Mais, tu crois quoi ?

Le tutoiement de la part des agents du service public est irrespectueux.

(1 minute de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Il y a cette réaction du service de médiation de la Ville de Zurich – et oui, la Ville de Zurich bénéficie d’un service de médiation ! Exemple à suivre.

Et, il y a cette lancinante impolitesse qui galope toujours dans les us et coutumes de plusieurs polices de notre pays… selon le type d’usager, d’interlocuteur… bien entendu. À tel point, que la semaine passée encore un député m’offrit la désolation suivante : ” Vous pensez ? Vraiment Monsieur Maillard ? Moi, qui suis connu, vous voyez, jamais un policier ne m’a tutoyé”.

Le tutoiement de la part d’agents policiers n’est pas digne d’une délégation ou d’une représentation d’État.

Pourquoi ?

1. Parce qu’il disqualifie la posture de l’État – qui se trouve être une personne morale aux multiples visages -, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale.

2. Parce qu’il fragmente l’attention policière portée à l’autre en raison d’un préjugé basé sur l’âge, la provenance, le statut, la vulnérabilité sociale ou la maîtrise d’une langue. Autant de facteurs qui réduisent l’habilité du policier à discerner et à établir le plus objectivement possible les raisons et les faits de son interpellation.

3. Toute ascendance est infondée. L’assermentation octroie à l’agent une légitimité qui revêt un caractère de serviabilité et non de supériorité.

4. Parce que la réciprocité ne serait pas admise alors que notre démocratie promet l’égalité, sans distinctions.

Résultat : autogoal et négation constitutionnelle.

Autant dire Vous !

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com

5 réponses à “Mais, tu crois quoi ?

  1. D’accord dans le contexte d’un contrôle, pour citer le cas le plus léger. Mais lors d’une intervention qui se veut efficace, le tutoiement est une technique parmi d’autre pour s’imposer, et à mon avis il serait exagéré de la critiquer. Les règles de respect qui sont appropriées lors d’un match de boxe font partie du fair-play, mais en cas de confrontation pouvant dégénérer brutalement dans une situation d’intervention, il ne s’agit pas d’un sport organisé. Est-ce que l’on peut demander raisonnablement à un policier d’être capable de boire une gorgée de thé dans une fine tasse de porcelaine tenue entre deux doigts, tout en maintenant fermement de son autre main l’individu à maîtriser ?

    1. Merci pour votre réaction Dominic,

      précisément, ayant pu l’observer in vivo lors d’accompagnement de patrouilles sur le terrain avec situation difficile et dégénérescence, maintenir le vousoiement de la part du policier augmente l’effet de désescalade.

      Je n’exclus pas, dans des situations très particulières, qu’un policier puisse tutoyer pour l’effet de surprise. Mais dans tel cas, nous ne serions plus en communication mais en coercition ou légitime défense.

      J’ai aussi observé que le tutoiement policier pouvait excité et, auprès de la partie adverse, encouragé la rixe.

      Bien à vous,

      Frédéric Maillard

      1. Merci pour votre réponse où vous tenez compte des situations où le tutoiement peut être un choix volontaire qui vise un but précis, au même titre d’ailleurs que le ton de la voix ou une attitude déterminée, qui eux aussi dénoteraient d’un manque de respect dans un contexte qui ne le justifierait pas. Il serait à mon avis important de relever parfois, que le métier de policier est une activité à risque qui demande une bonne résistance, et de mettre ses poings dans ses poches bien plus souvent que le simple citoyen qui traverse des journées nettement plus tranquilles. Vous êtes sur le terrain, vous en êtes conscient, mais cela n’est pas évident pour bon nombre de personnes qui tendent à nier cette réalité, avec parfois une aisance déconcertante, pas même par manque d’honnêteté, mais pour s’offrir une confortable ignorance où elles se situent au bon endroit dans ce paysage inventé. On n’apprécie pas moins, en sens inverse, l’amplification des dangers à laquelle se livrerait le policier dans ses récits à ses amis non-policiers. Et cela, je l’ai entendu un jour de la part du même policier qui avait déclaré : « Tout le monde sait que nous, les policiers, nous sommes racistes ! » Cette fois-là il avait décidé de souffler sur les braises : « La Place du Tunnel* ? Tard le soir ? Oui, j’y vais… Mais pas sans mon arme ». Des deux côtés, police et public, ces manipulations pauvres et faciles font du tort. Vous pouvez à mon avis contribuer, en parallèle à vos articles, à donner un juste éclairage. Ce ne sera jamais inutile, même si cela ne concerne pas directement les sujets que vous abordez en particulier.
        (* Lausanne.)

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