Violences policières en Suisse

Depuis 2015, j’enregistre une détérioration des interpellations policières et par conséquence une recrudescence des violences. Je ne dispose malheureusement pas de chiffres. Les “cas” sont le plus souvent classés – pour ne pas dire étouffés – à l’interne des corporations. Selon les témoignages que je recueille au jour le jour et selon mes estimations, une interpellation sur cinq n’est plus opérée avec décence et objectivité.

J’identifie trois causes,

la première, d’ordre temporel…

  1. Un cycle temporel propre aux institutions suisses. S’agissant des métiers de sanction, nous nous trouvons face à des oscillations qualitatives toutes les 6 et 12 années, environ. 2015 correspond à la 11ème année après l’introduction du Brevet fédéral et son cours obligatoire en Droits humains. L’autorité référentielle que produisait ce Brevet semble ainsi résorbée.
  1. La deuxième, d’ordre pédagogique. Policière / policier : une formation d’adultes. Les policiers du bassin lémanique et du Valais sont formés à l’Académie de Police de Savatan. Cette Académie est rétrograde et privilégie des modes opérationnels de confrontation plutôt que de résolution des problèmes.
  1. La troisième, d’ordre managérial. Un contenant managérial de défiance. Plusieurs corporations sont encore soumises à une organisation par trop militarisée, ultra-hiérarchisée et recroquevillée sur elle-même. La gradation et le salaire y sont liés. Ces derniers paramètres sont assujettis aux qualifications et au bon vouloir de ceux qui vous précèdent, ce qui engendre des effets de redevabilité très forts et sournois. Face à la dégénérescence d’une interpellation “… vous êtes tenté de couvrir vos erreurs, pire vos fautes, plutôt que de les avouer et ensuite les traiter” me confie-t-on souvent.

Trois résolutions possibles

  1. Encore et davantage enseigner le contexte géopolitique, les origines criminologiques et notre rapport historique aux valeurs fondamentales, celles qui forgent notre démocratie et de surcroît les actions policières. Donner un sens profond et universel à l’engagement policier contribue à prévenir les baisses cycliques de motivation.
  2. Ouvrir les formations de base et continues à la pluridisciplinarité et aux sciences de gestion.
  3. Confier des lieux de vidages et de médiation à des organes neutres et indépendants. Ouvrir les postes à responsabilité au personnel civil qualifié comme ont su le faire les polices de Grande-Bretagne après avoir reconnu, dans les années 90, une hausse des violences policières. Enfin, intégrer les femmes ainsi que les ressortissants étrangers dans les états-majors.

C’est bien parce que l’on bénéficie, en Suisse, de très bonnes polices que l’on devrait pouvoir remédier aux manquements constatés ou… avoués.

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com

3 réponses à “Violences policières en Suisse

  1. Bonjour,

    Petit article intéressant mais qui mériterait d’être approfondis car le problème de distance entre la police et la population ne fait que grandir et atteint des proportions inquiétantes, par exemple chez nos voisins français.

    Peut-être connaissez-vous le podcaster ‘Usul’, qui a produit une très bonne analyse sur cette question mais en France justement. Je me permet de poster le lien ici : https://www.youtube.com/watch?v=R1jP4F-uLV8

    Je serais également curieux de comparer certaines autres polices, qui elle sont dans le contraire total, comme la police Japonaise qui passe plus de temps à aider la population (indiquer le chemin, donner des renseignements, etc..) qu’à devoir faire de la répression, étant donné aussi un taux de criminalité très basse.

    1. Bonjour Monsieur,
      je vous remercie pour votre réaction. En effet, il est nécessaire de toujours contextualiser. Les polices sont légitimées sur un territoire donné et son histoire.
      Au plaisir, Frédéric Maillard

  2. Bonjour,
    c’est interessant de conceptualiser les raisons de la violence.
    Et si tout simplement certains policier cherchait juste un prétexte pour cogner ?
    La semaine passé, j’appelle les ambulances pour prendre en charge un ami en crise de nerfs, sous médicaments.
    or, les ambulances nous envoient d’abord la police. Cela ne fait que provoquer une crise d’angoisse encore pire, l’attitude des policiers n’a rien de rassurant, ils cherchent le contact physique, j’essaye de calmer tout le monde, mon ami ne bouge pas. Or, soudainement les policiers exigent que je leur donne mon téléphone, me tirent, me plaque au sol, me mettent les menottes ! Mon ami crie son désarroi, lui aussi menotté, sans raisons, heureusement les ambulanciers arrivent, les parents de l’ami aussi, il y des témoins. je suis malmené, menotté, sans raison. tête ensanglanté, à l’entrée de notre immeuble juste parce que je cherchais l’aide du SAMU ! Trouvez-vous une quelconque justification d’un tel comportement des policiers ? Au final ils me forcent a ouvrir le téléphone, ils effacent eux-même s dernier fichier video trouvé, sans meme le visionner, et me disent qu’ils vont me dénoncer pour résistance. Quelle résistance ? Suis-je alors un criminel ? C’est ça le soutien de la police dans un pays qui se veut démocratique ? Cela fait peur ….pour ne pas dire plus.

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