Covid-19: SOS enseignants en détresse! Deuxième partie

Suite au post précédent, axé essentiellement sur des objectifs de français, les pistes que je propose aujourd’hui sont plus dirigées vers les sciences humaines et sociales. Reprenons. Le travail proposé aux élèves en français pour construire des textes d’anticipation peut être grandement facilité par des travaux d’investigation menés en parallèle dans différents champs disciplinaires. Pour donner plus de cohérence à l’ensemble de cette réflexion, un travail d’équipe au sein des enseignants serait des plus bénéfiques pour les élèves. Il permettrait de développer tout le potentiel que peut apporter une approche interdisciplinaire et donnerait plus de sens aux savoirs abordés. Mais cette coordination n’est pas non plus totalement indispensable.

Pour développer la pensée complexe, l’approche systémique, la prospective mais aussi l’esprit critique et la créativité.

Envisager le futur, comprendre si ce dernier peut être pensé en continuité ou en rupture avec le passé est plus facile lorsqu’on peut se référer à l’Histoire. Y a-t-il déjà eu des pandémies comparables à celles que nous vivons aujourd’hui? Qu’est-ce qui les rapproche et qu’est-ce qui les différencie? Et quelle est la part des échanges internationaux dans leur diffusion? Depuis la peste de Justinien en 541 en passant par les maladies apportées par les colons aux Amérindiens à partir de 1492, la peste de Londres en 1664, jusqu’au Covid-19, plusieurs grandes épidémies, voire pandémies, ont participé à modifier le cours de l’Histoire. Plusieurs sites donnent une vue rapide des pires pandémies au cours des siècles. J’en ai retenu 2, qui résument très bien ces différentes attaques et les situent dans leur contexte tout en apportant quelques éléments plus complexes :
https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=Les-pires-epidemies-du-monde
http://www.sympatico.ca/actualites/decouvertes/histoire/plus-grandes-epidemies-histoire-1.1661474

En fonction de l’autonomie des élèves à travailler à distance, on peut tout à fait imaginer que, par groupe, ils s’intéressent plus particulièrement à l’une de ces pandémies, et qu’ils réalisent un petit dossier qu’ils présenteront lors d’une séance en visio, sur Teams, Zoom ou Skype. A nouveau, en fonction de l’âge et de l’autonomie des élèves, des supports peuvent être ou non proposés et les exigences quant au contenu du dossier vont également varier et être adaptés. Des éléments simples comme l’époque (date), la ou les régions touchées, le nombre de morts, le type de maladie, la manière dont elle se transmet peuvent être complétés par des éléments plus difficiles à identifier tels que les moyens pour la combattre -ce qui peut conduire à prendre conscience de l’évolution de la médecine et de l’importance de l’hygiène- et la part des échanges commerciaux et ou internationaux dans sa diffusion. A ce propos, la pollution de l’air semble un facteur important de propagation du coronavirus:
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-pollution-air-autoroute-coronavirus-80173/

Une synthèse présentant ce qui les différencie et ce qui les rapproche peut être faite dans un deuxième temps, une fois les présentations de chacun réalisées. Un tel travail de recherche, de compilation et de mise en forme nécessite du temps. Ne stressez pas les élèves et laissez-leur assez de temps pour qu’ils découvrent aussi le plaisir de chercher et d’être curieux.

Parallèlement, en prenant appui sur la géographie -c’est elle qui, au cycle III, est chargée d’aborder les changements climatiques- il est tout à fait intéressant de se demander si le Covid-19 et les restrictions qu’il impose ne seraient pas une manière d’éviter d’autres catastrophes humaines mondiales tout aussi susceptibles de faire au moins autant de morts, voire plus que le Covid. En effet, l’arrêt brusque de la majeure partie des déplacements et des industries induit une diminution telle des émissions polluantes que celle-ci est visible même depuis les satellites. Parmi les nombreux articles à disposition, j’ai opté pour celui de France 24, qui offre des images vidéo de l’évolution de l’importance de la pollution.
https://www.france24.com/fr/20200322-la-pollution-de-l-air-diminue-avec-le-confinement-li%C3%A9-au-coronavirus

D’autres articles intéressants sur le sujet qui peuvent aider les élèves dans leurs recherches:
https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/moteur-de-recherche/segments/chronique/159280/covid-19-environnement-pollution-diminution-carbone
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/coronavirus-baisse-de-la-pollution-de-l-air-dans-le-nord-de-l-italie_142534
https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/13/le-coronavirus-un-repit-pour-la-planete_6032848_3244.html

Bien sûr, on est en droit de se demander si cet arrêt des activités doit être vu comme un avantage ou un inconvénient. A nouveau, se mettre dans la peau des autres est porteur de sens pour comprendre ses arguments et entrer en dialogue. On réalisera donc l’activité suivante.

Si possible par groupe, proposer la réalisation de cartes pour un jeu de rôle dont le titre serait: le Covid-19 pourrait-il permettre d’atteindre les objectifs de la COP? Plusieurs personnages peuvent être convoqués à ce débat: un·e représentant·e du GIEC (une présentation du GIEC et un résumé de leur rapport en vidéo sont disponibles sur: https://citoyenspourleclimat.org/2019/03/24/informations/), un·e représentant·e de l’ industrie, d’une compagnie aérienne, des parents de jeunes enfants, un·e représentant·e de “l’Affaire du siècle” (https://laffairedusiecle.net/qui-sommes-nous/), un·e économiste favorable au rapport Stern (wikipédia donne des informations de base intéressantes. Pour des infos actualisées sur ce rapport datant de 2006: https://www.actu-environnement.com/ae/news/Climat-et-economie-rapport-Stern-II-32094.php4), etc.

L’occasion de découvrir certaines instances comme le GIEC, et ce que sont les COP, des réflexions sur l’économie du climat avec le rapport Stern ou des mouvements citoyens tel que “l’Affaire du siècle” qui traîne un gouvernement en justice pour un problème sociétal, mais surtout de se mettre dans la peau des autres. Des arguments basés sur des faits, mais également des ressentis, des peurs ou encore des valeurs auxquelles on tient et que l’on veut défendre.
Pour réfléchir à cette vision systémique, le “monologue du virus” (dont je n’ai pas trouvé l’auteur) peut être un texte à décortiquer (je dis bien décortiquer, car la lecture n’est pas facile et les références très multiples) : https://lundi.am/Monologue-du-virus.

Une attention particulière sera portée aux sources utilisées. Chez les élèves plus jeunes, demander au moins de les identifier. Pour les plus âgés, en plus de l’identification, demander qu’ils vérifient la scientificité. Qui est l’auteur? Le site fait-il de la propagande? Si oui, jusqu’à quel point les informations données sont-elles fiables et s’appuient-elles sur des faits reconnus? Des pièges peuvent être proposés, comme par exemple des articles tirés de sites climatosceptiques ou dits “climatoréalistes”, dont les auteurs n’ont (dans la plupart des cas) pas de légitimité académique à parler du climat, même s’ils sont scientifiques par ailleurs.

Il est évident que le jeu de rôle ne peut être joué à distance. Le garder pour le retour en classe, ou alors demander à chacun de se positionner en tant que “spectateur du débat” à travers un texte ou, moins conséquent, à travers un forum, après que chacun ait pris connaissance des cartes argumentatives des autres. Cet échange devrait permettre de mettre en évidence les éléments suivants : quels sont les arguments qui me touchent ? Pourquoi ? Est-ce que je peux facilement prendre position ? Y a-t-il des ambiguïtés, des ambivalences face auxquelles je ne sais pas comment me positionner ? Et moi, au final, qu’est-ce que j’aimerais le plus voir comme évolution pour notre société ?

Cette dernière projection vers un avenir souhaité, loin des “yaka” et des “faukon” pourrait même faire l’objet d’une lettre ouverte au Conseil Fédéral ou à des instances plus proches, en fonction des propositions des élèves qui vont, bien évidemment être différentes selon leur âge et leur maturité.

Pour terminer ce post sur des propositions plus légères mais tout aussi sérieuses, on peut aussi imaginer proposer aux élèves de faire un “best of” de la meilleure manière dont les réseaux sociaux, les youtubeurs ou autres artistes prônent le confinement et les règles d’hygiène. Par exemple les vidéos de Squeezie ou de Norman (https://www.youtube.com/watch?v=9R1VO9xB0cE) ou des chansons revisitées, comme celle de Barbara par 2 médecins sur le front : https://www.youtube.com/watch?v=THPEGDAyOus.

Encore une fois, ces idées ne se veulent pas exhaustives et ne proposent que des pistes qu’il s’agit de développer. Les travaux proposés ci-dessus prennent du temps et doivent s’étaler sur plusieurs semaines si l’on veut que les élèves s’investissent pleinement dans ces multiples recherches. Sans devenir spécialiste de la question, les élèves auront certainement l’impression de mieux comprendre la situation, ce qui participe à diminuer le sentiment d’anxiété lié à sa non maîtrise. En développant ces connaissances autour de ce sujet omniprésent, ils peuvent également apporter un certain réconfort à leur entourage en ayant des références sérieuses et une réflexion poussée sur la situation que nous sommes tous en train de vivre.

 

 

 

 

Francine Pellaud

Professeur à la Haute école pédagogique de Fribourg, Francine Pellaud s'intéresse aux compétences nécessaires aux élèves pour aborder sereinement et avec créativité les incertitudes de ce XXIe siècle.