Filmer la police…

… représente une opportunité à laquelle chacun d’entre nous s’est vu, un jour, confronté. D’autres chercheront à y déceler la moindre irrégularité. Enfin, les policiers eux-mêmes se filment et filment les protagonistes lors des manifestations d’envergure.

(Ce sujet diffère des body cameras. Voir mon ancien blog « Pour ou contre les caméras portées sur le corps des policiers » du 15 septembre 2015.)

Ce nouveau mode d’observation et de communication dépend directement des technologies. Le mouvement citoyen s’est adapté. Lui résister est inutile. Vaut mieux l’accompagner. Cela exige de nos policiers d’être avisés sur les conséquences et incidences. Trop nombreux sont les agents d’Etat qui oublient que leur légitimité se forge dans les comptes qu’ils ont à rendre aux autorités législatives, exécutives et judiciaires ; toutes élues et fabriquées par nos soins.

Les policiers sont directement placés sous l’autorité du pouvoir exécutif : le pouvoir de la visibilité et de l’action. L’uniformisation, y compris celle des inspecteurs civils qui portent durant leurs interventions publiques un brassard très voyant (fluo) avec inscription « police », est précisément la protection de leurs sphères privées. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un tel individu qui interpelle le passant mais l’expression, l’entité entière, de l’Etat communal, cantonal ou fédéral incarné, en la circonstance, par l’agent de police assermenté.

philippe leroyer
Photo de Philippe Leroyer

Raison pour laquelle trois précautions sont de mises :

  1. Empêcher l’identification de la personne physique qui exerce la fonction de policier par les récepteurs des canaux de diffusion du film.
  1. Flouter la lisibilité du matricule apposé sur la poitrine de l’agent et sur lequel son nom figure en toutes lettres. L’énoncé du matricule varie d’un corps de police à l’autre. Certains affichent le nom complet de leurs agents, d’autres des chiffres de substitution.
  1. L’action de filmer ne doit nullement entraver celle, prédominante, de la police – force publique.

La justice dispose, entre autres, de ces trois leviers pour contrer ou punir l’action malveillante de certains adeptes de « Copwatching ». Pour le reste, je constate que l’opportunité de filmer peut aussi améliorer l’efficience policière.

Je plaide donc un apprentissage bilatéral.

Une formation dispensée à nos agents de la fonction publique qui, en substance, proposerait l’argument suivant : à terme, la lumière sur les interventions de police ne peut pas faire de mal puisqu’elle s’inscrit dans la cor-responsabilité citoyenne à laquelle tout policier est censé aspirer.

Aussi, il serait utile, voire indispensable, d’informer les jeunes dans les cycles d’orientation afin de leur expliquer les dangers de certaines diffusions, notamment celles pouvant nuire à la personnalité d’un agent en particulier ou celles pouvant mettre en danger la sécurité publique ou les intérêts constitutifs de l’Etat de Droit.

Devrions-nous vraiment tous filmer la police ?

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com