1) L’isolement se rapproche dangereusement *
18 mois après le vote du 9 février 2014, qui a vu la Suisse attaquer frontalement la libre circulation des personnes, socle des accords bilatéraux, aucune issue ne se dessine. Au contraire, les évolutions en cours montrent une aggravation de la crise.
Côté suisse, la loi de mise en œuvre élaborée par le Conseil fédéral ne résout rien. Elle prévoit notamment des contingents applicables aux pays européens, pour autant que l’UE les accepte. Or, nous le savons, cette condition est irréalisable.
De plus, la question de la Croatie n’est nullement réglée. Suite à la votation, la ratification de l’accord de libre circulation des personnes avec le 28e Etat membre de l’UE a été suspendue. Certes, un arrangement provisoire a été trouvé pour compenser cette discrimination, mais aucune piste n’est avancée pour trouver une solution durable.
Côté européen, les responsables ont tous répété que le principe de libre circulation des personnes n’était pas négociable. Ni des contingents, ni la préférence nationale, ni une clause de sauvegarde n’ont été déclarées compatibles avec ce principe fondateur de l’UE.
De plus, l’UE n’entend pas poursuivre l’addition d’accords sectoriels. Elle ne signera aucune nouvelle convention avec la Suisse sans l’instauration d’un cadre institutionnel transversal, garantissant la reprise du droit européen et de son interprétation.
Dans l’immédiat, seul un dialogue sans calendrier avec la Suisse est prévu. Aucune négociation n’est en cours et aucun mandat de négociation n’est en chantier.
Or, les articles adoptés en 2014 prévoient l’introduction de contingents et de la préférence nationale par voie d’ordonnances si la loi d’application n’est pas en vigueur d’ici à 2017.
Dans ce contexte, il paraît évident que le risque d’un rejet effectif de la libre circulation des personnes, synonyme de rupture des accords bilatéraux et d’isolement de la Suisse, grandit chaque jour.
2) Le silence sur l’Europe est un déni de démocratie
Cette crise, qui s’aggrave sans perspective de solutions, crée des tensions graves :
Elle divise les Suisses, incapables de gérer les conséquences de leurs propres décisions. Elle pénalise l’économie, qui craint d’être déstabilisée par des problèmes de recrutements, voire par une rupture des accords bilatéraux. Elle menace la recherche et l’innovation, tant qu’une solution durable à la question de la Croatie n’est pas trouvée. Elle maintient des tensions dans les cantons voisins de l’Europe.
Or, seul le silence répond à toutes ces incertitudes !
Alors que la Suisse s’apprête à renouveler les Chambres fédérales, cette « tabouisation » de la crise européenne est en train de devenir un déni de démocratie.
On peut comprendre la réticence des partis à fournir des solutions précises à une crise où les variables sont nombreuses. Mais on ne peut accepter qu’ils escamotent par confort un thème qui touche à l’identité et au destin de la Suisse.
On peut comprendre la prudence juridique du Conseil fédéral, confronté à des devoirs contradictoires, mais on ne peut accepter sa désertion politique, tant en termes de stratégie que de communication.
Dans ce sens, la désignation d’un négociateur en chef, si qualifié soit-il, donne l’impression que le Conseil fédéral chercher d’abord à gagner du temps et surtout à se protéger.
Plus grave, les pressions effectuées par le Conseiller fédéral Schneider-Amann sur une association qui défend l’ouverture de la Suisse ne sont simplement pas acceptables.
Pourquoi le Conseil fédéral craint-il le débat démocratique ? Pourquoi ne soutient-il pas le camp de l’ouverture ? Pourquoi ne prépare-t-il pas l’opinion à un nouveau vote européen qu’il sait inéluctable ?
Pour le Nomes, ce silence collectif doit être rompu, parce qu’il est à la fois dangereux et anti-démocratique.
La Suisse, qui se veut une démocratie modèle, ne peut aborder les élections fédérales sans un débat de fond sur son destin européen, où tous les acteurs politiques se positionnent clairement.
3) Deux propositions concrètes du Nomes
Le 10 mai 2014, aux Etats généraux européens de Berne, le Nomes a été le premier mouvement à demander un « vote de clarification », permettant aux citoyens de se prononcer sans ambigüité sur la relation de la Suisse avec l’UE.
Par la suite, le Nomes a présenté une feuille de route esquissant diverses pistes pour sortir de la crise.
Aujourd’hui, compte tenu des risques aggravés d’isolement, le Nomes avance deux propositions concrètes :
Deux traitements de la crise sont possibles. Le premier se situe à l’échelon législatif, avec la loi d’application de l’article 121a. Sur ce plan, le Nomes demande au Parlement d’adopter une loi qui, d’une part, préserve les accords signés avec l’UE et, d’autre part, intègre la Croatie dans le dispositif législatif.
En effet, il ne sert à rien d’adopter une loi qui protégerait nos relations avec l’UE, sans que les 28 Etats membres soient pris en compte. Discriminer un Etat maintiendrait la crise ouverte.
Une telle loi susciterait probablement un référendum des nationalistes. Mais celui-ci peut-être gagné, notamment parce qu’il se jouerait uniquement à la majorité du peuple.
Par ailleurs, même si une loi parvient à limiter les effets de l’article 121a, ce dernier maintiendrait dans la Constitution une attaque potentielle contre la libre circulation des personnes. De plus, si elle n’est pas retirée, l’initiative RASA devra être votée.
Par conséquent, le traitement du problème à l’échelon législatif ne dispense pas la Suisse d’une clarification à l’échelon constitutionnel.
Sur ce plan, le Nomes propose qu’au moment voulu un contre-projet soit opposé à l’initiative RASA. A l’abrogation pure et simple de l’article 121a préconisée par RASA, le Nomes demande d’opposer un amendement stipulant en chiffre 5 « Sont réservées les relations entre la Suisse et l’Union européenne ».
Le peuple pourrait ainsi choisir entre supprimer les dispositions contre l’immigration ou soustraire l’Union européenne de leur champ d’application.
Dans tous les cas de figure, on constate que de nouvelles votations européennes sont inévitables. Il est donc urgent de les préparer.
4) Le retour de l’intégration européenne
L’attentisme et le silence actuels n’apportent aucune solution et ne font pas gagner du temps, mais aggravent la crise, en accentuant les incertitudes et les tensions.
De même, le statu quo n’est pas possible. D’une manière ou d’une autre, la Constitution doit être appliquée. De plus, l’Union européenne attend de savoir ce que la Suisse veut mettre en œuvre s’agissant de la libre circulation des personnes. Enfin, l’économie et la société suisse ont besoin que les incertitudes sur le destin européen du pays soient levées.
Or, pour éviter la rupture, l’immobilisme ne suffit plus. Sortir de la crise générée par la votation du 9 février 2014 implique d’oser faire un pas en avant.
En particulier, il convient de rappeler que la fameuse « voie bilatérale », que tant veulent « sauver » n’existe plus dans la forme actuelle. Pour que de nouveaux accords entre la Suisse et l’Union européenne puissent voir le jour, un nouveau cadre institutionnel transversal doit organiser la reprise et l’interprétation du droit européen.
C’est donc un pas supplémentaire dans l’intégration que les Suisses devront immanquablement effectuer s’ils veulent préserver le bilatéralisme. Et pour que ce nouveau seuil soit franchi, il est évident qu’une campagne permanente en faveur d’une Suisse plus européenne doit être conduite.
Par ailleurs, les grands problèmes du continent, comme l’afflux de réfugiés fuyant la guerre, montrent clairement que l’Europe a besoin de plus d’intégration, plus de coopération, plus de solidarité pour faire face aux défis du siècle.
Sur le dernier point, la comparaison entre l’Allemagne et la Suisse est particulièrement cruelle. La première préconise des quotas pour accueillir les réfugiés fuyant la guerre, quand la seconde rêve d’en établir pour refuser des travailleurs européens.
Pour le Nomes, il est temps que ce repli xénophobe soit combattu par une vraie promotion des coopérations européennes. Et cette démarche de promotion de l’intégration doit se poursuivre à long terme, jusqu’à l’adhésion pleine et entière, seule solution permettant à la Suisse de défendre dignement ses intérêts sur son propre continent.
Intégrer la Croatie dans une loi protégeant les relations européennes, permettre au peuple suisse de choisir entre l’abrogation du 121a et son amendement ; reprendre un discours favorisant l’intégration européenne sont les trois revendications prioritaires du Nomes.
5) L’attentisme crée des situations explosives dans les cantons frontaliers
Pour le Nomes, l’attentisme n’est plus possible. La Suisse soit sans tarder se positionner clairement sur la libre circulation des personnes. Dans ce sens, les déclarations du Conseiller fédéral Burkhalter indiquant qu’une solution ne serait peut-être pas trouvée d’ici à 2017 et que cela n’avait guère d’importance sont inquiétantes.
Les incertitudes actuelles pénalisent l’économie, mais elles créent aussi des situations ingérables dans les cantons frontaliers.
Ainsi, dans le canton du Tessin, des mesures ont été prises contre les travailleurs frontaliers, non conformes avec les accords européens existants. Ces discriminations ont aussitôt suscité les protestations du gouvernement italien.
Les mouvements populistes profitent des incertitudes actuelles et du « vide politique » à l’échelon fédéral pour développer un discours haineux dans les cantons frontaliers. A Genève aussi, ce phénomène est visible.
Plus la Suisse attend pour régler la crise européenne qu’elle a elle-même ouverte, plus le risque de voir des situations explosives se développer dans les zones sensibles du pays grandit.
C’est une erreur de croire que les cantons peuvent attendre indéfiniment un règlement des questions liées à la libre circulation des personnes. Le « vide politique » actuel complique leur tâche et favorise le développement des mouvements populistes dans les zones frontalières.
6) Les candidats aux élections fédérales souhaitent s’exprimer: le Nomes leur en donne la possibilité !
Aujourd’hui, le Nomes apporte une contribution directe à cette défense de l’intégration. Il rompt le silence européen qui nuit au bon déroulement démocratique des élections fédérales 2015.
Pour cela, il a lancé une nouvelle plateforme internet (www.elections15.eu) sur laquelle les candidats aux élections fédérales ainsi que toutes les personnes intéressées peuvent exprimer leur position sur la question européenne. En outre, grâce à une fonction de filtre, chaque visiteur de la page peut savoir qui sont les candidats qui s’engagent dans son canton.
Parallèlement, le Nomes organise un grand cycle de conférences dans les plus grandes villes de Suisse du 16 septembre au 8 octobre prochains. A peine les invitations envoyées, de nombreux candidats avaient répondu présent, montrant ainsi la volonté et le besoin de ceux-ci de s’exprimer sur le futur européen de la Suisse.
Enfin, afin d’améliorer la visibilité de ses actions, le Nomes lance également un nouveau site internet (www.europa.ch). Ce dernier est un instrument important pour la communication du mouvement et il incarne la volonté du Nomes d’avancer vers de nouveaux objectifs européens.
* Texte de la conférence de presse du 9 septembre