Pour ou contre les caméras portées sur le corps des policiers ?

Pour ou contre les caméras portées sur le corps des policiers ?

Je suis contre.

Non aux caméras et oui à la parole du policier assermenté.

Les rajouts successifs de combinaison et de matériel divers n’annoncent rien de bon dans ce métier de l’humain. Ils peuvent soumettre le policier à une forme d’esclavagisme technologique. Suivant cette logique, l’agent des forces de l’ordre sera bientôt remplacé par des robots.

En même temps, je comprends tellement bien cette inclinaison technique. Elle vient compenser un manque de confiance de la part de certains citoyens. Et mon petit doigt me dit que plusieurs d’entre- eux n’ont peut-être pas tout à fait tort… Je connais aussi, de cas en cas, les dérives de policiers recrutés par faiblesse ou incompétence, frustrés et violents. A cela s’ajoute, parfois, des formations lacunaires et une responsabilité diluée dans une pléthore d’échelons hiérarchiques.

Sous le joug de ces lacunes, je préfère encore que la majorité des agents puissent porter une caméra sur eux et faire valoir une preuve d’innocence après plainte du public ou doute de la hiérarchie.

Ou, à l’inverse, que le pouvoir judiciaire et mieux encore, qu’une instance neutre et indépendante, puisse démontrer la malveillance ou la maltraitance commise par une minorité d’agents.

En troisième voie, l’enregistrement son et image pourrait être utilisé en formation afin de corriger des maladresses, le cas échéant. L’erreur n’étant pas la faute ; traitée aux côtés de ses pairs puis corrigée, elle permet de progresser. Alors que la faute doit être sanctionnée.

C’est pourquoi j’ai une condition au refus d’en rajouter sur le poitrail du policier : avoir la certitude que les gestes de ce dernier obéissent aux fondements démocratiques et aux valeurs universelles de notre Etat de droit. Aujourd’hui encore, des policiers recruteurs et instructeurs semblent se moquer de notre Constitution, celle-là même qui justifie leur existence et les emploie. Et, à voir les tatouages et signes de mort ou de violence sur la peau et sur les doublures d’uniformes de ces quelques policiers, malheureusement encore trop nombreux, je crains que nos corporations héritent de caméras, tôt ou tard.

 

Frédéric Maillard

Frédéric Maillard, socio-économiste, accompagne les nouvelles gouvernances d’une dizaine de corporations policières suisses. De 2005 à 2015, il a analysé les pratiques professionnelles de 5000 agent-e-s. Depuis, il partage publiquement son diagnostic, commente l’actualité et propose des innovations. fredericmaillard.com