La Suède en est venue aux faits: les fameuses boulettes de viande à la suédoise sont en réalité…turques. Pendant qu’internet se déchire sur ce sujet, voici comment faire vous-même de délicieuses boulettes selon votre sensibilité géographique
D’abord, les faits. Le compte Twitter officiel de la Suède a lâché une révélation fracassante cette semaine: les boulettes à la suédoise (kottbullar) proviennent d’une recette (les keftas) ramenée de l’empire Ottoman par le roi Charles XII, au XVIIe siècle.
Swedish meatballs are actually based on a recipe King Charles XII brought home from Turkey in the early 18th century. Let's stick to the facts! pic.twitter.com/JuTDEjq9MM
— Sweden.se (@swedense) April 28, 2018
La suite, vous l’imaginez sans peine, part en vrille. Internet, prompt à s’emballer pour des one-pot pasta (une infâmie) ou des crêpes saccagées (un blasphème), s’est divisé en deux à la publication de ce pamphlet en 140 signes: d’un côté les pro-Turcs, contents qu’on leur attribue enfin la paternité de la recette, de l’autre les pro-Suédois, traumatisés d’apprendre que leur vie s’est bâtie sur un mensonge. Au pays d’Ikea et de la paix sociale, avouons que ça fait mal.
My whole life has been a lie https://t.co/tVcRmJx5By
— @sweden / Örjan (@sweden) April 28, 2018
Le roi Charles passa en effet quelques années en exil à Istanbul chez les Ottomans au tout début du XVIIIe siècle. Il en aurait profité pour ramener d’autres produits et recettes, parmi lesquels le café et le chou farci, nous apprend le New York Times.
Mais revenons-en à ces boulettes, les kefta. Il se dit qu’elles seraient une spécialité d’Alger, et qu’elles ont ensuite gagné le reste du Maghreb ainsi que le proche Orient…pour arriver en Turquie, donc. Mais d’autres sources prétendent qu’elles auraient été inventées en Iran, d’autres en Arménie… Les kefta étant ce qu’elles sont, c’est à dire de simples boulettes (le mot kefta veut d’ailleurs dire «hacher» en persan) on ne peut écarter une origine multiple. Elles font en tout cas aujourd’hui partie intégrante de la gastronomie turque.
Les boulettes kefta sont traditionnellement composées de viande hachée, bœuf et agneau étant les plus courantes, mais on en trouve aussi avec de la volaille, et les kefta végétariennes existent également, parce que bon. Elles sont parfumées aux épices et aux oignons. La présence de mie de pain leur donne aussi cette texture particulière sous la dent.
Quant aux boulettes à la suédoise…c’est vrai qu’elles y ressemblent beaucoup, maintenant qu’on y pense. Les kottbullar, selon leur appellation d’origine, qu’on trouve pour une bouchée de pain chez Ikea, sont traditionnellement constituées de boeuf et de porc et agrémentées de cinq-épices. On les sert avec de la purée de pommes de terre, de la sauce aux fruits rouges voire du «pressgurka», un concombre dont le destin vacille entre salade et pickles.
J’aime bien les deux versions mais puisqu’il faut rendre à César ce qui est à César, je vous ai préparé des keftas. Et afin d’éviter une guerre gastronomique entre ces deux grandes nations, j’ai ajouté une recette de kottbullar, testée et approuvée.
- 2 oignons rouges émincés
- 1 gousse d’ail émincée
- 1 boîte de 400 g de haricots blancs type cannellini
- 1 boîte de 400 g de tomates concassées bio
- 200 g d’agneau haché
- 200 g de poulet haché (pour ces deux viandes prenez ce que vous voulez)
- 200 g de boulgour
- 1 c. à s. de harissa
- 80 g de chapelure fraîche (l’équivalent de 3 tranches de pain, croûte et mie, hachées finement)
- 1 citron
- 1 grosse c. à c. de cannelle moulue
- 1 grosse c. à c. de cumin moulu
- 1 bouquet de persil plat et 1 bouquet de menthe
- 1 œuf
- 4 pains libanais ou pitas
- Yaourt à la grecque
Commencez par préparer les garnitures. Mettez deux casseroles sur feu moyen. Dans la première, faites suer pendant 5 minutes un des oignons et l’ail avec un peu d’huile d’olive. Dans la deuxième faites cuire votre boulgour selon les instructions du paquet (vous pouvez utiliser du bouillon de volaille si vous voulez un goût plus prononcé).
Retour à la première casserole: ajoutez les tomates et les haricots égouttés, et environ 10-15 cL d’eau. Portez à ébullition, puis baissez le feu et laissez mijoter 10 minutes.
Sortez les deux casseroles du feu. Réservez le boulgour dans un plat sous cellophane. Ajoutez la harissa dans les haricots aux tomates, assaisonnez et réservez.
Faites chauffer votre four (mode grill) à fond.
Dans un saladier, mélangez les viandes, les épices, l’œuf, l’oignon restant ainsi que la chapelure. Façonnez des boulettes en humidifiant vos paumes de main, ça va tout seul. Je ne l’ai pas indiqué dans les ingrédients mais vous pouvez aussi ajouter 2 ou 3 abricots secs hachés, ou bien des figues sèches, c’est pas mal du tout! A vous de décider.
Déposez-les sur une plaque de cuisson ou un plat allant au four et enfournez pendant 10 minutes sous le gril en secouant de temps en temps la plaque pour que les boulettes roulent et soient bien dorées partout.
Chauffez rapidement vos pains libanais, mélangez les herbes hachées, le citron, et un peu d’huile d’olive dans le boulgour. Déposez-en un peu sur chaque pain, superposez une couche de sauce tomate puis garnissez de keftas bien chaudes. Finissez avec une cuillère de yaourt à la grecque pour faire passer tout ça.
- 600 g de mélange de bœuf et porc hachés
- un mix d’herbes aromatiques fraîches au choix (aneth et persil fonctionnent bien)
- 1 œuf
- 80 g de chapelure fraîche (voir la recette ci-dessus)
- 1 grosse c. à c. de cinq-épices
- 10 cL de lait
- 1 citron
- 30 cL de bouillon de boeuf
- 60 mL de crème fraîche épaisse
- 1 c. à s. de farine
- environ 200 g de confiture de baies ou fruits rouges (allez chez Ikea et cherchez un bocal de «Sylt Lingon» dans leur épicerie)
Dans un grand saladier, mélangez les viandes, l’oeuf, la chapelure, le cinq-épices et presque toutes vos herbes. Assaisonnez bien de sel et poivre, mélangez encore à la main et façonnez vos kottbullar avec des mains légèrement mouillées. Déposez-les sur une plaque de cuisson ou un plat allant au four. Si vous les sentez trop pâteuses ou si elles se délitent, couvrez-les de film alimentaire et placez au frais pendant 30 à 60 minutes pour qu’elles se raffermissent.
Faites chauffer une grande poêle (ou deux) à feu moyen avec un fond d’huile d’olive. Faites frire les boulettes dedans pendant environ 15 minutes en secouant régulièrement, le temps qu’elles soient bien dorées et appétissantes.
Réservez les boulettes dans un plat. Dans la poêle encore chaude, versez le jus de la moitié du citron, puis une rasade de bouillon (une grosse moitié environ). Versez la farine en pluie fine, la crème, et une grosse cuillère à soupe de confiture. Salez et poivrez, goûtez, c’est un ordre. Portez à ébullition puis baissez à feu doux et laissez réduire jusqu’à obtention de la consistance désirée. Rajoutez du bouillon si ça vous paraît trop solide. Remettez les kottbullar dans la poêle et secouez gentiment pour les enrober de sauce. A servir avec une purée de pommes de terre ou des tagliatelles fraîches.