Le policier est-il de droite ou de gauche ?

 

De droite ! Evidemment. Moi aussi, quand j’étais chef d’entreprise j’étais perçu comme étant à droite. Et, après, quand j’ai enseigné la gestion des équipes dans les écoles sociales, mes clients et mes partenaires commerciaux ont cru que je basculais à gauche. Mes confrères professeurs, quant à eux, me voyaient à droite. Mes étudiants ? A gauche. Puis, à l’introduction du Brevet fédéral de policier, j’ai été sollicité par une police cantonale. Alors, soudain, les mêmes étudiants m’ont trouvé peu fiable et… m’ont livré à la droite des flics. Pas tous. Plusieurs d’entre eux en ont profité pour faire leur coming out : « Vous savez, Monsieur Maillard, je suis officier… à l’armée, et, je pense souvent que la droite… ferait tant de bien à la gauche. » Les policiers, mes nouveaux compères, craignaient qu’une chose : que je sois à gauche, ressortissant d’une école sociale, pensez donc ! « Tu réfléchis trop Maillard. C’est pas bon. » Enfin, développant les premiers cours pour le diplôme supérieur de policier, je suis devenu, très progressivement, l’allié des réformes gouvernementales de droite comme de gauche. C’est marrant, on ne m’a jamais offert le centre.

 

« C’est une question de point de fuite, de perspective. » Me confiait l’autre jour un policier. « Si, comme flic, tu dois faire face à des activistes antifascistes. T’as vu ce qui s’est passé à Berne ? Je peux te dire que t’as pas beaucoup de sympathie pour la gauche. C’est vrai que les manifs Pediga ne doivent pas être simples à gérer non plus. T’as vu ce qui s’est passé à Dresde ? Je plains mes collègues. Bon, dans un cas comme dans l’autre, on se fait quand même plaisir… on arrive toujours à en serrer quelques-uns ! Et pis, les tatouages. Faut faire gaffe. Ce sont des signes d’appartenance, de parti, chez les voyous comme chez nous. »

 

A bâbord ou à tribord le flic ?

 

Je n’ai pas de conseil à donner.

Pourtant, lorsque je me remémore le texte suivant :

 

Au nom de Dieu Tout-Puissant !

Le peuple et les cantons suisses,

conscients de leur responsabilité envers la Création,

résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde,

déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre et l’équité,

conscients des acquis communs et de leur devoir d’assumer leurs responsabilités envers les générations futures,

sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que

la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres,

arrêtent la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 – état au 14 juin 2015.

 

… c’est vrai qu’au fond de moi, je me dis qu’après tout, le policier, ne sert-t-il pas et ne protège-t-il pas les faibles, d’abord et en priorité les faibles ? Alors, pourquoi ne pourrait-il pas gagner le parti des faibles ? Nul n’est à l’abri, non ?

 

Mais, dans ce cas, dites-moi, les faibles… sont-ils de gauche ou de droite ?

Gior Gio
Gior Gio

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com