Kit de survie

On trouve de plus en plus de textes d’anticipation (voir quelques propositions ci-dessous) s’appuyant plus ou moins sur certaines prédictions du GIEC ainsi que sur des faits historiques transposés à notre époque, qui décrivent notre avenir en tant qu’être humain occidental.
Habitués comme nous le sommes à bénéficier d’une liberté individuelle qui ne s’arête plus depuis longtemps là où commence celle de l’autre, ainsi qu’à une accessibilité sans limite -si ce n’est financière- à tous les biens de consommations et aux loisirs, ces prédictions ne sont guère radieuses. Elles évoquent des restrictions, une relocalisation forcée, des déplacements restreints et des changements d’habitudes radicaux et non choisis. Mais, surtout, elles rappellent que la principale conséquence des dégradations environnementales qui ont déjà commencé sera la violence physique qu’accompagnera tout une série de crises sociales.

Parmi les ouvrages consultés, Dans la forêt, un livre de littérature jeunesse écrit par Jean Hegland en 1996 (version anglaise, traduite en français en 2017), m’a particulièrement interpellé. Peut-être parce que, les deux héroïnes vivant dans un grand isolement, la violence, bien que sous-jacente et responsable de leurs plus grandes décisions, n’est pas omniprésente. Mais certainement parce que les deux protagonistes, livrées à elles-mêmes dans un monde où les biens de consommation usuels ne sont plus accessibles, doivent apprendre à se débrouiller par elles-mêmes. Et cet apprentissage est ardu car, ni l’une (sensée intégrer Harward à la rentrée universitaire) ni l’autre (destinée à rejoindre le Grand Opéra) n’ont jamais été sensibilisées aux bases d’une survie en autarcie. Pire, bien que vivant à côté d’une immense forêt, celle-ci n’est présentée par leurs parents que comme un lieu rempli de dangers qu’il faut absolument éviter.

Confrontées à leurs ignorances, elles doivent alors réapprendre tous les savoirs qui étaient, pourtant, ceux de nos grands-parents (je parle pour ma génération…). Savoirs, connaissances, compétences qui ont été très vite oubliés dès que l’industrialisation a vu le jour et que les échanges commerciaux ont transformé, voire évincé nos échanges sociaux.

Impliquée dans l’enseignement, ces réflexions ont suscité en moi un grand questionnement. Bien sûr, apprendre à utiliser, voire programmer un ordinateur est essentiel dans un monde comme le nôtre. Mais si l’énergie venait à manquer, autrement que par quelques coupures intempestives, que deviendraient nos ordinateurs et notre incessant recours à tous les “tutos” que propose Internet ? Et si nos biens de consommation et notre nourriture ne parvenaient plus jusque dans nos super-marchés? Serions-nous capables de les produire par nous-mêmes? Quels devraient être nos savoirs, nos connaissances et nos compétences pour continuer à vivre  en créant une société  basée sur une autre reconnaissance que celle, économique, que nous connaissons aujourd’hui?

Bien qu’ayant déjà certaines idées à ce sujet que je partagerai dans un prochain article, je serais intéressée à connaître les vôtres. N’hésitez pas les formuler dans les commentaires. Je me ferai un plaisir de les publier, pour autant qu’elles soient formulées dans un esprit constructif et respectueux.

Quelques ouvrages qui m’ont inspirée:

Interview de Michel Lussault par Guillaume Lamy, 05.03.2019: https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-a-quelles-crises-faut-il-sattendre-en-2050

 

Francine Pellaud

Professeur à la Haute école pédagogique de Fribourg, Francine Pellaud s'intéresse aux compétences nécessaires aux élèves pour aborder sereinement et avec créativité les incertitudes de ce XXIe siècle.

3 réponses à “Kit de survie

  1. Vous avez raison de souligner la fragilité de notre société moderne qui repose (trop?) sur des outils technologiques qui pourraient très bien faire défaut un jour ou l’autre. Que restera-t-il alors accessible de toutes nos connaissances accumulées sur ces supports précaires? Même sans catastrophe, la simple évolution des techniques fait que des données stockées sur certains supports deviennent en peu de temps irrécupérables; qui a encore la possibilité de nos jours de lire une ancienne disquette d’ordinateur?! Tant qu’on a la possibilité et le temps de transférer les informations sur un nouveau support, le mal n’est pas trop grave, mais que ce passerait-il en cas d’événements graves qui verraient lesdits supports ou les machines censées les lire détruits avant que le informations qu’ils contiennent aient pu être sauvés de manière plus pérenne? Quand on pense qu’on peut encore après plus de 4000 ans retrouver des trésors d’information sur l’Egypte Antique en lisant des hiéroglyphes profondément gravés dans la pierre! Que restera-t-il d’accessible sur notre civilisation dans 4000 ans?

  2. Je recommanderai plutôt la lecture de 1984 de Georges Orwell pour rappeler à certains que la liberté est tenue et que sous couvert d’écologie certains tentent de régenter nos vies et contrôler nos actes, déplacements et sphère privée (lire les discours et propos de S. Rousseau de EELV).
    Le retour à une dictature écologique digne de l’ex URSS ou RDA n’est plus très loin.
    La mise en place d’un quotient social en Chine et les velléités de certains vers chez nous de mettre en place des quotas dev voyage et autres restrictions nous rapproche de plus en plus de 1984…. Bonne lecture

    1. Vous esquivez la question au nom d’une liberté individuelle qu’il s’agit de questionner. Où doit-elle s’arrêter? Apprenons-nous vraiment à la gérer ou simplement à l’utiliser, en bon consommateur/trice que nous sommes dans nos sociétés occidentales? Voilà peut-être un outil à mettre dans notre kit de survie: apprendre à utiliser notre liberté individuelle tout en respectant celle de l’autre, l’autre s’étendant également au monde naturel. Tout cela pour éviter toute dictature, qu’elle verte ou d’une autre couleur…

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