L’impact réel des pesticides gravement sous estimé.

Selon une étude récente de Ralf Schuz et collègues parue le 2 avril 2021 dans la revue Science (Vol. 372, no 6537, pp. 81-84), l’impact réel des pesticides sur l’environnement serait gravement sous-estimé, parce que mal mesuré. En effet, la toxicité des nouvelles molécules comme les pyréthroïdes et les néonicotinoïdes peut, à quantité égale, être jusqu’à 10’000 fois plus nocive que celle du DDT, l’insecticide le plus notoire de l’histoire, développé vers la seconde moitié du 20ème siècle.

Voici en traduction le résumé de cet article: « L’impact des pesticides est généralement discuté dans le contexte des quantités appliquées, sans tenir compte des variations importantes, mais significatives pour l’environnement, de la toxicité spécifique de ces substances. Ici, nous interprétons systématiquement les changements dans l’utilisation de 381 pesticides sur 25 ans en considérant 1591 valeurs seuils de toxicité aiguë spécifiques aux substances pour huit groupes d’espèces non-cibles. Nous constatons que la toxicité des insecticides appliqués aux invertébrés aquatiques et aux pollinisateurs a considérablement augmenté – ce qui contraste fortement avec les quantités appliquées – et que cette augmentation est due aux pyréthroïdes et aux néonicotinoïdes qui sont hautement toxiques à très faibles quantités. Nous signalons également une augmentation depuis environ 2010 de la toxicité appliquée aux invertébrés aquatiques et aux pollinisateurs dans les plantations d’OGM, telles que le maïs génétiquement modifié et le soja tolérant aux herbicides. Nos résultats remettent en question les allégations de diminution des impacts environnementaux de l’utilisation des pesticides. »

Quelles conséquences pour la Suisse? Cette étude démontre clairement ce qui était évident dès la mise en oeuvre du Plan d’action Produits phytosanitaires, à savoir que la manière dont on mesure les risques liés à ces substances n’est pas adéquate. En effet, la politique de la Confédération helvétique vise à réduire les risques liés à ces produits. La mesure des volumes ou des quantités n’est manifestement pas la bonne approche, car elle ne tient pas compte de la toxicité spécifique par unité de volume ou de poids de substance active. De même, la communication des milieux qui clament les progrès réalisés sur la base des quantités utilisée est fallacieuse: l’étude citée ici estime que malgré une réduction de 40% des quantités utilisées, la nocivité a plus que doublé en 20 ans. Nous ne pouvons qu’inciter l’OFAG à revoir sa manière d’estimer les risques et à mettre à jour son plan d’action.

Francis Saucy

Francis Saucy, Docteur ès sciences, biologiste, diplômé des universités de Genève et Neuchâtel, est spécialisé dans le domaine du comportement animal et de l'écologie des populations. Employé à l’Office fédéral de la statistique, Franci Saucy est également apiculteur amateur et passionné, et il contribue par ses recherches et ses écrits à l'approfondissement des connaissances sur les abeilles et à leur vulgarisation dans le monde apicole et le public en général. Franci Saucy fut également élu PS à l'exécutif de la Commune de Marsens, dans le canton de Fribourg de 2008 à 2011 et de 2016 à 2018. Depuis mars 2019, Franci Saucy est rédacteur de la Revue suisse d'apiculture et depuis le 15 septembre 2020 Président de la Société romande d'apiculture et membre du comité central d'apisuisse Blog privé: www.bee-api.net

8 réponses à “L’impact réel des pesticides gravement sous estimé.

  1. Partout où on pratique la culture dite industrielle, basée essentiellement sur ce sempiternel rendement économique, le recours régulier aux intrants divers et variés, est à la source de diverses conséquences néfastes (santé des humains, des sols et de la faune). L’OFAG ne pourra s’opposer aux rendements car les exploitations agricoles ont aussi des charges financières auxquelles elles ne peuvent se dérober. Les instituts financiers n’ont malheureusement que faire de la santé de notre biosphère, a moins d’un changement de paradigme économique. La jeune génération qui nous suit, mais pas que, commence à avoir des exigences environnementales et commence déjà à le revendiquer avec diverses initiatives. La bonne vieille voie démocratique sera peut être la bonne.

    1. Bonjour,
      Oui, il est à espérer que la jeunesse aura le courage, la créativité et assumera la responsabilité de modifier profondément le fonctionnement actuel.
      Mais compte-tenu des différentes difficultés que cette jeunesse rencontre par ailleurs, elle aura besoin d’un grand soutien de ses aînés.
      Merci pour cet article.
      Signé d’un lecteur entre deux âges

  2. Bonjour Monsieur,
    Je vous remercie pour votre article. Je me demandais comment cette nouvelle étude est en lien avec la loi sur les phytosanitaires qui sera votée en Juin. Parle-t-on des mêmes phytosanitaires et pesticides? Cette loi serait-elle bénéfique, insuffisante ou sans contexte.
    Merci par avance.

    1. Bonjour Laure,
      Cette étude est sans lien direct avec les initiatives qui seront mises en votation en juin. Si l’initiative “Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse” est acceptée, les produits analysés dans cette étude seront interdits dans les 10 ans. Si elle est refusée, la législation actuelle restera en vigueur, en particulier le “Plan d’action” visant à réduire les risques liés aux produits phytosanitaire. Dans ce cas, l’étude invite à revoir la manière d’évaluer ces risques.

  3. Il est bien difficile pour un décideur politique d`aller contre les intérets économiques a court terme. Les problemes environnementaux devraient a l`évidence etre prioritisés, mais les gouvernements sont éphémeres et donc axés sur le court terme.

  4. Cela fait plus de 40 ans que les scientifiques tirent sur la sonnette d’alarme. C’est un combat sans fin. Dès qu’une étude prouve que les pesticides son néfaste pour l’écologie, les laboratoires reviennent avec une contre étude qui prouve le contraire. Du foutage de gueule.

  5. La communication du millieu est mensonger car comme on le voit dans les vignobles, ce n’est pas que du petit lait qui est épandu par hélicoptère! Et que dire des sulfateuses a herbicide qui tuent toute vie dans les vignes!
    La Semaine dernière, je me suis assis sur un muret dans les vignes juste au-dessus du village de Savuit à Lutry.
    Il y avait des vignerons qui épandait des produits en grosse quantité !
    J’ai demandé ce que c’était du ROUNDUP ! Des bidons de Stahler dont le représentant était aussi sur place !
    Produit interdit dans la communauté européenne mais autorisé en Suisse et épandu à moins de 10 m d’une école pour enfants de moins de 7 ans à Savuit !!!

    J’ai fait un petit tour des fontaines d’eau de la région. Toutes ont une inscription : Eau non-potable ! Je pensais que l’eau public était buvable pour les randonneurs dans le Lavaux et bien NON !
    Pourquoi l’UNESCO supporte encore d’inscrire cette région ultra polluée par tous ces produits ?
    La préservation du payage passe par la santé publique, par la sécurité sanitaire de ces habitants et des randonneurs qui viennent découvrir cette région prônée par l’UNESCO.
    Le cahier des charges de l’UNESCO n’est plus rempli !
    Actuellement, cette région ne peut plus mériter de continuer d’être sur la liste des régions remarquables du globe puisqu’elle est trop polluée!

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