Covid-19: SOS enseignants en détresse! Première partie

Tous les élèves sont à la maison, mais comme bien précisé par les enseignants et les directeurs, ils ne sont pas en vacances. C’est normal et bienvenu. Par contre, comment s’y prend-on pour enseigner à distance ? Au vu de ce que j’ai pu observer cette semaine avec mes deux enfants (14 et 16 ans), les réponses à cette question ne semblent pas si simples à donner et, surtout, ne sont souvent pas à la hauteur de ce que l’on pourrait attendre dans ce monde super connecté. A cela, deux raisons principales : la connaissance que l’on a des outils qui permettent un enseignement à distance, et la vision que l’on a de ce que les élèves doivent apprendre.

Je ne vais pas m’attarder sur la première cause. Tout d’abord parce que cela dépend de la manière dont chaque institution envisage l’utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement, et des formations qui ont été offertes jusque-là pour maîtriser ces outils. Mais également parce que les outils ne font pas tout. En fonction de ce que l’on met derrière l’idée d’apprendre, on peut même imaginer se passer de ces béquilles que sont les environnements informatiques spécifiques. Ou, du moins, les utiliser avec modération pour que nos enfants ne passent pas toutes leurs journées derrière un écran. En outre, il serait dommage de ne pas varier les outils de communication.

Cette période exceptionnelle que nous vivons aujourd’hui est l’occasion de nous poser des questions fondamentales sur ce qu’il est nécessaire que les élèves apprennent. Quels sont les outils, les connaissances, les compétences nécessaires pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui et appréhender cette réalité de manière sereine en envisageant tous les possibles de demain? Car une chose est sûre : quelle que soit l’évolution de la situation, demain ne se fera pas dans la continuité d’hier. Alors? Qu’apprendre?

Sous forme de plusieurs petits posts, je vais tenter de proposer des pistes concrètes qui, je l’espère pourront inspirer certains enseignants.

 

Pour développer l’empathie, la solidarité et l’anticipation.

A l’heure où les personnes âgées sont confinées et éloignées de leurs descendances, où les indépendants se demandent comment ils vont payer leur loyer et où les petites entreprises craignent de devoir mettre la clé sous la porte, il est primordial de montrer que leur sort ne nous laisse pas indifférent. Quel que soit l’âge des élèves, il est alors tout à fait possible d’imaginer demander à chacun de prendre contact par téléphone avec une personne de son entourage, qu’elle fasse partie de la famille, du quartier, de l’immeuble, etc.

En fonction des objectifs d’apprentissage, de l’âge des élèves et de leur autonomie, on peut alors envisager que chacun rédige un “article” sur la personne contactée. Décrire sa situation, parler de ce qu’elle vit, de ce qu’elle ressent, de la manière dont elle envisage le futur. Le style, journalistique, vise à enrichir un journal, un blog ou un site, en fonction de ce que peut proposer l’enseignant. Cela demande de penser les questions de l’interview pour obtenir les renseignements dont on a besoin en tant que “journaliste”, mais également de penser à la personne à laquelle on va s’adresser pour trouver le “bon ton”, les formules, et être capable de partager véritablement avec elle la situation qu’elle est en train de vivre.

Pour travailler spécifiquement l’empathie et la décentration en ce temps de confinement en même temps que des objectifs de français, on peut aussi imaginer un texte en “si”. Si j’étais une personne de 86 ans…., si j’habitais dans un appartement de 3 pièces avec mes parents et mes 5 frères et soeurs…., si j’étais infirmier/ère….., si j’habitais à la campagne…, si j’apprenais que mes grands-parents étaient atteints du Covid-19…. etc. Les situations peuvent varier en fonction de l’environnement habituel de l’élève, pour l’amener à réaliser ce que vivent d’autres personnes. En fonction des objectifs, le style du texte peut varier, du simple récit en prose à la poésie en vers.

Quels que soient les pistes choisies, ce travail peut conduire à la réalisation d’un texte plus conséquent, dont le style, romanesque cette fois, va s’inspirer de ces descriptions vécues ou imaginaires pour développer une fiction faisant appel à une démarche prospective (capacité à anticiper et à se projeter dans le futur). Chaque élève, partant d’une situation unique, va proposer plusieurs scénarios conduisant à des dénouements différents. Pour chacun de ces scénarios, des valeurs vont présider aux choix des protagonistes. Quelles sont ces valeurs? Quelles sont celles qui, immanquablement conduisent vers une fin désastreuse et celles qui permettraient d’envisager un futur positif ou chacun·e trouverait sa place?

Ce travail d’anticipation peut être fait avec de jeunes élèves -dès 10 ans- et conduire à un véritable débat philosophique qui peut être mené sur un forum, soit sous forme écrite dans un document partagé (sur “moodle”, “google drive”, “dropbox”, “framapad”, “edupad”…), soit lors d’un moment en visioconférence (sur “teams”, “skype”, “claroline”, “switch” ou un autre support plus ou moins professionnel). Cet échange devrait permettre de mettre en évidence que l’évolution d’une situation dépend avant tout des valeurs des différents protagonistes et de la manière dont nous-mêmes envisageons de défendre ou non ces valeurs. Là encore, un travail individuel peut être demandé pour envisager ce que ces valeurs modifieraient dans notre vie de tous les jours si nous les vivions complètement.

Il est bien évident que ces pistes ne sont pas exhaustives. Mon prochain post se concentrera plus sur les sciences humaines et sociales et sur les sciences de la nature et les mathématiques.

N’hésitez pas à poser des questions si un point ou l’autre n’est pas clair ou si vous désirez des précisions dans la mise en oeuvre d’une piste proposée. Si vous avez vous-mêmes des idées, n’hésitez pas à les partager! Je me ferai un plaisir de les ajouter à un prochain post.

Une réflexion sur la manière de penser un enseignement à distance est également proposé dans cette vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=EXAz7oArsLA&feature=emb_logo

Francine Pellaud

Professeur à la Haute école pédagogique de Fribourg, Francine Pellaud s'intéresse aux compétences nécessaires aux élèves pour aborder sereinement et avec créativité les incertitudes de ce XXIe siècle.

4 réponses à “Covid-19: SOS enseignants en détresse! Première partie

  1. Felicitations, Francine, pour cette initiative concrète en ces temps si particuliers. J’espere qu’elle sera de nature à aider les enseignants et les enfants à faire de ces moments une expérience créatrice. Et comme tu le suggères, qu’elle contribuera à rapprocher les grands parents de leurs petits-enfants.

    1. Merci Philippe, oui, profitons de cette expérience hors norme et hors temps pour repenser nos habitus et faire d’elle un “plus” pour notre avenir.

  2. Bonjour, merci beaucoup pour ces quelques pistes et réflexions. Je découvre votre blog à l’instant. Bonne semaine à vous et salutations d’un ancien étudiant à la HEP Fribourg (2011-2014) 😉

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