Oups! De prédateur affamé poursuivant de ses crocs acérés l’helvétique Syngenta dans les eaux bâloises, dépitée d’avoir dû céder la politesse à ChemChina, voici que Monsanto, après avoir annoncé une cure d’amaigrissement, s’est transformée en proie et vient a son tour d’être gobée par un autre mégaptère à l’appétit féroce.
L’annonce du récent rachat de Monsanto, géant américain des plantes OGM et des herbicides, dont le très décrié glyphosate, par l’allemand Bayer, autre géant de l’agrochimie, a en effet suscité beaucoup d’émotion dans les medias. La plupart des réactions sont négatives et pessimistes. Elles sont motivées par un sentiment de crainte devant le gigantisme de la nouvelle entité et l’instauration d’un oligopole mondial dominé par une poignée de multinationales.
Sur le mode “tous méchants”, la théorie du complot trouve un nouveau terrain où s’épanouir. On spécule sans nuance sur l’emprise du nouveau groupe sur un marché grainier déjà étouffé par les mêmes acteurs, l’empoisonnement de nos assiettes par des aliments dopés aux OGM et aux doses accrues de pesticides. Bref, on nous ressert sous une forme réchauffée, voire un brin chupiée, les arguments archi-connus des anti-mondialistes amplifiés à la puissance 10.
De son côté, Monsanto produit des plantes OGM dépendant de ses propres herbicides, Bayer des néonicotinoïdes, pesticides indispensables aux dites plantations, mais très nocifs pour les espèces non-cibles comme les abeilles et par ailleurs un acaricide pour lutter contre le Varroa, un parasite des abeilles importé d’Asie et responsable, pour une grande part, de la mort des abeilles. Tous les ingrédients sont donc réunis pour l’éclosion d’un nouvel épisode de la série Frankenstein à la sauce écolo.
Mais cette thèse est-elle crédible? Loin de moi, l’idée de tenter de justifier les pratiques critiquables et peu éthiques de ces très grandes entreprises, ni de chercher à les défendre. Mon propos, ici, est plutôt de tenter de décrypter les stratégies déployées et les enjeux de ces gigantesques transactions.
Le rachat du suisse Syngenta, il y a quelques mois, par ChemChina constitue un cas assez différent de celui de Bayer/Monsanto, car on y détecte les intérêts bien compris de la super-puissance que deviendra la Chine dans le courant du 21ème siècle. Elles font partie d’une politique d’acquisition d’industries stratégiques pour un pays en forte croissance dont les effectifs constituent déjà le cinquième de la population mondiale.
Dans le cas de Bayer/Monsanto, un rapide survol du contexte et des principaux indicateurs économiques laisse songeur… Il montre en effet que les ventes de glyphosate par Monsanto en janvier 2016 ont chuté de plus de 30% en un an, que Bayer vend l’essentiel de ses produits en Europe, que les consommateurs européens ne veulent pas ingérer d’OGM, et encore moins de pesticides et, enfin, que le glyphosate est en sursis (il vient d’échapper de justesse à l’interdiction dans l’Union européenne).
Que feront donc les nouveaux dirigeants du groupe dans un contexte si défavorable? Une réorientation semble indispensable. Elle peut se diriger vers la conquête de nouveaux marchés, en Asie en particulier, avec la même gamme de produits. On peut s’attendre alors à une nouvelle et sévère cure d’amaigrissement dans les effectifs du groupe et dans ce cas les perspectives ne sont effectivement pas très bonnes pour nos abeilles et encore moins pour leurs cousines asiatiques.
On peut aussi imaginer, dans cette perspective, que les groupes Syngenta/ChemChina et Bayer/Monsanto se partagent le gâteau et prennent des positions monopolistiques, chacun dans son secteur, ou s’organisent en cartel, abandonnant le sacro-saint principe de concurrence, prôné par l’économie de marché. Profiter d’une rente de position peut être momentanément confortable, mais tue l’esprit d’initiative et d’innovation. De plus, les géants ont souvent les pieds fragiles. Embarrassés dans leur graisse et leur inertie, ils risquent de s’écrouler sur eux-mêmes. Ils sont aussi à la merci de nouvelles entreprises jeunes et dynamiques, émergeant dans leur ombre et leur langueur et qui ne manqueront pas, si elles parviennent à grandir suffisamment, à les supplanter à leur tour. Sans être cynique, les perspectives pour les abeilles sont dans ce cas peut-être un peu meilleures.
Non, c’est peut-être bien pour s’orienter vers de nouveaux produits que ces groupes se constituent. En effet, le potentiel du génie génétique est énorme et ce domaine n’en n’est qu’à ses premiers balbutiements. On n’a encore rien vu des mirobolantes promesses faites pour justifier leur développement au nom du bien-être commun et de l’abolition de la faim dans le monde. L’industrie agro-chimique, profitant de sa situation de rente, est très peu innovante. Contrairement à l’industrie pharmaceutique qui produit depuis longtemps des médicaments universellement reconnus et applaudis à l’aide de technique issues du génie génétiques, l’industrie agro-alimentaire n’a réussi qu’à élever contre elles des consommateurs apeurés et des producteurs étouffés sous des contraintes financières et juridiques intenables.
Un autre orientation serait de profiter des forces de la nouvelle entité pour créer de nouveaux produits. Enfin sortir de la triste logique de plantes manipulées dans le but de vendre d’autres produits provenant de la même industrie. Une telle attitude, serait certainement plus productive, permettrait de changer l’image catastrophique et en grande partie justifiée de cette industrie et surtout de tenir les promesses de contribuer à la lutte contre la faim dans le monde. Répétons-le: le potentiel de ces techniques est immense et encore largement inexploré. Dans ce sens, l’absence de recherche dans le secteur public est très préjudiciable au développements de cette science. Très sagement, le Conseil fédéral garde, avec sa politique du moratoire, une porte ouverte dont l’humanité et les abeilles pourraient un jour bénéficier…
Voilà une bonne analyse qui,effectivement ,pourrait se réaliser plus vite que prévue .
Ces grands groupes d’empoisonneurs commencent à ” tousser” sérieusement sous la pression des réseaux sociaux !
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