Le temps du courage

 

Nombre de commentateurs et d’acteurs politiques suisses ne savent que faire de la bérézina d’Ecopop, si ce n’est attendre.

Certains croient au retour du bon vieux temps. « Le peuple suisse a retrouvé sa sagesse, la raison gouverne à nouveau le pays », pensent-ils en remettant la tête dans le sable, comme l’autruche dès que le danger s’éloigne de quelques pas.

Or, dans une société de la communication où les nouvelles technologies noient l’opinion sous des flux continus d’informations décontextualisées et d’émotions contradictoires, le droit d’initiative est devenu un sondage aléatoire. Rien n’est jamais sûr, aucun repère n’est durable, chaque décision peut-être balayée demain par son contraire.

De surcroît, les résultats, toujours plus fruits de l’instant, se laissent difficilement interpréter. Qu’a voulu le peuple en disant oui le 9 février ? Stopper la croissance ? Freiner drastiquement l’immigration ? Casser l’intégration européenne ? Et quel signe contraire donne aujourd’hui l’échec d’Ecopop ?

L’initiative populaire était parfaite, tant qu’elle échouait systématiquement. Autrefois, il fallait une bonne dizaine d’années pour que l’une d’entre elles franchisse miraculeusement la barre du peuple et des cantons. Autrement dit, n’en déplaisent à ceux qui souhaitent se rendormir, la Suisse n’évitera pas une remise en question d’un instrument pensé au 19ème siècle, qui se dissout peu à peu dans la vague virtuelle de la bavardocratie.

D’autres partisans de l’inaction ne veulent tirer du naufrage de l’initiative d’Ecopop que la nécessité de mettre en œuvre celle contre l’immigration de masse, sans profiler de stratégie nouvelle.

Certes, le non massif de dimanche ne corrige pas le petit oui de février. L’article 121a reste solidement inscrit dans la Constitution fédérale. Les relations avec l’Union européenne sont toujours bloquées.

Pour autant, la force du rejet laisse supposer que de nombreux citoyens s’inquiètent d’un éventuel isolement de la Suisse. En tout cas, il est possible de trouver dans son ampleur une ouverture pour préparer un vote de clarification sur les relations européennes.

Oser dire que l’exercice du droit d’initiative appelle un débat de fond. Oser proposer une feuille de route pour renouer des relations étroites, solides et durables avec l’UE, ces deux attitudes responsables devraient l’emporter sur l’attentisme. La fin d’Ecopop ouvre le temps du courage.

François Cherix

Spécialisé dans la communication politique, François Cherix travaille depuis des années sur la réforme du modèle suisse, l'organisation de l'espace romand, la question européenne, les liens entre politique et médias. Essayiste, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreuses analyses. Socialiste, il a été membre de l'Assemblée constituante vaudoise et député au Grand conseil. Aujourd'hui, il est co-président du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes).