Non à la peine de mort !

La peine de mort entrave le long et minutieux travail de la police. A son insu, cette dernière se voit soudain privée de toute remédiation possible.

(2 minutes de lecture – le féminin est compris dans le texte)

Une exécution capitale est non seulement un gravissime autogoal pour l’État de Droit mais représente aussi un cinglant revers dans l’évolution des enquêtes policières. N’oublions pas que nos polices sont codétentrices des archives pénales (au côté de l’autorité judiciaire). Une peine capitale et irréversible signe le désaveu de toute détermination policière dans les investigations criminelles.

Sauver des vies avant tout !

Nous le savons tous, une personne peut être condamnée à tort. Or, il est de plus plus fréquent, aux États-Unis notamment, de voir surgir, par le fruit du hasard, le regroupement d’affaires judiciaires et les progrès technologiques, de nouvelles preuves de culpabilité ou d’innocence. C’est à ce stade précis qu’interviennent les polices douées de compétence criminalistique et de persévérance pour ré-ouvrir certains dossiers et, in fine, libérer des individus du couloir de la mort, parfois bien des années après leur condamnation.

L’intention policière de « servir et protéger », à commencer par le plus faible, détermine les règles (ou régies policières) permettant de respecter toute loi démocratique. Condition sine qua non pour se voir conférer en sa qualité d’agent de police, sous assermentation, les deux pouvoirs exclusifs et exceptionnels que sont la coercition et le discrétionnaire. L’interpellation ou l’arrestation provisoire ne sont, à ce stade, que des conséquences.

Les régies policières ?

Au nombre de cinq et universellement admises en procédure judiciaire :

  1. Le respect de la présomption d’innocence.
  2. Le respect de l’intégrité physique, morale et psychique.
  3. Le respect de la sphère privée.
  4. L’énoncé des motifs d’interpellation et de privation de liberté momentanée (garde à vue) à la faveur de tout individu concerné.
  5. La conduite – ou l’amenée – au procès équitable (le policier établit les circonstances, les faits, les preuves, les témoins et les indices pour soutenir le déroulement d’un procès dont il/on espère l’issue la plus juste possible).

Actualité

Le travail des polices ne devrait jamais s’interrompre, même après une condamnation définitive par les tribunaux. Comme le démontre la suspension – quatre heures avant son exécution par injection létale -, mardi passé 22 août 2017, de la mise à mort de cet homme noir âgé de 48 ans dans l’État américain du Missouri. Condamné à la peine capitale en 2001, pour avoir tué une femme, des molécules ADN le sauvent in extremis. La récente analyse génétique a révélé que les traces trouvées sur l’arme du crime n’étaient pas les siennes. De plus, il s’est avéré que les témoignages recueillis à l’époque n’étaient pas fiables.

Découvrir, ici, d’autres cas innocentés (RTS info – 2014).

Policiers déterminés

Ils sont de plus en plus nombreux les policiers nords-amériains qui entreprennent de dépoussiérer, y compris sur leur temps libre, de vieux dossiers ou d’anciennes condamnations. Ils ont raison. La consécration du métier de policier consiste bel et bien à libérer les individus, leur opinion, leur mobilité et non à les détenir.

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com

7 réponses à “Non à la peine de mort !

  1. Pour le cas évidents de culpabilité d’un assassinat , je ne vois vraiment pas pourquoi aujourd’hui , quelqu’un qui tue délibérément un autre être vivant, ne paierai pas de sa propre vie un tel crime. La question que je me pause c’est; à quel nom ou au nom de quoi à t’on pu passer au dessus d’une telle injustice? Surtout pour toutes les familles ravagées à la suite de l’assassinat d’une petite fille ou un petit garçon violé et tué par un être dénué de toute humanité.
    La question que je pause c’est au nom de qui ou de quoi?
    Merci d’éclairer ma lanterne.
    Octavio

    1. Bonjour et merci pour votre réaction,
      … que la souffrance de l’entourage des victimes soit indescriptible ne fait aucun doute. Je ne suis pas sûr qu’une deuxième mort puisse la résorber. Aussi, l’histoire nous montre qu’une réponse sanglante et similaire à celle du premier meurtre commis engendre des vengeances infinies, très nuisibles à l’ensemble de la communauté humaine.
      Vous vous posez la question “au nom de qui et de quoi ?”. Les fondements à ces réponses varient selon que vous êtes croyant ou fortement attaché à certaines valeurs étatiques, etc. Le message saint auquel je puis me référer tolère-t-il que l’on supprime la vie d’autrui ? Est-il judicieux qu’un État de Droit tue pour exprimer l’interdiction et le bannissement d’un tel acte ? Ce que j’appelle dans mon texte l’autogoal. N’est-ce pas le pire contre-exemple ? Aujourd’hui, l’engagement de notre pays La Suisse pour l’abolition de la peine de mort est sans failles y compris sur le champ militaire depuis 1992. Pour ma part, j’ai rencontré des victimes de violences extrêmes et infâmes dans plusieurs pays sur 20 ans. Leur désir est unanime. Elles veulent rompre le cercle vicieux de la violence, mettre un terme au sang qui coule.
      Voici un lien auquel j’adhère et qui argumente la position de nombreux chrétiens : http://www.acat.ch/fr/sinformer/information_generale/peine_de_mort/argumentaire_contre_la_peine_de_mort/

    2. Peu importe les circonstances … personne n’a le droit de decider de la mort de quelqu’un d’autre ! La vengeance ne fait qu’aggraver les choses ! Il en revient a la justice divine de decider ou non de la mort de qqun ! Personne ne peut juger une situation sans y avoir été impliqué

  2. Le thème découvert par Monsieur Maillard est vraiment très acut sur arène politique et sociale des États Unies. La société est apeurée par les forces de police, mais ce fait ne leur donne pas plus de responsabilité pour ses actions. Ce problème doit être resolvé plus vite que possible, parce que si les forces assez importantes perdent leurs contrôles les conséquences peuvent devenir irréversibles.

  3. Je comprends que le débat est inépuisable, mais çà fait du bien de pouvoir exprimer quelques réflexions personnelles que l’on garde pour soi, faute de d’auditeurs.
    Donc excusez-moi d’en remettre une petite couche et de continuer sur ma pensée du jour sur l’état de notre société de nos jours. J’ai l’impression (très perço.) que plus on humanise notre justice et plus on déshumanise la délinquance, ce qui entraîne un déséquilibre du fléau de la fameuse balance.
    Octavio

  4. Bonjour
    J’apprécie également de pouvoir échanger autour d’une question si complexe.

    Pour ma part, cette volonté de défendre corps et âme l’abolition de la peine de mort me laisse perplexe.
    J’entend les arguments mentionnés dans l’article: le caractère vain d’une vengeance qui ne fait que perpétuer le cercle de la violence; son caractère injuste, souvent focalisé sur certaines classes sociales..

    Mais dans certains cas, il me semble qu’on peut la considérer comme une mesure de prophylaxie sociale.
    Car certains meurtriers son incapables d’amendement. le risque de récidive est bien trop grand.
    Je pense aux prédateurs sexuels, notamment. qui agissent sous le coup d’une compulsion.
    Il est vain de chercher à les guérir. Seul un humanisme aveugle peut y prétendre.
    Peut être que la peine de mort ne procure qu’une satisfaction éphémère et mortifère aux familles des victimes. mais que dire alors de la remise en liberté, 20 ans plus tard, d’un prédateur sexuel dangereux.
    Est ce réellement justice, que de laisser une seconde chance (voire une 3° ou 4°. car ce sont souvent des récidivistes) dans l’espoir béat qu’il ait compris, qu’il rentre enfin dans le rang et exprime un remord sincère sur ses errances passées, au risque cependant de le voir commettre de nouveaux meurtres…?

    C’est dans ce sens là que la peine de mort – ou l’enfermement à vie – me parait souhaitable. Pour éviter à de nouvelles victimes innocentes de faire les frais des pulsions violentes de ces personnes… et indirectement du laxisme judiciaire. car on sait très bien que les psychopathes sont doués pour duper les “experts” et savent épouser le discours que l’on attend d’eux.

    Qu’en pensez vous?
    merci d’avance pour votre réponse

    1. Bonjour et merci pour votre argumentation.

      La mesure d’internement à vie selon la dangerosité de l’individu existe en Suisse. Voir explications résumées ici :http://www.rts.ch/info/4361226-l-internement-a-vie-explications.html

      Aspect policier : ne perdons pas de vue que la fonction d’une police est de protéger l’ordre public et non de s’acharner sur une personne, encore moins si cette dernière est gravement atteinte dans sa santé mentale.

      Aspect personnel : la peine de mort nous égare et détourne nos énergies et nos capacités dans une direction vaine. Nous n’avons pas le droit, ni le pouvoir, d’anéantir la vie que nous n’avons pas créée. Par contre, nous avons le devoir d’entretenir la paix publique de sociétés que nous construisons tant bien que mal.
      Ceci dit, il est évident que nous devons tout mettre en oeuvre pour épargner nos sociétés de l’action néfaste d’individus dangereux. Et, de ce point de vue, il existe bien des alternatives à la peine capitale.

      Par ailleurs, un auteur de crimes graves en vie peut être d’une aide, y compris à son insu, précieuse pour le corps policier dans la résolution d’autres crimes ou pour le corps médical dans l’exploration des troubles psychiatriques.
      Bien à vous, Frédéric Maillard

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