Le fusil d’assaut* policier ne suffit pas

Les menaces d’attentat sont réelles.

Nos polices civiles sont garantes de notre sécurité publique. Elles doivent donc y répondre en améliorant leurs connaissances des terrains de vie et d’habitation notamment dans les quartiers à forte densité. Elles ne sauraient répondre aux menaces terroristes par une course aux équipements. Améliorer l’armement de nos polices est nécessaire mais cela ne suffit pas. Les polices ne doivent pas suivre les montées en puissance des groupes criminels mais plutôt les déjouer.

Nous devons éviter que nos polices soient entraînées dans des formes de militarisation pour lesquelles elles ne sont pas habilitées.

Si les polices civiles entrent en guerre, elles seront perdantes.

Elles ne sont pas destinées au conflit armé.

Les polices ne doivent pas s’abaisser aux seules confrontations ni devenir une pâle copie de l’armée. Elles ont tant de facultés intrinsèques à développer.

Le piège existe

Ce que je crains : une course à l’équipement et aux investissements financiers et temporels (acquisitions et formations à l’usage du fusil d’assaut) qui se produirait au détriment du développement des compétences civiles de nos polices. Pour déjouer d’éventuels attentats seules les attributions intrinsèques de nos polices civiles sont efficaces. Les voici :

– L’investigation

– Le renseignement

– La proximité et la présence sur les terrains sociaux, la connaissance et le maillage des territoires pour prévenir les radicalisations et d’éventuels passages à l’acte.

– La collaboration pluridisciplinaire à l’exemple de la réponse de Winterthour, sujet de Céline Zünd pour Le Temps du 13 novembre 2018

– L’archivage studieux des indices et signalements

Néanmoins, je le répète, j’approuve ces acquisitions de fusil type SIG 553. Ce fusil est spécialement destiné à la police, comme le précise le Commandant Allain de la Police cantonale de Fribourg, et ne sert pas à conduire un assaut mais à contrer un risque de fusillade.

(Photo :  fusil d’assaut court facile à la manipulation, tire au coup par coup, se range dans les coffres des véhicules de police et dispose d’un système d’aide à la visée.)

Voir le sujet TJ RTS du 13 novembre 2018 – 19h30′

Voir mes blogs précédents du 21 août 2018 et 2 décembre 2016

« Je persiste et signe … » Andréas Janin…

… policier municipal lausannois du 1er mars 2014 au 30 novembre 2015.

Découvert, au sens propre, lors du reportage de Temps Présent sur la RTS le 27 septembre 2018, Andréas Janin confirme la recrudescence des discriminations lors des interpellations de police notamment à Lausanne où il exerçait au sein de Police secours.

Questions

  1. Aujourd’hui, vous vous exprimez ouvertement. Comment pouvez-vous expliquer cette pression qui réduit au silence et à la contradiction une majorité de vos anciens collègues ?

Andréas Janin. Clairement, c’est la sécurité et la stabilité qu’offre le job. La charge du travail est dense et dès notre entrée en fonction on se retrouve devant des rapports qu’on ne sait pas rédiger, qu’on n’a pas examiné dans notre formation initiale. À cela s’ajoute la pression du groupe basé sur l’encensement du maillon fort et l’exclusion du maillon faible. Se détacher du Corps de police en étant jeune, sans tarder, comme je l’ai fait est alors un avantage. Je ne m’étais pas encore trop livré et n’avais pas donné toute ma vie à la police… vie que je ne saurais renier ensuite.

  1. Si l’on vous rétorquait aujourd’hui que vous n’étiez pas fait pour ce métier ?

Andréas Janin. Je me sentais mal. Je ne pouvais pas rester complice de telles injustices. Soit je me battais à l’intérieur, c’est à dire contre plusieurs de mes collègues, soit je prenais de la distance pour comprendre puis en parler. Vous n’avez pas le choix. Prendre du temps c’est s’extraire de l’emprise du Corps.

 

“Policier, c’est être au service de l’humain.

Je le suis davantage aujourd’hui étant à l’extérieur de la police.”

Andréas Janin

le vendredi 2 novembre 2018 à Lausanne

 

  1. Maintenant que vous êtes, d’une certaine façon, libéré, quelle vision vous anime ?

Andréas Janin. Je plaide la création d’une entité indépendante et neutre à laquelle mes anciens collègues pourraient avoir recours pour des conseils, comme un lieu de vidage authentique. Actuellement tout est sous le contrôle de la hiérarchie. Les services sont muselés.

  1. Le cursus de policier dont vous bénéficiez est-il utile pour votre reconversion professionnelle ?

Andréas Janin. Ma formation de policier et son brevet fédéral ne me servent pas à grand-chose hormis l’expérience humaine. C’est aussi pour cette raison que très peu de policiers n’osent protester. Vous êtes très vite démunis en dehors de la grande famille police. La formation initiale de policier devrait offrir davantage de compétences sociales et approfondir les causes des maux et des criminalités. La vraie question c’est : que pouvons-nous faire pour mieux connaître les réalités sociales que nous côtoyons dans notre métier ?

  1. Sur la base des témoignages directs dont je dispose et de mes analyses, j’affirme que depuis plusieurs années nous assistons à une détérioration des comportements policiers et qu’une interpellation sur cinq comporte une discrimination. Pouvez-vous infirmer ou confirmer cette proportion ?

Andréas Janin. Oui, je confirme. C’est inquiétant. Dans le quotidien de Police secours une intervention est poussée par la suivante. Nos actions sont marquées par la méfiance. On n’arrive plus à faire la différence entre le danger et le service public. À la fin, on se venge. On se défoule sur les faibles. De mon point de vue, à Lausanne, là où j’agissais, c’est encore plus important comme proportion, jusqu’à deux, trois interpellations sur cinq sont discriminantes.

 

 

 

Délit de faciès : l’enlisement policier

Une demi génération au moins, c’est le retard qu’accuse la Police de Lausanne et d’autres dans l’exercice opportun de l’interpellation et dans l’application du moyen discrétionnaire lors des contrôles de personnes. C’est un déficit dommageable sachant que ces polices, principalement urbaines, doivent se positionner puis intégrer partiellement ou totalement les nouvelles sciences et modus operandi génétiques, prédictifs et autres méthodes d’anticipation et de robotisation. Il y a lieu de parier qu’elles resteront à la traîne encore une ou deux décennies.

Les conséquences sont connues : agents de terrain frustrés et désabusés, statistiques remodelées à la veille des élections, hiérarchies qui se couvrent et se recouvrent d’insignifiance.

L’excellent reportage de Shyaka Kagame et Gabriel Tejedor diffusé par Temps Présent RTS le 27 septembre passé (2018) révèle avec finesse et intelligence la problématique du délit de faciès et l’incapacité policière à la résoudre.

Discriminations persistantes au sein de plusieurs polices

Nombreux sont les intervenant-e-s externes qui ont constaté puis dénoncé publiquement une détérioration des pratiques d’interpellation et une augmentation des discriminations raciales depuis 2015, après s’être réjouis d’une accalmie liée à l’introduction du Brevet fédéral de policier dès 2004. Voir mon opinion publiée par Le Temps le 17 avril 2018.

La clairvoyance du policier courageux

Dans ce reportage, nous découvrons un – jeune ex – policier qui témoigne à visage découvert. Son diagnostic ne souffre d’aucune subjectivité. Il est le reflet des dizaines de policières et policiers que je croise chaque semaine et qui, pour diverses raisons, n’osent ou ne peuvent pas s’exprimer. Ils le feront, me rassurent-ils, une fois libérés du métier trompe-l’oeil.

Ce seul témoignage suffit par sa qualité argumentative.

Néanmoins, on peut regretter que ses anciens pairs aient oublié que la parole libérée reste l’arme la plus efficace du policier.

Articles de lois contre la discrimination raciale et professionnelle

Nos polices ont besoin de juges étrangers !

Non à l’initiative populaire “Le droit suisse au lieu des juges étrangers”.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

L’universalité des droits de l’homme fonde les polices

Toute police civile est répondante des droits de l’homme. Il ne saurait en être autrement puisque seul le policier peut limiter nos droits fondamentaux sur un plan exécutif ; le juge sur un plan judiciaire. Un policier peut, par exemple, nous retenir momentanément et, de ce seul fait, entraver notre liberté de mouvements. Disposant d’un tel pouvoir, si contraignant, le policier est assermenté publiquement*. Ainsi, il devient le représentant officiel et le garant institutionnel des droits de l’homme.

L’initiative populaire “Le droit suisse au lieu des juges étrangers” dite initiative pour l’autodétermination est donc étroitement liée aux contours et au destin de nos 330 polices suisses.

La séparation des pouvoirs statutaires, physiques mais aussi territoriaux garantit l’équité

Tout jugement et son appareil (tribunal) nécessitent extériorisation, distanciation et séparation des pouvoirs chargés de l’enquête puis du procès.

Le joueur de foot ne décide pas lui-même de s’attribuer un but même si le ballon est au fond des filets. C’est l’arbitre et les juges de touche – ces derniers étant étrangers aux équipes nationales en jeu – qui accordent ou non (dans le cas du hors jeu par exemple) le point.

Toute personne qui estime que ses droits humains ont été violés par un arrêt prononcé en Suisse peut, après avoir saisi la plus haute instance de notre pays, se tourner vers la Cour européenne de Strasbourg. Cette voie est existentielle dans l’application du droit et garantit une séparation territoriale du pays – la Suisse – concerné.

Parce que le procès équitable dépend de la séparation des organes de pouvoir, cette initiative est absurde, illogique et dangereuse pour notre sécurité.

Cette initiative annihile le pouvoir de nos polices

À l’échelle de notre pays, seule l’internationalisation garantit au citoyen qui devrait se défendre contre son propre pays une séparation des pouvoirs.

Il en va des pays européens comme des cantons suisses…

Lorsqu’une enquête concerne et implique, par exemple, un membre ou une entité d’un Corps cantonal de police, l’investigation est confiée à des inspecteurs d’un autre Corps cantonal. Cette inter-cantonalité garantit la séparation décrite plus haut et la meilleure objectivité possible. Il en est de même à l’échelle de nos pays au sein de la territorialité européenne.

La mise en application de cette initiative, qui recèle d’autres pièges, étoufferait les voies comme les issues de recours dans le cas d’une éventuelle atteinte de nos libertés individuelles. Elle nous réduirait à une forme de consanguinité juridique fortement préjudiciable qui, de plus, entraverait gravement la légitimité de nos polices.

Compléments :

De quoi s’agit-il ? Et la posiiton du Conseil fédéral

Arguments de l’Alliance de la société civile

Questions-réponses d’Amnesty International

* Raison pour laquelle nos polices doivent rendre compte de leurs actes.

Des fusils d’assaut policiers ?

À la mi-août, plusieurs médias annonçaient que la Police cantonale neuchâteloise étudiait la possibilité de se munir de fusils d’assaut.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

La Police cantonale valaisanne se forme actuellement à l’arme automatique (FASS 90, version courte).

Plusieurs polices de Suisse centrale ont déjà intégré de tels fusils dans leur arsenal.

Le fusil d’assaut, comme son nom l’indique, est une arme de combat. Une arme qui, symboliquement et pratiquement, entraîne les forces de paix que sont nos polices civiles dans un pli guerrier qui leur est incompatible et qui peut corrompre leur nature intrinsèque. Une arme qui fait appel à des compétences opposées à celles que développe usuellement tout policier d’état civil. De plus, le fusil dassaut n’est pas une arme propice aux densités urbaines de notre territoire helvétique. Il n’est pas indiqué en zone d’habitation : trop dangereux pour les tiers, encombrant dans son usage. Tous les policiers expérimentés ne sont pas convaincus par le fusil dassaut.

Ce vice de forme ne me laisse pas tranquille. Son acquisition ne me réjouit pas. De plus, des questions subsistent dans l’usage d’une telle arme… 

Le danger que représente les fusils dassaut en zone urbaine avec leurs balles pénétrantes et les risques encourus pour les personnes derrière l’objectif (en zone 3 pour les spécialistes, les procédés tactiques inhérents, etc. ) ?

Quelle complémentarité entre ce fusil version courte et le pistolet mitrailleur HKMP5 et ses balles déformantes ?

Malgré ces questions ouvertes et le vice de forme évoqué plus haut,

j’approuve le principe d‘acquisition de ce fusil d’assaut pour trois raisons :

1. Une telle arme permettrait de neutraliser une personne particulièrement dangereuse et menaçante, porteur d’un gilet pare-balles ou distancé, eu égard, bien entendu, à l’habitat environnant et à sa fréquentation publique.

2. Le fusil d’assaut est un outil d’extension et non de substitution comme certains moyens informatiques policiers qui potentiellement peuvent violer la sphère privée des individus. Le policier reste maître de son discernement et de sa proportionnalité. Il peut user d’une telle arme tout en préservant les valeurs démocratiques qu’il détient et qu’il représente en notre nom ; l’habilité, la responsabilité et les pouvoirs de l’agent policier ne sont en rien altérés.

3. Enfin, si nous devons nous mêler à tout instant et en tout lieu de l’action de nos polices sur le champ social de nos vies parce que nous en sommes les bénéficiaires ; les attributs métier, par contre, leur appartiennent en propre. Si certaines polices jugent utile l’acquisition d’une telle arme, je peux les suivre.

Ci-après, mon précédent blog en la matière datant du 2 décembre 2016

Des fusils d’assaut policiers

https://mail.google.com/mail/u/0/?shva=1#search/fusil+d’assaut/158b9460a7653182?projector=1&messagePartId=0.1

 Sur le même sujet voir Le Courrier du 24.08.18, pdf disponible ici

Les violences contre les policiers.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

En complément de l’interview accordée au Migros Magazine, rubrique L’expert, du lundi 6 août 2018.

Y a-t-il un profil d’agresseurs de policiers ?

Non, pas à ma connaissance. Dans les témoignages que je réceptionne lors de mes analyses de pratique, me sont cités aussi bien le conducteur d’un certain âge, apparemment aisé, au volant d’une voiture de sport, soudain contrarié lors d’un contrôle routier ordinaire… que des auteurs présumés de violences conjugales. C’est pourquoi chaque témoignage doit être contextualisé.

J’encourage les policiers à dénoncer systématiquement toutes les agressions qu’ils subissent. Ainsi, auditions et enquête permettront d’établir les causes.

Le sentiment de peur est-il en hausse chez les policiers ?

Le policier négocie souvent avec la peur. Pas plus hier qu’aujourd’hui. La peur et à contrario le courage sont pour moi les pièces de voûte des matières à traiter en profondeur lors des formations de police. Je “bataille” avec certains policiers qui brandissent leurs gabarits musclés mais qui n’osent pas dénoncer l’infraction qui se produit dans leur corporation et sous leurs yeux ou qui se taisent devant les discriminations sexistes que subissent leurs collègues féminines parce que les auteurs sont des pairs, des “frères d’armes”. Ils craignent l’exclusion du groupe professionnel. Alors que tout au contraire, lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables, sans autorisation de séjour par exemple, ils débordent d’ardeur. On a le devoir, face à de telles ambivalences, de repenser la fonction de police civile en situation de paix.

Toute police qui renie ses failles et ses erreurs se mutile et s’enferme dans un cercle infernal alimenté par trois illusions : la surpuissance, l’intouchabilité et la redevabilité.

Quelles résolutions ?

La première : améliorer et augmenter le contenu et la durée de la formation initiale du policier généraliste.

Toujours en lien avec la question précédente, nous devons renforcer les cours ayant trait aux valeurs constitutives de notre État de Droit, les cours de sociologie des foules, de prévention et de proximité. Cela nécessite de tripler la durée de formation de base (actuellement neuf mois ou 1’800 leçons/périodes d’environ 45 minutres pour la formation initiale de policier généraliste en Suisse ndlr.) et de l’agencer dans des centres de compétences pluridisciplinaires à l’exemple des Hautes écoles spécialisées. Ainsi, la durée de formation initiale pour un policier accéderait à celles des professions du social ou de la santé.

Une formation plus large, documentée, impliquant davantage de ressources et de compétences extérieures et pluridisciplinaires offre une couverture de protection plus importante au policier victime d’agression. Ce dernier peut alors recourir à des références et des soutiens distanciés, bien plus variés que ceux qu’ils trouvent conventionnellement dans son corps et sa chaîne de commandement.

La deuxième : élargir les conditions d’admission dans les corporations.

Et non plus privilégier, comme c’est toujours le cas actuellement, les conditions physiques. Susciter des talents policiers implique de se pencher sur des candidats qui sont capables d’objecter, de critiquer et de proposer des innovations permanentes. Je rencontre encore trop de policiers de terrain qui subissent, se taisent et souffrent dans leur personne. Ils craignent d’incommoder leur carrière et de se faire mal voir par leur hiérarchie, écrasés qu’ils sont par les ordres de service et la crainte d’être disqualifiés. On en revient à la fameuse redevabilité, évoquée plus haut, qui survient comme une désillusion après avoir cru durant les premières années d’exercice aux sentiments de surpuissance et d’intouchabilité.

Témoignages de policiers dans le dernier Migros Magazine du 6 août 2018

Blog du 4 décembre 2017 traitant des violences à l’encontre les policiers

La police n’empêche pas le deal de rue

La police* ne peut rien résoudre d’elle même… tout au plus conduit-elle aux moyens de résolution, qui, eux, sont en “notre” possession.

Le “notre” est communautaire.

Augmenter les moyens techniques et les effectifs de nos polices est utile pour ménager les horaires et faciliter les déploiements opérationnels mais ne résoudra aucunement le problème endémique du trafic de drogue. N’en déplaise à certains élus qui s’évertuent de le faire croire à des fins électorales.

Le regretté commissaire judiciaire, opérationnel et scientifique, Olivier Guéniat l’avait si bien expérimenté, documenté et démontré. “La vente de drogue est pratiquement incompressible puisqu’elle répond à un besoin, celui des consommateurs qui sont Suisses.”

“Notre” possession ?

Nous autres dans notre pluralité et notre implication quotidienne.

Comment ?

Par l’organisation d’assises sur le deal de rue puis la mise en place d’un programme de santé et d’ordre publics.

Que faire ensuite ?

1. Examiner les antécédents alémaniques, notamment zurichois. Lire et écouter, sur RTS la 1ère, l’excellente analyse de Sandro Cattacin. “Ce triple symbolique “drogue – noirs – police” peut avoir des effets collatéraux bien plus graves que la situation actuelle” dixit Sandro Cattacin, directeur de l’Institut de recherche sociologique de l’Université de Genève et membre de la Commission fédérale sur les addictions.

2. Réunir l’ensemble des acteurs sociaux, de santé et d’ordre publics avec les représentants des quartiers d’habitation concernés. La police ne représente qu’un maillon de la longue chaîne sécuritaire au sein de la Cité et de la cohabitation sociale. Elle doit donc agir aux côtés des travailleurs sociaux hors murs, du personnel de santé, des urgentistes en soins ambulants, des agents d’édilité, des jardiniers de Ville (donc d’État et exécutifs comme les policiers), des concierges publics et privés, des responsables d’intendance dans les centres scolaires notamment, des médiateurs scolaires, des employés de l’Administration publique, des commerçants, des chercheurs en addiction, des criminologues, etc.

3. Agir pluridisciplinairement et créer un centre de coordination indépendant, non répressif et non dissuasif. Les agents d’État non policiers et des services collectifs renseignent le centre de coordination. La police, quant à elle, établit les faits, interpelle, qualifie les infractions, conduit l’affaire au pouvoir judiciaire et informe le centre de coordination ou, le cas échéant, oriente soit, vers les travailleurs sociaux ou soit, vers les professionnels de la santé.

L’objectif ?

Vivre ensemble malgré tout.

Éradiquer la drogue est impossible sans démanteler les organisations mafieuses internationales qui “utilisent” les petits trafiquants visibles dans nos rues.

Éloigner le deal de nos rues est impossible sans réduire les besoins donc les consommations des indigènes.

 

Article Le Temps de Aïna Skjellaug du 5 juin 2018. À, Lausanne, des agents «épouvantails» pour lutter contre le deal de rue.

 

* La police est un organe exécutif (non judiciaire et non législatif – ce dernier pouvoir est largement compromis par certains policiers genevois à la fois députés) de prolongation et de délégation de nos facultés citoyennes de service et de protection du plus grand nombre, à commencer par le plus faible comme le précise notre Constitution.

Pour servir et protéger dans le domaine si exposé du tout-public, nous avons confié à des agents de légitimité et de juridiction territoriale (les policiers) des moyens de force, de contrainte et de privation momentanée de liberté et les avons doté, sous assermentation, d’outils de sanction, d’ordre et d’armes.

Les paliers du déni

Le temps et la raison passent leurs chemins… en polices comme partout ailleurs.

1993. Berne. Je préside la première Commission de vigilance et de prévention des violences policières et militaires de Suisse. Ce groupe de travail composé d’officiers de polices cantonales et d’officiers EMG militaires pose les bases de ce qui deviendra plus tard le Brevet fédéral de policier. Lors d’une séance, on me rétorque alors : “Maillard, des femmes policiers (pas… – ères ndlr.), vous n’y pensez pas. On voit bien que vous ne connaissez pas le métier. C’est impossible.”

Lire le sujet de Sylvia Revello dans Le Temps du 8 mai 2018 sur une policière vaudoise, pionnière de gendarmerie

2003. Genève. Canton pilote. Je suis sollicité et engagé pour élaborer les premiers cours de comportements policiers, droits humains et valeurs fondamentales du 1er Module (sur quatre) du Brevet fédéral de policier de base ainsi que pour rédiger les tests et examens finaux éliminatoires pour le compte de l’Institut Suisse de Police. “Un brevet pour intellectuels. En tous les cas pas pour des policiers. Ce brevet ne tiendra pas plus de deux ans !”

2005. Lausanne. Polices cantonales genevoises et vaudoises. “Nous sommes gendarmes. Pas des policiers; ça n’a rien à voir…”

2007. Genève. Je suis chargé de concevoir, de piloter et d’encadrer les premiers cours du Diplôme supérieur de policier suisse. À la demande des autorités, j’organise les premières analyses de pratiques professionnelles qui, très vite, deviennent obligatoires. “On n’est pas des travailleurs sociaux, ni des militaires d’ailleurs, pas des soignants non plus, ni des … on est à part. Merde !”

2007. Lausanne. Publication du rapport sur le fonctionnement de Police Secours de la Police Municipale de Lausanne (mai 2007 – GTPS). Confirmation de dysfonctionnements et de violences graves. “Vous croyez quoi ? Qu’on allait dévoiler nos méthodes au grand jour…”

2008 à 2011. Genève. À cette date, je travaille pour huit Corps de police suisses. Sollicité par d’autres Corps alémaniques, la Police cantonale genevoise insiste pour que je poursuive à leurs côtés encore quelques années et que je me charge aussi des remédiations de l’examen final et éliminatoire en Droits humains du Brevet fédéral en faveur des ressortissant-e-s de l’Académie de Police de Savatan. Lors de ces séances de rattrapage, je reçois, à mon insu, des témoignages alarmants.

2013. Martigny. À la demande de policières et policiers (parmi lesquels des officiers judiciaires) en exercice et soumis au secret de fonction je porte à connaissance les dégradations et les maltraitances avérées qui se sont produites et semblent toujours se produire (à cette époque – 2013) à l’Académie de Police de Savatan.

2015. Zurich & Lausanne. À l’appui d’aveux professionnels qui me sont directement confiés – et sans que je puisse avoir accès à d’éventuelles statistiques, qui, d’ailleurs, ne semblent point exister en la matière / un porte-parole de police me confiait dans le même temps qu’il triait les affaires internes avant toute communication aux pouvoirs politiques – je constate une détérioration (lors d’une intervention sur cinq en moyenne) du rapport relationnel entre le policier et la personne interpellée. “Pas du tout. Vous n’avez pas de chiffres. Tout va bien.”

2018. Lausanne. “La formation de Savatan est bonne car la criminalité est en baisse.”

Voir et écouter le débat animé par Virginie Gerhard pour La Télé du 2 mai 2018

Découvrir, ici, les quatre pistes de résolution que je propose. Opinion Le Temps publiée le 17 avril 2018

Polices : instaurer un SAV

Le SAV – Service après-vente – des polices serait profitable à tous et permettrait de réduire les effets boomerang et les retours de balanciers.

Il manque un Service après-vente au sein de nos polices européennes.

Suite à une intervention houleuse ou agitée toute police trouverait un intérêt managérial et collectif à se soucier de la bonne réception et de la bonne compréhension de son action auprès des personnes témoins de la scène.

Imaginons : l’appel secours à la centrale et le signalement d’une probable violence domestique, l’intervention d’une première patrouille, dans un immeuble, 4ème étage, des cris, les lumières intermittentes dans la cage d’escalier, une deuxième patrouille, une troisième, des voisins sur les paliers, des portes qui claquent… des enfants qui pleurent… finalement, la police emmène untel, père de famille connu du voisinage et familièrement apprécié… Imaginons les incompréhensions, les questions… laissées sans réponses. La police se devrait de retourner sur les lieux, quelques heures ou quelques jours plus tard, offrir de l’information, naturellement sans dévoiler les détails de l’enquête en cours ni attenter à la sphère privée des personnes concernées.

Juste expliquer le processus

Un appel urgent, des patrouilles dépêchées sur les lieux, les précautions d’usage, deux mots sur la tactique, l’établissement des faits et ce service public offert indistinctement à chacune et chacun ; retour auprès des voisins, des témoins, distribution de cartes de visite ou de dépliants, des coordonnées et une disponibilité en guise de prévention.

Bénéfices communs

Avec cette offre de médiation bien des situations conflictuelles en des zones problématiques s’apaiseraient au lieu de renaître de plus belle après le départ de la police. De plus, avec un tel Service après-vente la police bénéficierait d’une occasion unique d’évaluer et de valider ses missions auprès du public et, bien entendu, d’améliorer encore et toujours ses procédures et ses méthodes de travail.

La sécurité à la demande n’est pas policière

“Les Agents (des Polices Municipales (APM) genevoises ndlr.) des communes de Chêne-Bougeries et Veyrier effectueront des rondes spécifiques chez les habitants ayant annoncé leur absence.”

“Nos agents… font le tour de la maison. Pour les appartements, ils montent à l’étage…”

(2 minutes de lecture. Le féminin est compris dans le texte)

Sécurité sur mesure offerte par les communes, titrait 20 minutes le 1er février passé.

Cette nouvelle prestation, selon vous, pose-t-elle problème au principe de la régie policière ? Telle est la question, empreinte de doutes, du chef opérationnel d’une police vaudoise. (Merci au Capitaine P. de m’avoir interpellé à ce sujet)

Ma réponse : oui

Tout d’abord, je distingue ces commandes spécifiques des actions préventives qu’effectue toute police ainsi que des alertes ou signalements communiqués aux polices par la population.

Je suis navré de constater, une fois de plus, que ces Polices Municipales genevoises sont détrônées de leur intrinsèque nature policière. Déjà qu’elles ne bénéficient pas du Brevet fédéral, elles sont en plus considérées (à tort) comme des sous-polices ou des polices partielles. En leur confiant ce type de mission, à la demande des habitants, leurs autorités communales n’améliorent pas leur statut.

Voici pourquoi

1. Erreur de casting. Une telle initiative est intéressante en soi mais devrait être confiée à des employés communaux non policiers ou à des prestataires privés. Toute police est au service de la population mais ne lui est pas subordonnée. La police est un organe médium (ou “vis-à-vis”) entre le pouvoir exécutif, d’une commune par exemple, et la population ou entre le pouvoir judiciaire et la population ou/et sa défense.

2. Entrave à la liberté d’action de la police. Une telle initiative compromet le moyen discrétionnaire et d’opportunité propres (en plus du pouvoir de coercition) à nos polices d’État de Droit.

3. Les prérogatives de police des APM sont déjà limitées. Une telle initiative réduit encore davantage le champ d’initiative et de pouvoir de ses agents.

4. Réduction du discernement policier. Un policier qui répond à une préoccupation (ou parfois à un caprice ?) privée quitte son champ public d’intervention et n’exerce plus la vigilance objective et désintéressée que requiert sa fonction.

(Photographie : 20 minutes)

Conséquences problématiques

Avec une telle offre, on se trouve face à une contorsion de la régie policière suisse, qui, pour rappel, définit qu’un policier ne doit pas violer ou investir la sphère privée* de tout un chacun, hormis lorsque les juges l’y autorisent (perquisitions, écoutes téléphoniques, etc.) et ce, pour des raisons majeures.

Le champ policier est public, non privé. La surveillance du champ privé est, par conséquent, confié à des sociétés de sécurité privées, complémentaires.

Pendant que le policier répond, à la carte, à une préoccupation de bienveillance privée, il ne peut pas détecter d’autres incidences spontanées ni prioriser les secteurs vulnérables de sa commune et encore moins concevoir son action discrétionnaire tel que l’exige pourtant son statut de policier de proximité. Un tel pli dans son activité quotidienne risque de porter préjudice à l’intérêt commun et de favoriser, à terme, les personnes les plus craintives ou les plus aisées.

Une action de police répond à l’acte** au profit de la personne et de la collectivité et non à la personne au profit d’un éventuel acte.

 

* … en plus du respect de la sphère privée, la régie policière impose le respect de la présomption d’innocence (seule la justice définit la culpabilité – séparation des pouvoirs), la conduite des investigations pour le meilleur procès équitable possible, le respect intégral de la dignité humaine et l’annonce des motifs dans l’arrestation provisoire (aussi appelée garde à vue).

** avec ses faits, indices, témoins et preuves.