en offrant des espaces de paroles, libres et protégés, à ses membres – surtout s’agissant de professionnels confrontés à la face sombre de notre société –

2. en facilitant les voies de service, plus de transversalité, de souplesse et moins de hiérarchie.

3. En accueillant les innovations, les propositions et les contestations jusqu’à leurs validations.

Enfin, ne soyons pas ridicules, il est urgent et nécessaire de composer une inspection des services indépendante et neutre comme il se doit dans l’exercice démocratique de notre tradition helvétique de séparation des pouvoirs.

Polices du futur

En marge de mes interventions en milieux policiers, nombreuses sont les interrogations concernant l’avenir de la profession.

Plus précisément, l’avenir des 120 spécialisations (ou métiers) exercées au sein des 330 corporations de polices suisses (dont 80 principales environ) comme autant d’orientations et de mutations sous-jacentes.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris)

Prévision météo des polices

Cinq orientations *

Police numérique

Composée de techniciens en navigation virtuelle, eux-mêmes accompagnés d’informaticiens et de spécialistes en Droit numérique, cette police est active sur les réseaux sociaux et le darknet.

Police environnementale

Garante de la protection des milieux naturels, de la faune et de la flore, cette police veille, selon les cantons, au respect du patrimoine et des aménagements territoriaux. Exemple : Police cantonale bernoise.

Police comportementale

Très active dans les pays anglo-saxons, s’émancipe à Zurich (Ville et canton) et en France avec de nouvelles prestations comme l’attention portée aux LGBT. Exemple français : l’association FLAG.

Police de résolution

Appelée police de proximité en Suisse latine ou communautaire dans les pays nordiques, tantôt valorisée, tantôt jugulée par certains gouvernements, cette orientation se restaure peu à peu en une police de maillage socioculturel et de prévention, notamment des radicalisations religieuses ou ultra-politisées.

Police investigatrice

Relais des polices judiciaires (ou de sûreté – les dénominations varient), cette police (en civil et non uniformée) est déjà multifonctionnelle et composée de diverses brigades (finances, mœurs, mineurs, scientifique & laborantine, etc.). Elle ouvre ses portes aux compétences extérieures et se prédestine à une forte pluridisciplinarité. C’est déjà le cas en Europe de l’Ouest et dans les pays scandinaves où experts-comptables, travailleurs sociaux et psychologues comportementalistes, entre autres, sont intégrés à part entière dans les effectifs. Ces spécialistes disposent de pouvoirs de police sans être ressortissants d’écoles ou d’académies policières classiques.

Une constance et cinq mutations *

Cette constance est singulièrement helvétique. Les cinq mutations sous-tendent et influencent les orientations précitées.

Constance fédéraliste

Le système fédéral est plutôt plébiscité dans les milieux policiers suisses que je fréquente. Sous le regard “policier-prati-quotidien” notre fédéralisme présente néanmoins quelques lourdeurs dans la coordination intercantonale et les subdivisions régionales ou municipales mais offre l’avantage d’une grande diversité linguistique et socioculturelle ainsi que d’une certaine marge de manoeuvre dans l’application des règlements communaux. Ce fédéralisme, tel que nous le pratiquons, renforce l’employabilité des agents brevetés et favorise des politiques managériales différentes, plus ou moins audacieuses, d’une région à l’autre, d’une direction politique à l’autre, d’un commandement exécutif à l’autre.

Ne pas oublier, ici, l’apport essentiel du Réseau national de sécurité qui réunit la Confédération et les cantons.

Mutations technologiques…

L’évolution est tellement rapide, les moyens financiers des groupes économiques tellement puissants que les polices ont peine à combler le retard du point de vue technologique, expertises et effectifs.

… prédictives…

C’est la nouvelle tendance nord-américaine qui se développe en tous sens.

Dans cette vaste mutation impliquant les nouvelles technologies, les limites provoquent de grands débats démocratiques comme tout récemment à San Francisco au sujet de la reconnaissance faciale.

Voir aussi Temps Présent RTS du 29 mars 2018.

… de force compensée…

L’arrivée des exosquelettes (photo) dans plusieurs unités d’interventions en Asie du Sud-Est ou aux USA représente sans doute la facette la plus spectaculaire. Mais l’usage des body-caméras et autres outils de reconnaissance ou de localisation confèrent également au pouvoir policier de nouvelles étendues pratiques. Les confusions sont nombreuses entre les outils dits d’extension et ceux dits de substitution (j’ai déjà abordé cette ambivalence dans de précédents blogs).

… de coopération (policière) internationale…

Les acquis de Schengen, l’accord et la convention offrent depuis quelques années des opportunités de collaboration étroite sur un vaste espace réunissant 26 États membres. Pour la Suisse, l’entrée en vigueur date du 1er mars 2008. 

… de transversalité et d’interchangeabilité.

Il s’agit, ici, pour cette cinquième mutation, de considérer toutes les polices dites “d’ordre thématique”. La police (fédérale) des transports, les polices pénitentiaires (les agents ou surveillants pénitentiaires ne sont pas considérés comme policiers à part entière et pourtant leurs prérogatives territoriales, coercitives et discrétionnaires sont pleinement policières), les techniciens de prévention et lutte contre les incendies ou inondations (services du feu / pompiers), les sanitaires urgentistes, ambulanciers secouristes (exemple : Ville de Berne) et autres interventionnistes “feux bleus” sont aujourd’hui inscrits dans des filières professionnelles supérieures dont les contours et les matières sont très proches du statut policier.

Par incidence, et on l’a vu plus haut dans l’orientation Police investigatrice, les complexités sociétales obligent les polices à coopérer avec des professionnels aux compétences de plus en plus éclatées. Est-il fini le temps où le policier cuisinait, réparait son véhicule en plus de remettre de main à main les courriers judiciaires au sein de sa commune ? En Ville de Fribourg, par exemple, c’est un policier local – un Sergent de Ville –, représentant les autorités, qui se déplace à domicile ou dans les homes pour prononcer un discours et remettre le cadeau officiel aux huitantenaires et autres citoyens jubilaires.

Autant d’orientations et de mutations qui influenceront mes prochains blogs.

* non exhaustives, sans ordre de priorité, telles que recensées chronologiquement aux côtés des cent vingts policiers, agents pénitentiaires, centralistes et urgentistes suisses romands et alémaniques avec lesquels je suis intervenu, au moins un jour entier, ces trois derniers mois de mars, avril et mai 2019. Ces orientations complètent les champs conventionnels des polices territoriales, mobiles et secours de Suisse. En France, d’autres polices conventionnelles ou “familles” sont à l’oeuvre.

Voir mon blog – police du XXIème siècle – du 6 janvier 2016

Scandale à la police cantonale genevoise. Mise en abîme

« Une vaste affaire de corruption éclabousse la police genevoise » titrait RTS info le 8 avril passé, relayant en cela les « agissements probables » … « d’une vingtaine d’agents ». Affaire révélée plus avant par le GHI du samedi 6 avril 2019.

D’ordinaire, je ne commente pas les procédures en cours. Sauf que là, le passé me rattrape. Et ces questions, que j’essuie maintenant chaque jour, y compris de la part de nombreux policiers.

Pensez-vous que ce sont des personnes que vous avez formées ?

– Je le crains, ayant dispensé trois cours de base et continus* neuf ans durant sans interruption au sein de la Police cantonale genevoise jusqu’en août 2013. Considérant les années de pratique des uns et des autres, probablement que plusieurs** d’entre eux ont suivi mes enseignements.

Comment expliquez-vous cela ?

– L’ancien policier français Éric Yung le résume très bien dans son livre « La tentation de l’ombre » ***. Chaque profession couve son ombre. Ce qui est particulier avec la police, c’est qu’elle est nôtre. Nous la côtoyons au quotidien, la rémunérons, la dotons de pouvoirs exceptionnels et la plébiscitons.

Cette affaire supposée impliquant des policiers genevois cantonaux et municipaux vous étonne-t-elle ?

– Non.

Par le passé, ces types de corruptions, accompagnés d’actes violents, étaient encore plus fréquents.

L’instauration du Brevet fédéral en 2004 avec son module obligatoire (sur quatre module au total, ndlr) « Éthique et Droits de l’Homme » a facilité l’énonciation des problèmes et a permis de déconstruire les mécanismes sournois et informels qui régissaient les rapports de virilité et de compétition dans plusieurs corps armés de sanction et d’ordre. Les sociologues ont largement étudié ces aliénations qu’ils nomment : sous-culture policière. Plus récemment, le travail de thèse de David Pichonnaz, publié en mai 2017 et intitulé « Devenirs policiers », rapporte aussi les dilemmes complexes auxquels sont confrontés les futurs agents de police.

Pouvait-on l’éviter ?

– Non. Mais, l’amortir, oui.

C’est comme imaginer que la prévention routière nous épargnerait des accidents. Certainement pas, par contre l’information et la prévention réduisent le nombre, l’étendue et leur gravité. Plus que de limiter les effets collatéraux, je préconise depuis 2007, à toutes les corporations avec lesquelles je travaille, l’étude et la reconnaissance des erreurs à l’interne afin d’en traiter les failles et d’éviter les dégénérescences.

Critiquer l’organisation épargne l’individu

Rien ne sert de former en continu si l’organisation, par sa hiérarchie, ne propose pas des espaces de vidage. C’est la condition pour détecter les erreurs, avant qu’elles ne deviennent des fautes plus graves avec leurs engrenages corruptifs et leurs infractions pénales.

Et, c’est précisément ce que j’ai proposé le 30 août 2013 au Conseiller d’État de la République et canton de Genève en charge de la sécurité, Monsieur Pierre Maudet. Préalablement nous nous étions rencontrés le 11 juillet 2013 dans son bureau. Il m’avait alors évoqué la maladie dont était rongée sa police. Je l’avais corrigé, lui rappelant que « notre » police était composée de personnes d’exception mais que les flux organiques de l’institution étaient, en effet, bouchés. Je lui ai alors proposé d’établir une radiographie précise de l’état de santé du Corps cantonal de police.

Le ministre en question m’a répondu deux mois plus tard, le 7 novembre 2013. Il m’a remercié « pour cette offre qui détaille bien le processus proposé » mais m’a précisé ne pas disposer de budget pour une telle démarche. Pour moi et mes partenaires policiers experts intervenants genevois c’était inconcevable de ne pas vouloir investir une somme estimée à CHF 65’000.- – pour un Check-up indispensable, connaissant par ailleurs les autres dépenses courantes.

Je l’ai relancé, toujours par écrit, le 11 novembre 2013, lui rappelant l’importance de pointer les défaillances que nous avions repérées durant neuf années d’exercice. J’ai précisé que ce diagnostic respecterait l’absolue confidentialité des personnes et devait se faire avant l’introduction de la nouvelle Loi sur la police (projet présenté à la presse le 12 juin 2013) sans quoi je craignais de fortes oppositions des membres du Corps de police lui-même… Je l’ai encore relancé par écrit le 12 septembre 2014.

Aucune réaction.

En automne 2016, l’ensemble du Corps était revêtu de nouveaux uniformes et de nouvelles gradations. Par contre, je ne connais pas les coûts de cette opération cosmétique.

Et la suite, vous la connaissez.

Je pourrais conclure ainsi : tant que la prescription de médicaments palliatifs fait l’économie d’un vrai Check-up médical et d’un examen préventif, les maux et leurs causes persisteront.

* comme responsable du cours initial et concepteur des examens tests et éliminatoires en Droits humains ; responsable des analyses de pratique des policiers après six ans de service ; formateur du cours comportemental, résolution des problèmes et déontologie professionnelle en faveur des policiers après douze années d’exercice. Les formations continues dont j’avais la responsabilité introduisaient et légitimaient le Diplôme supérieur fédéral de policier. Mon postulat et mes dispenses ont été auditées, accréditées et validées (mention excellente) par l’Institut Suisse de Police.

** jusqu’en juillet 2013 j’étais intervenu en faveur de 26 classes de polices cantonale et municipale genevoises. Ce qui correspondait à environ 750 aspirant-e-s. Plus environ 1’250 agent-e-s confirmés de la Police cantonale genevoise en formation continue comportementale.

*** le cherche midi éditeur. 1999

Maintien de l’ordre : le jumelage embarrassant

Les dérives violentes* de la Police nationale française lors d’opérations de maintien de l’ordre, au cœur des manifestations des gilets jaunes notamment, ont été dénoncées par le Défenseur des droits de la République Française dans son rapport annuel et par la Haut commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, entre autres instances officielles, sans compter les ONGs accréditées d’une rigueur et d’une objectivité irréprochables comme l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture).

Voir l’article de Richard Werly, correspondant du quotidien Le Temps à Paris.

Écouter le commentaire de Ariane Hasler, correspondante de la RTS à Paris.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris)

Nos polices suisses pourraient-elles en retirer des enseignements ?

“Non, pas comparable.” Précisent les trois chefs opérationnels (deux latins et un alémanique) que j’ai sollicités pour ce blog. “… car les deux pays (Suisse et France) sont au bénéfice de dispositifs policiers très différents.”

“En Suisse, la répartition de nos forces civiles, leurs contingents et les critères d’engagement varient considérablement selon les densités et les événements cantonaux. D’autre part, dans le maintien d’ordre, nous intervenons essentiellement en marge de manifestations à caractère sportif.”

“Notre étalon opérationnel ne correspond pas aux modus operandi que l’on peut observer chez nos voisins.”

“D’ailleurs, les difficultés que nous avons à mobiliser nos effectifs en suffisance, lors de tels événements, nous poussent à anticiper et à agir davantage sur un plan judiciaire et préventif.”

“Nous collaborons aussi beaucoup avec des sociétés privées de sécurité employées par les clubs sportifs ou les organisateurs.”

Pourtant…

… les pratiques françaises de maintien de l’ordre sont une référence pour

l’Académie de Police de Savatan.

Le maintien de l’ordre est la discipline maîtresse, qui prédomine les relations publiques, de l’Académie de Police de Savatan (APS). Les aspirants prêtés à cette dernière par les Corps partenaires se forment aux tactiques et techniques de maintien de l’ordre “à la française”. L’APS affiche partout et fièrement son jumelage avec le CNEFG (Centre National – français – d’Entraînement des Forces de Gendarmerie). Lors de leurs formations initiales, les différentes volées d’apprenants se déplacent, à grands frais et pompeuses parades, à Saint-Astier (F) pour s’y entraîner intensivement.

L’initiative laisse perplexe la majorité des cadres opérationnels et d’écoles de formations de police avec lesquels j’ai eu l’occasion de m’entretenir ces dernières années. Alors même que les coopérations bilatérales d’un pays à l’autre sont encouragées dans bien des domaines policiers, s’agissant du maintien de l’ordre, l’erreur de casting de l’APS est plutôt perçue comme une diversion.

France et Suisse : deux juridictions territoriales et géopolitiques distinctes.

En France, l’organisation centralisée des deux principales polices (Police nationale dans les zones urbaines et Gendarmerie nationale, rattachée au ministère de l’intérieur depuis 2009, dans les territoires étendus) ainsi que leurs développements historiques présentent des paramètres de gouvernance quasi opposés à nos quatre vingts polices (pour les principales) étatiques suisses fractionnées (communales, intercommunales, régionales et cantonales).

Toujours est-il que le nouveau directeur (de tutelle ?) du Conseil pédagogique de l’Académie de Police de Savatan sait par quoi il peut commencer son périlleux chantier de réforme…

Existe-t-il une alternative ?

Pour ma part, je préconise un maintien d’ordre qui puisse être délégué à d’autres agents d’État assermentés et spécialement formés aux contours sociologiques et politiques de notre Confédération helvétique. Ces agents (professionnels, semi-professionnels ou miliciens suivant la cadence des mobilisations) seraient rattachés à un concordat intercantonal. Nous avons su créer une telle entité spécifique aux flux de mobilité avec la Police des transports. Ce devrait être aussi envisageable pour la gestion des manifestations. Les policiers généralistes et les inspecteurs judiciaires, en nombre réduit car libérés de cette fonction d’ordre, pourraient, quant à eux, se tenir à l’écart, observer, identifier et se concentrer sur d’éventuelles interpellations.

Voir ma proposition détaillée en date du 30 août 2016 et publiée par le quotidien Le Temps.

 

 

 

* Les violences sont improductives.

Celles commises par les manifestants engagent leurs auteurs, uniquement. Je prie que ces derniers puissent être interpellés et conduits au procès équitable. L’acte 18 des gilets jaunes ce samedi passé à Paris a provoqué une hausse de violence très inquiétante et inacceptable.

Mais, celles commises par les agents des forces de l’ordre nous engagent, chacune et chacun, par association directe. Ce sont nos forces armées, déléguées, assermentées, rémunérées et formées selon nos prescriptions et nos ressources.

Je tiens donc le bon bout.

Celui de l’exemplarité.

Mais, tu crois quoi ?

Le tutoiement de la part des agents du service public est irrespectueux.

(1 minute de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Il y a cette réaction du service de médiation de la Ville de Zurich – et oui, la Ville de Zurich bénéficie d’un service de médiation ! Exemple à suivre.

Et, il y a cette lancinante impolitesse qui galope toujours dans les us et coutumes de plusieurs polices de notre pays… selon le type d’usager, d’interlocuteur… bien entendu. À tel point, que la semaine passée encore un député m’offrit la désolation suivante : ” Vous pensez ? Vraiment Monsieur Maillard ? Moi, qui suis connu, vous voyez, jamais un policier ne m’a tutoyé”.

Le tutoiement de la part d’agents policiers n’est pas digne d’une délégation ou d’une représentation d’État.

Pourquoi ?

1. Parce qu’il disqualifie la posture de l’État – qui se trouve être une personne morale aux multiples visages -, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale.

2. Parce qu’il fragmente l’attention policière portée à l’autre en raison d’un préjugé basé sur l’âge, la provenance, le statut, la vulnérabilité sociale ou la maîtrise d’une langue. Autant de facteurs qui réduisent l’habilité du policier à discerner et à établir le plus objectivement possible les raisons et les faits de son interpellation.

3. Toute ascendance est infondée. L’assermentation octroie à l’agent une légitimité qui revêt un caractère de serviabilité et non de supériorité.

4. Parce que la réciprocité ne serait pas admise alors que notre démocratie promet l’égalité, sans distinctions.

Résultat : autogoal et négation constitutionnelle.

Autant dire Vous !

Policiers et journalistes : les frères ennemis

En marge des manifestations des gilets jaunes à Paris, des confrontations violentes entre certains manifestants et certains policiers et du recours par les forces de l’ordre aux LBD (lanceurs de balles de défense), nombre d’interrogations subsistent dans le traitement de cette actualité par les médias et du rapport de force entre journalistes et policiers.

(3 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Policiers et journalistes : les frères ennemis

Telles ont été les questions – entre autres – abordées dans l’émission Médialogues d’Antoine Droux sur RTS La 1ère ce samedi passé 2 février 2019.

Policiers – journalistes, de nombreuses similitudes…

Deux professions qui présentent des similitudes mais aussi des dissonances et quelques hostilités.

En effet, toutes deux sont existentielles à la démocratie active, l’une dans le domaine de la sécurité publique et l’autre dans celui de l’information publique. Toutes deux sont légitimées par des reconnaissances professionnelles officielles (Assermentation et Registre Professionnel) et toutes deux se nourrissent d’investigations. La première sert le résultat de ses recherches au pouvoir judiciaire, séparé et indépendant ; la deuxième au tout-public (premier organe de démocratie semi-directe) via les médias – médiums.

Les deux professions sont médiums dans leur domaine d’activité.

Des médiums ou filtres que l’une et l’autre des professions incarnent dans le but d’objectiver l’établissement des faits pour les policiers et le traitement de l’actualité pour les journalistes.

Cette cohabitation dans le médium public et démocratique est source de tensions.

Les policiers ayant tendance à cultiver le secret et les journalistes à promouvoir à tout prix la transparence.

Policiers – journalistes, de la défiance…

Le policier, détenteur, représentant et répondant public de nos droits et devoirs peine à rendre compte de ses actes. Peu de policiers sont réellement conscientisés à leur obligation de justification. Dans la plupart de leurs formations initiales, les instructeurs cultivent, au contraire, l’exception, la force virile, une forme de suprématie avec cette propension, fort bien diagnostiquée par le sociologue David Pichonnaz (Dr.) dans son ouvrage “Devenirs policiers” aux éditions Antipodes, voir ici l’interview qu’il accorde à Migros Magazine le 09.08.2017, à vouloir se persuader d’être supérieurs (et irréprochables) aux autres citoyens, résidents, touristes ou migrants.

Les notions intrinsèques de service public avec tout ce que cela représente sont trop peu étudiées en formation de base de policier.

Si cette prise de conscience, cet honneur et cette fierté qu’incombe le service public, en parfaite conformité avec la devise “Servir et protéger”, présideraient les séances d’admission, bien des postulants revisiteraient, voire renonceraient, à leur engagement alors que d’autres, s’étant sentis peu concernés jusque-là ou ayant été écartés lors des recrutements, rejoindraient la police. Probablement qu’une meilleure adéquation s’instaurerait alors entre la personne et sa fonction pour moins de désillusions et de dépit, tels qu’enregistrés actuellement dans les rangs policiers.

Policiers – journalistes, certaines conséquences néfastes…

Notamment lorsqu’il s’agit pour le journaliste de publier son travail. Parfois, ce dernier encourt le risque de jeter l’opprobre sur des personnes innocentes et de violer leurs sphères privées dans le rendu d’une actualité par trop immédiate et vulgarisée. Et, pour le policier, le risque existe de couvrir des affaires ou de travestir des rapports afin de surprotéger ses pairs ou quelques accointances.

Lire aussi l’excellente analyse de Richard Werly, correspondant à Paris pour Le Temps, du 31 janvier 2019.

Lié aux questions de rapports entre journalistes et policiers, voir mon Avis d’expert du 13.10.2015 publié par Le Temps.

La police est une force de résolution

… et non d’opposition.

La police doit se voir comme une force de résolution – à notre service public – et non d’opposition.

La terminologie ne s’y trompe pas

La politia* nous vient des tréfonds de l’humanité et de son idée non négociable de vouloir et pouvoir vivre ensemble au cœur de la cité à une condition : que toute justice puisse franchir son temps de gestation.

Le temps de gestation

Les prémices de l’enquête jusqu’au procès équitable

Déléguer la protection de son bien-être à des tiers assermentés c’est croire à la distanciation nécessaire que réclame toute investigation, c’est plaider la séparation des pouvoirs et leur équité. Je ne saurais être juge et partie de toute affaire qui m’affecte au premier degré, encore moins si je suis victime d’un préjudice. Je charge donc les différentes entités de police d’enquêter, d’établir les faits et d’enregistrer les témoignages.

Cela correspond à une forme de gestation pouvant et devant donner naissance au procès le plus équitable possible.

Ce travail d’enquête – souvent long, les inspecteurs judiciaires les plus chevronnés vous le diront – requiert des qualités de persévérance et de minutie qui bien souvent s’opposent aux actions viriles, guerrières et d’opposition telles qu’elles s’observent, par exemple, dans le maintien d’ordre.

Des polices d’État en Recherche action & innovation

L’exemple fribourgeois

Développer les compétences de résolution civile à l’image de l’UGM (Unité de gestion des menaces ) créée par l’Etat de Fribourg et sa Police cantonale, c’est reporter l’opposition au dernier recours et privilégier l’anticipation et la détection. C’est faire preuve de politia*.

 

* Étymologie du mot police :

Le mot français police provient du mot latin politia, romanisation du mot grec πολιτεία (politeia), qui signifie « régime politique, citoyenneté, administration, partie civile » et du mot πόλις (polis), qui signifie « cité ».

L’extrême droite dans les polices ?

Ce n’est pas la première fois que l’actualité nous révèle cette accointance idéologique nauséabonde. Telles sont la lente et rampante découvertes faites à Francfort – lire l’article de Nathalie Versieux du 17 décembre passé (2018), correspondante en Allemagne du quotidien Le Temps.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

En Suisse, à Genève, un policier cantonal adepte du nazisme avait été dénoncé par sa commandante en août 2014. Il n’était pas le seul. Aujourd’hui encore, il m’arrive, au détour d’un vestiaire de l’une ou l’autre corporation de police de notre pays, de me trouver face à des insignes ou des slogans équivoques.

Les métiers armés d’ordre et de sanction ont toujours présenté un terreau sous-culturel enclin à une certaine doctrine arbitraire. C’est donc, entre autres, la raison pour laquelle, en 2013, le Conseil fédéral instaura, en première ligne du Brevet de policier, le cours obligatoire et éliminatoire sur les valeurs fondamentales de notre Constitution d’État de Droit nommé Module de formation Droits de l’Homme et éthique appliquée. Force est de constater que la prescription du médicament en Droits de l’Homme, dans le but de soigner d’éventuelles contagions, ne suffit pas. Les gouvernances de polices toutes entières doivent montrer l’exemple et rappeler manifestement et à chaque échelon leur foi et leur fidélité inaliénables aux valeurs fondamentales et universelles, garantes de notre démocratie active.

Les effets secondaires d’une prophylaxie enseignée au corps apprenant sans l’incarnation des dirigeants…

… génère des carences connues :

1. Un processus d’admission (appelé couramment recrutement) qui ne se soucie pas suffisamment de l’attachement du candidat aux valeurs universelles, à son ouverture au monde, à sa sensibilité sociale, au service et à la protection du plus faible. Cette dernière attention est au cœur du préambule de notre Constitution, devant laquelle le futur policier prêtera serment.

2. Une longue chaîne hiérarchique – peu adéquate en temps de paix – rigide et laborieuse qui, finalement, incite à la diversion les agents les plus influençables, ceux qui n’osent pas résister aux effets de groupe, aux pressions sociales et au “rendre-compte” public.

3. L’absence de contre-maîtrise institutionnelle, telle qu’on pourrait l’imaginer avec une direction de police collégiale et pluridisciplinaire ou la présence permanente d’un office de médiation neutre et indépendant.

4. Enfin, une formation de base qui n’investit pas ou trop peu l’histoire et la sociologie.

Prévenir le management plutôt que guérir le corps apprenant

Sans une radiographie structurelle et organisationnelle des institutions de sanction, la seule transmission des fondements constitutifs de notre cohabitation peut produire un effet biaisé voire contraire. La dispense valeureuse se dépose alors, telle une couche supplémentaire, sur les uniformes glacés et réfractaires de policiers saturés de consignes, d’ordres et de contre-ordres. Déjà agacés qu’ils sont dès leur instruction initiale, nombre d’agents policiers développent mille et une astuces pour se détourner des directives officielles et agir le plus secrètement possible en coulisses.

C’est dans ce retranchement institutionnel que, par cooptation mafieuse, prolifère des franges xénophobes et d’extrême droite *. Une élection de pseudos-justiciers s’émancipe alors et opère à l’abri de tout contre-pouvoir. Phénomène connu et largement documenté, notamment au Canada et dans les pays nordiques.

 

* toute autre extrémité politisée poserait le même problème.