Réchauffement climatique, biodiversité et productivité agricole, résistance à Varroa et hivernage de banques de reines
La deuxième journée commençait par un symposium principal consacré au changement climatique, animé par Etienne Bruneau, qui nous a tracé lors de sa présentation introductive une image assez inquiétante de la situation. Il a en particulier insisté sur les effets du réchauffement sur l’évolution des récoltes qui diminuent constamment depuis 20 ans dans le sud de l’Europe (région méditerrannénne), qui semblent demeurer stables dans le centre, mais qui augmentent dans le nord du continent. Par exemple, les producteurs de miel d’acacia (Robinier faux acacia), pour qui cette récolte était généralement assurée et profitable, se plaignent de réduction, voire d’absence de miellée sur cette plante dans le sud de la France.
On récoltera peut-être plus de miel en Scandinavie qu’en région méditerranéenne dans quelques décennies. Ceci pose toute une série de questions et peut-être de remise en cause de nos pratiques apicoles, d’isolation des ruches (aussi importante en été qu’en hiver), de sélection pour d’autres caractères. Le réchauffement climatique est définitivement un défi important pour les abeilles!
Le seconde intervention majeure de cette matinée fut celle de Lucas Garibaldi, un chercheur venu d’Argentine pour nous parler de l’importance de la gestion de territoire, de l’adjonction de haies, de bandes florales, de corridors pour la faune. Ses résultats sont renversants: en Argentine, sur des surfaces gigantesques de milliers d’ha, les études réalisées par Lucas et ses collaborateurs montrent que la productivité agricole augmente significativement (de l’ordre de 25%) lorsque l’on augmente la biodiversité, par exemple par des bandes florales, des haies, une gestion plus proche de la nature. C’est un résultat très encourageant sur lequel nous pouvons construire une relation différente de complémentarité et de confiance avec l’agriculture.
L’après-midi, j’ai bien entendu assisté au symposium sur les progrès accomplis dans le domaine de la résistance à Varroa. Dans cette session, les contributions majeures furent celles d’Ernesto Guzman, du Canada, dont l’objectif est la sélection d’abeilles présentant une faible croissance de Varroa au cours de l’année. Les résultats présentés étaient convaincants et ces travaux sont prometteurs. L’idée est de faire une sélection de masse à partir de 300 colonies et de ne conserver que celles qui présentent une faible croissance des populations de varroas. L’infestation par Varroa est mesurée au printemps et en automne par les chutes sur les fonds de ruche. En résumé, au départ (génération 0), les colonies présentent en moyenne dans leur étude une augmentation du nombre de Varroa d’un facteur 8 entre le printemps et l’automne, d’un facteur 10 après 2 générations pour les moins bonnes et d’un facteur 2 seulement pour les meilleures. Le mécanisme de résistance n’est pas connu, mais les colonies sélectionnées se caractérisent par une meilleure immunité, significativement moins de virus et plus de varroa mutilés sur les fonds de ruches.
La présentation d’Ernesto fut suivie de celle de Steve Rogenstein qui présentait le projet de suivi des colonies qui survivent sans traitements autour de la planète, un projet de COLOSS. La liste et la carte des populations survivantes peuvent être consultées à l’adresse: https://app.honeybeewatch.com. Une nouvelle population de ce type a été ensuite décrite en Norvège, par Melissa Oddie, une chercheuse d’origine canadienne et qui a fait un détour par la Suisse où elle a obtenu son doctorat à Berne, à l’Institut de l’abeille.
Puis, Fani Hatjina a présenté, un projet de sélection d’abeilles en Grèce à partir de la population crétoise. A l’image de l’expérience de l’île de Gotland dans le sud de la Suède, une population d’abeilles mellifères a été mise en place sur l’île de Gavdos au sud de la Crète. Installation difficile, mais projet à suivre avec espoir de produire des lignées d’abeilles crétoises qui survivent sans traitements. On a ensuite eu un résumé de l’expérience flamande avec les travaux bien connus autour de Paul Jungels. Enfin dans un autre symposium, Pierre Giovenazzo, ancien président d’Apimondia, a présenté un intéressant projet d’hivernage de banques de reines pour pallier au manque de reines au printemps et les produire localement plutôt que de les importer en masse comme d’est actuellement le cas au Canada.