Dans le dossier européen, le Conseil fédéral tente de trouver une solution à la question institutionnelle. Son idée de recourir à la Cour européenne de justice pour régler un éventuel différend entre la Suisse et l’Union a le mérite d’exister.
La faiblesse de cette proposition tient au fait que la Cour ne donnerait qu’un avis de droit, sans effet contraignant. Ainsi, les actuelles incertitudes juridiques seraient remplacées par une autre forme d’incertitude, qu’il faudrait bien lever d’une manière ou d’une autre. En outre, rien ne permet d’affirmer que cette juridiction puisse accepter de jouer un rôle purement consultatif.
Rien n’est donc joué. Et la stratégie en cours laisse dubitatif. Par contre, une certitude s’impose. La stigmatisation des « juges étrangers » orchestrée cet été par les nationalistes relève du délire.
Inutile de revenir sur l’importance du droit international. Différentes contributions ont montré son intérêt pour la Suisse, notamment L’Hebdo dans son édition de fin août.
Reste un point essentiel qui n’a pas été vu. Les Suisses qui refusent de se soumettre aux appréciations de « juges étrangers » nient l’indépendance de la justice. En fait, ils entendent « nationaliser » l’application du droit.
Autrement dit, on souhaite des magistrats de même nationalité parce qu’un retour sur investissement est attendu d’un compatriote. Un peu comme si une cause impliquant l’Etat de Vaud gagnerait à être tranchée au Tribunal fédéral par des Vaudois, susceptibles de favoriser leur canton.
Certes, un juge est un homme avec sa culture et son histoire. Mais le principe même de la justice consiste à neutraliser cette part de subjectivité, au profit d’une application impartiale du droit. Dans cette optique, un juge Portugais compétent vaut mieux qu’un Zurichois mauvais juriste.
Les nationalistes suisses rêvent d’une étrange justice, où la couleur du drapeau primerait sur la qualité du dossier. Faut-il leur rappeler que l’indépendance de la justice constitue l’un des piliers de la démocratie ?