Journée mondiale des abeilles et des pollinisateurs 2020: initiez-vous à la dégustation des miels!

Cela fait plusieurs semaines que je me creusais la tête à la recherche d’une action originale à proposer pour la journée mondiale des abeilles et des pollinisateurs en cette année 2020, synonyme de pandémie Covid-19. En effet l’année dernière, j’avais appelé dans ce blog (cf Journée des pollinisateurs 2019) les amis des abeilles à organiser des petits déjeuners au miel, des visites de rucher ou encore des promenades dans les prairies fleuries à la découverte des abeilles sauvages et autres pollinisateurs. Rien de tel n’est possible cette année et l’ensemble de ces activités ont dû être annulées.

Si de multiples idées m’ont traversé l’esprit, aucune n’a vraiment fait “tilt”, soit trop compliquée à mettre en oeuvre, trop loufoque ou nécessitant plus de temps et de moyens. Je les garde en réserve pour une autre année, car le siècle n’a que 20 ans et bien qu’il ait atteint une sorte de “majorité”, il lui manque encore un peu de maturité et la sagesse nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposent s’il veut devenir un centenaire alerte et fier de passer la main et de laisser une terre heureuse au siècle suivant.

Heureusement, le Jardin Botanique de Neuchâtel, et son directeur Blaise Mulhauser, qui s’emploient depuis plusieurs années à animer cette journée, viennent à mon secours avec une idée simple, originale, moderne et facile à mettre en oeuvre: une dégustation de miel en ligne.

Je me suis donc prêté à l’exercice. Comme le montre l’image ci-contre, armé d’un bocal de mon propre miel 2020 fraîchement extrait, d’une cuiller, le tout à côté du clavier et de mes multiples écrans (doigts collants déconseillés, mais comment faire autrement ces jours-ci, alors que le miel coule à flot dans nos contrées?).

La dégustation d’un miel c’est tout un art.

Voir avec les yeux: D’abord on apprécie la couleur. C’est assez facile. Du très clair, presque blanc, miel d’acacia aux teintes foncées, presque noires, des miels africains en passant par les sombre vert bouteille de nos de miels de sapin, toute une gamme de colorations est représentée.

Sentir avec le nez: Définir les odeurs qui s’exhalent à l’ouverture du bocal, c’est nettement plus compliqué déjà, pour moi du moins. Dans un récipient en verre, tel que celui de la photo, c’est un bouquet d’arômes qui vous assaille et éblouit les sens. Je raffole de ce contact avec un miel. J’y retrouve ces parfums uniques qui se dégagent des ruches lorsque vous les visitez, mélange de senteurs de cire, de miel, de propolis, de fumée aussi, et de souvenirs. Le voyage de mes réminiscences m’emporte à Soral (GE), à l’époque de mes débuts. Je me souviens de telle saison particulière, ou de telle colonie que j’ai dû ouvrir six matins de suite pour trouver la reine, mais aussi les steppes à asphodèles et cirses blancs de Sardaigne qui produisent des miels si fins et si délicats. Mais l’écran me rappelle à la réalité: il faut mettre des mots sur ces sensations, mes propres mots, et pour moi c’est difficile. Je ne peux tout de même pas raconter mes souvenirs et émotions d’apiculteur fasciné par ses avettes…

Gouter avec  la bouche: Il s’agit ici de qualifier la saveur et les arômes. Avec la langue, mais aussi avec le nez, puisque le goût passe aussi par les muqueuses nasales. Plus directif, le test vous propose une liste à choix, plus simple pour moi. Sucré? oui, évidemment. Très sucré? Avec une teneur en sucre supérieure à 82%, c’est évidemment aussi très sucré. Autres choix: “acide/amer”? non définitivement pas amer, mais acide je ne saurais dire. Ou encore “fraîcheur”? Franchement cela n’évoque rien pour moi. Je choisis donc sucré, pas très fier de mes facultés gustatives. Quant aux saveurs, on vous en propose une liste des 16 les plus fréquentes, dont certaines me paraissent très étranges, comme “végétal”. Pour moi, ce sera floral. C’est un miel de fleurs après tout.

Avez-vous ainé ce miel? C’est la dernière question. Je l’aime bien celle-là, car elle est à la portée de mes perceptions simples. Oui, je l’aime, c’est mon miel, non? Blague à part, c’est vraiment l’un de mes préférés. Mais, peut-on ne pas aimer un miel? Oui, certainement. Il y a d’abord des personnes qui n’aiment pas le miel du tout. Difficile à comprendre pour moi, mais j’en connais plus d’un/e. Quant à moi, je n’apprécie guère les miels très forts comme celui de châtaignier, certains miels de forêt que produisent mes propres abeilles et le mythique miel de “corbezzolo”, ou arbousier, le nectar le plus réputé de Sardaigne.

Et qu’en disent les spécialistes? De manière assez surprenante, la dégustation des miels est peu pratiquée, peu documentée, peu connue du grand public, rien à voir avec celle des vins. La terminologie est également beaucoup plus réduite. C’est donc sans surprise à ces spécialistes que les chercheurs se sont adressés, aux oenoloques de Changins, près de Nyon. Et les résultats sont déconcertants. En fait ce ne sont pas les résultats qui le sont, mais les oenologues qui furent déconcertés. Leur vocabulaire s’applique assez mal à ce qu’ils doivent tester à l’aveugle. Ils ne se sont accordaient que sur un point: tous présentaient des défauts plus ou moins marqués! Du moins en référence à ce qui pour un vin est considéré comme des défauts.

Et maintenant, à vous de jouer: la technique est simple, à portée de chacun/e. Procurez-vous un pot de miel, par exemple dans un placard, ou chez votre apiculteur/trice préféré/e. Munissez-vous d’une cuiller. Allumez votre ordinateur ou votre téléphone portable. Connectez-vous à “honeyatlas.com“. Mettez vos sens en éveil. Je vous souhaite une belle expérience. Et peut-être découvrirez-vous aussi des qualités à ce divin produit.

Pour en savoir plus:

visitez  la page du CARI (Centre Apicole de Recherche et d’Information): Décrire un miel, pas si facile par Etienne Bruneau

téléchargez La Ronde des arômes de miel (pdf)

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Francis Saucy

Francis Saucy, Docteur ès sciences, biologiste, diplômé des universités de Genève et Neuchâtel, est spécialisé dans le domaine du comportement animal et de l'écologie des populations. Employé à l’Office fédéral de la statistique, Franci Saucy est également apiculteur amateur et passionné, et il contribue par ses recherches et ses écrits à l'approfondissement des connaissances sur les abeilles et à leur vulgarisation dans le monde apicole et le public en général. Franci Saucy fut également élu PS à l'exécutif de la Commune de Marsens, dans le canton de Fribourg de 2008 à 2011 et de 2016 à 2018. Depuis mars 2019, Franci Saucy est rédacteur de la Revue suisse d'apiculture et depuis le 15 septembre 2020 Président de la Société romande d'apiculture et membre du comité central d'apisuisse Blog privé: www.bee-api.net