Les trois premiers posts sur ce sujet portaient sur le français, les sciences humaines et sociales et les sciences de la nature et les mathématiques. Aujourd’hui, je vous propose quelques idées pour aborder les langues seconde et troisième, ainsi que les arts. Pour terminer, je vous proposerai un petit bilan sur toutes les compétences hors disciplines qui auront pu être développées au travers des propositions que je vous aurai faites, pour autant que vous les ayez appliquées au travers d’une pédagogie qui s’éloigne du cours traditionnel fait devant sa classe.
Développer son ouverture au monde, son empathie, sa créativité.
En Suisse, la langue seconde (pour les francophones) est l’allemand, et la troisième, très souvent, l’anglais, bien que le choix d’une autre langue puisse être fait. Peu importe. Les propositions qui suivent peuvent être réalisées avec n’importe quelle langue.
Tout d’abord, il est intéressant de voir comment les médias des autres pays parlent du Covid-19 et de ses répercussions. Qu’il s’agisse de vidéo, d’articles, en ligne ou dans un journal papier, de récoltes d’informations lors des bulletins officiels, tant à la radio qu’à la télévision, les élèves ont en charge de s’informer sur un sujet précis pour en rendre compte aux autres. L’identification des sources d’information sera un “contrôle” suffisant pour justifier du travail.
Une différenciation peut être faite dans le choix des thématiques, certaines étant nettement plus faciles à aborder et comprendre que d’autres. Penser donc à adapter au niveau réel des élèves. Par exemple, un premier groupe va s’occuper des mesures officielles édictées par les différents états où l’on parle la langue étudiée. En l’occurrence, pour nos exemples, l’Allemagne ou l’Angleterre. Ce travail est certainement le plus simple à réaliser. Un deuxième groupe peut s’intéresser à la manière dont ces mesures sont évaluées et vécues par les citoyens de ces pays. Un tour sur les forums de discussion, sur les vidéos réalisées pour promouvoir ou critiquer ces mesures, sur les commentaires des journaux nationaux sont des pistes possibles. Un troisième groupe peut compléter les réflexions menées en mathématiques sur “l’immunité de masse” en allant chercher directement dans les discours officiels les arguments utilisés par les politiciens pour justifier leur vision et les polémiques que cela suscite dans la réaction des autres états ou au sein même de leurs concitoyens.
Si ces recherches sont trop conséquentes ou ne sont pas à la portée de vos élèves, ou si vous désirez compléter ce travail par des échanges plus conviviaux et moins axés sur les politiques, n’oubliez pas la vieille tradition des échanges entre élèves de deux classes. Trouver une classe en Allemagne ou en Grande-Bretagne, voire aux USA, et proposer des échanges entre élèves pour que les uns comme les autres découvrent comment ces mesures sont vécues d’un côté de la frontière et de l’autre. Echanges par visio si possible, en laissant une grande liberté dans ces échanges pour que les élèves se découvrent, en dehors des contraintes et des préoccupations scolaires. Aiment-ils les mêmes jeux on-line? Ce peut être une occasion de se découvrir un·e partenaire pour parler dans une autre langue tout en jouant. Partagent-ils la même passion sportive? Vivent-ils les mêmes soucis avec leur frère ou soeur, leurs parents, les voisins qui ne supportent pas le bruit, etc.? Une bonne occasion de découvrir le bonheur de l’échange sans l’incessante épée de Damoclès de l’évaluation pendue au-dessus de leurs têtes.
Un retour sur ces échanges permettra à tout le monde de mieux connaître ce qui se passe ailleurs, bien sûr dans la langue travaillée. L’occasion aussi de se rappeler que, parler une langue, c’est d’abord parvenir à échanger des idées, avant de ne faire aucune erreur grammaticale ou de syntaxe…
Du côté des arts, la place de l’artiste peut être questionnée. Dans l’absolu d’abord, et dans la situation particulière liée au Covid-19 ensuite. Qui connaît des artistes travaillant sur ce sujet? Qui sont-ils? Pourquoi le font-ils? Quel est leur message?
Enormément d’artistes se sont mobilisés pour mieux faire respecter les mesures d’hygiène. Une recherche permet de mettre en évidence les styles utilisés, les langues parlées, la manière de s’adresser aux publics. Comme exemple, voici les artistes Sénégalais: https://www.jeuneafrique.com/914537/societe/au-senegal-les-artistes-se-mobilisent-pour-lutter-contre-le-coronavirus/.
D’autres focalisent sur le respect et la reconnaissance que l’on doit au corps médical, mais aussi à tous ceux qui assurent le fonctionnement au quotidien, à commencer par les caissier·e·s de supermarché. https://www.lexpress.fr/culture/musique/coronavirus-comment-les-artistes-assurent-le-spectacle-pendant-le-confinement_2121847.html ou http://www.leparisien.fr/video/video-coronavirus-l-hommage-des-artistes-francais-aux-soignants-27-03-2020-8289252.php.
Enfin, ceux qui parlent de leur manière de vivre le confinement: https://www.youtube.com/watch?v=QXp8RcObYSs.
Cette dernière catégorie, plus représentée par des youtoubeurs que par de “vrais” chanteurs, nous permet de faire le lien avec la place de l’humour pour dépasser les situations dramatiques. Comment est perçu l’humour? Est-il une forme d’art? A quoi sert-il? Peut-on rire de tout, comme le fait un Charlie Hebdo, par exemple?
Tout comme je le proposais dans le deuxième post avec la réalisation d’un “best of” de la meilleure manière dont les réseaux sociaux, les youtubeurs ou autres artistes prônent le confinement et les règles d’hygiène, on peut imaginer créer une gallerie des meilleurs dessins ou images humoristiques portant sur la pandémie et ses conséquences. Par exemple, cette image que j’ai reçue par wattsapp au moment où les Français recevaient l’autorisation de sortir avec leur animal de compagnie :
On peut tout à fait imaginer prolonger cette réflexion en proposant un concours de photos ou de dessins ou tout autre montage, réalisés par les élèves eux-mêmes.
Du côté activités créatrices, on peut également imaginer demander aux élèves de créer une “oeuvre” qui illustrerait leur perception ou leur ressenti durant ce confinement. Les pousser à utiliser les matériaux qu’ils peuvent trouver sans sortir de chez eux, bien sûr, pour réaliser un objet en 3D dont ils feront une photographie à partager.
Quelles compétences hors discipline les élèves auront-ils eu l’occasion de développer durant cette période d’enseignement à distance?
Il y a d’abord l’agilité à utiliser les technologies de l’information. J’avoue que j’admire la capacité de mes enfants et de leurs ami·e·s à manier plusieurs outils en parallèle afin d’augmenter leur rapidité et leur capacité à travailler ensemble. Il n’est pas rare que, pendant un cours, ils suivent ce qui est proposé par leur enseignant sur leur ordinateur, tout en discutant les questions posées sur leur téléphone avec leurs camarades de classe. De là à ce qu’ils cherchent en même temps des informations sur leur tablette, il n’y a qu’un pas…
Si les contacts sont, certes, virtuels, il faut avouer que ceux-ci se sont multipliés. Avec leurs camarades d’abord, ce qui est important et tout à fait normal, mais également avec les membres de la famille, les grands-parents que l’on ne peut plus voir, les tantes qu’on devait inviter à Pâques, les oncles âgés pour qui on a peur d’une contagion, etc. Des compétences émotionnelles exacerbées grâce aux liens tissés avec des personnes peut-être hors de son entourage proche lors des exercices journalistiques ou à travers les échanges avec un·e élève d’un autre pays. Des émotions liées au sentiment d’empathie, à la solidarité, à la possibilité d’exprimer ses propres ressentis et les comparer à ce que peuvent ressentir les autres.
Liée à la demande de recherches individuelles ou en groupe, d’objectifs à atteindre en un temps donné, de projets personnels à mener à bien, l’autonomie dans la gestion et l’organisation de son travail a normalement pu être développée. Celle-ci est un gain très important dans le développement de la confiance en soi, en sa capacité à réaliser un travail, à découvrir par soi-même, à apprendre. L’occasion aussi, pour certains du moins, de découvrir la manière la plus efficace de travailler, cet “apprendre à apprendre” si important pour gagner en efficacité et en plaisir.
Si toutes les étapes proposées, ou du moins une bonne partie de celles-ci ont été réalisées, la compréhension de la complexité du monde et de ses interactions aura certainement grandement progressé. De cette compréhension peut naître une plus grande capacité à prendre des décisions et à se responsabiliser dans ses choix.
A travers les débats, les jeux de rôles, les exercices d’anticipation, leur partage et leur construction à plusieurs, c’est non seulement la coopération et la capacité à se projeter dans un avenir incertain, à construire, à accepter les changements, voire à y participer qui se développe, mais également la perception du besoin de développer l’intelligence collective, telle que la préconise François Taddei, afin de dépasser nos propres limites cognitives et sortir des paradigmes qui nous enferment. Ceci pour devenir réellement créatif et innovant, tout en adoptant une éthique nécessaire à l’apparition d’un mieux vivre ensemble dans un monde où le respect de la vie, de toute vie, serait la valeur première.
Mais qui donc a écrit cet article? Pas une prof j’espère? Sinon a-t-elle entendu parler des programmes? De la fracture numérique dans certaines zones? Des préconisations en terme d’usage des données? Apparemment non. C’est donc avec cela, et plus, que nous devons fonctionner. Il ne s’agit pas seulement de divertir les élèves, ça, on pourrait le faire sans problème. Il nous faut les preparer à leur futur examen, à distance. Des suggestions?
Si, si, je suis prof! Et très au courant des programmes et de la fracture numérique. Mais peut-être n’avez-vous pas lu les trois premières parties de ce blog -qui suggèrent justement des activités hors connextion-, activités, certes toujours en lien avec la pandémie, mais qui touchent toutes les “branches” habituelles des cours donnés au cycle 3 et au gymnase. Derrière ces connaissances qui ne font, bien sûr, pas partie des moyens d’enseignement officiel -comment pourraient-ils en faire partie puisqu’il y a quelques mois, on ne connaissait pas le Covid-19- , il y a des compétences à développer. Celles qui permettront à nos élèves, non seulement de passer des examens, mais de continuer d’apprendre tout au long de leur vie et de devenir des citoyens ayant un regard réflexif sur le monde qu’ils auront à découvrir. Et ce sont ces compétences que je propose de développer. Mais je n’oblige personne à suivre mes propositions et si vous préférez continuer à faire vos cours comme si le monde ne changeait pas, je n’y vois aucun inconvénient… sauf pour vos élèves.