La coriandre, c’est génétique

Vous détestez cette magnifique herbe aromatique? Ce n’est pas votre faute. Blâmez plutôt vos ancêtres, qui vous ont transmis les mauvais gènes

C’est lors d’une récente expédition au snack vietnamien le plus proche que la question m’est venue à l’esprit: comment se fait-il que la coriandre divise autant l’opinion? C’est vrai, certains l’adorent, tandis que les béotiens les autres font la grimace et peuvent à peine finir leur banh-mi. Il y a même un site web pour déverser sa haine de la coriandre! Certains en profitent pour écrire des poèmes déchirants:

Gross green deathly leaves
Tastes like a poisonous plant
Why don’t they just leave

(Horribles feuilles vertes mortelles / Avec leur goût de plante vénéneuse / Pourquoi existent-elles)

Du curry vert aux carottes râpées

La coriandre est pourtant un ingrédient indispensable de bon nombre de recettes. J’en ai toujours dans ma cuisine. Elle finit hachée aussi bien dans des curries verts thaïlandais, que dans des tacos mexicains, des daals indiens ou des carottes râpées bien de chez nous… Si cette petite herbacée se retrouve dans des plats de tous les continents, c’est quand même parce qu’elle est super bonne non? (outre le fait qu’on lui prête des vertus aphrodisiaques, en particulier chez les femmes…ce que je ne puis confirmer)

Toujours est-il que certains malotrus ne sont pas du même avis. Ils osent en effet clamer que la coriandre a le goût de lessive, de savon, ou encore de liquide vaisselle. De détergent en somme. Au départ, j’attribuais cette manifeste faute de goût à leur pauvre palais non éduqué. Ma première expérience avec cette herbe, dans un pho, ne m’a d’ailleurs pas laissé le meilleur des souvenirs.

A cause de OR6A2

Hélas, les choses ne sont pas aussi simples. Il s’avère que la génétique est venue mettre son grain de sel là dedans. Preuve en est, 80% des vrais jumeaux ont les mêmes goûts en matière de coriandre, tandis que les faux jumeaux (qui n’ont que la moitié du génome en commun) ne tombent d’accord que dans 40% des cas, d’après les observations du neuroscientifique Charles Wysocki rapportés dans la revue scientifique Nature.

Dans un article publié il y a quelques années sur le site Arxiv, Nicholas Eriksson et son équipe ont comparé certaines séquences génétiques chez un peu plus de 14000 personnes selon qu’elles aiment la coriandre ou non. Verdict: chez les ennemis de la coriandre, on retrouve souvent un certain variant d’un gène associé à l’olfaction, OR6A2. Cela pourrait signifier que les personnes possédant cette version du gène sont particulièrement sensibles à l’odeur de cette herbe qu’ils trouvent savonneuse. Et que par conséquent, elles associent cette puissante odeur au goût de l’herbe.

En fait, les scientifiques estiment que les arômes savonneuses de la coriandre tiennent à la présence dans l’herbe de certains aldéhydes, des molécules organiques dérivées des alcools. Or le gène OR6A2 code justement pour un récepteur olfactif extrêmement sensible aux aldéhydes, ce qui en fait un excellent candidat expliquant cette aversion pour la coriandre.

Un goût culturel

Mais c’est simplement un candidat parmi d’autres. Diverses études similaires ont en effet mis en évidence d’autres gènes codant divers récepteurs, notamment sensibles à l’amertume. Et cela sans compter qu’on ne sait pas bien dans quelle proportion la génétique influe sur cette perception. Il y a sans doute une composante culturelle: dans les régions où elle est très présente dans la cuisine (Asie du sud, Amérique latine, Moyen Orient), de 3 à 7% de la population n’aime pas la coriandre. Une proportion qui passe de 14 à 21% là où elle est peu utilisée.

Alors, que faire? Séparer la population selon leur variant du gène OR6A2? C’est une solution à laquelle j’ai pensé. Mais puisque la cuisine est censé rapprocher les gens, voici une astuce trouvée dans le New York Times. Elle est censée atténuer les aldéhydes présents dans la coriandre. Il semblerait que le fait de l’écraser en purée, façon pesto, soit assez efficace: cela accélérerait leur dégradation.

Dans un mortier, écraser doucement:

  • 75 g d’amandes toastées
  • 2 bouquets de coriandre (sans les grosses tiges)
  • 1 à 2 gousses d’ail
  • 120 mL d’huile d’olive
  • 70 g de fromage de brebis type pecorino

Servir ce pesto avec des spaghettis, des viandes grillées, façon chimichurri, ou encore des légumes. Vous pouvez congeler le reste (en portions) et le sortir à l’occasion.

 

Fabien Goubet

Du piment, du citron vert, et la vie est belle!

4 réponses à “La coriandre, c’est génétique

  1. Blâme-t-on les asiatiques de ne pas digérer le lactose (par génétique)? Alors qu’on leur impose (mondialisation et prix du lait en surplus oblige)…!
    Ils sont un peu faibles ces journaleux 🙂

  2. Vous auriez pu trouver une partie de la réponse dans ce livre :

    “Pourquoi l’asperge donne-t-elle une odeur au pipi ?” paru aux PPUR

    Cordialement,

  3. J’aimerais savoir qui a financé cette étude d’un intérêt majeur !

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