La non-affaire Dittli : une chasse aux sorcières des temps modernes

Valérie Dittli a respecté la loi. Les résultats de l’expertise indépendante ont parlé et ils sont clairs. Ils rejoignent d’ailleurs ceux révélés quelques jours plus tôt par un autre expert. L’histoire pourrait s’arrêter là, mais ça, ce serait compter sans les donneurs de leçons, moralisateurs et éthiciens autoproclamés qui, eux, bien sûr, sont irréprochables, croient tout connaître sur tout le monde et savent mieux que quiconque ce qui est bon (et donc mal). Car c’est connu, dans la vie, tout est, ou noir, ou blanc. Les nuances de couleurs n’existent pas. C’est beau la binarité… Soit on est une bonne personne, selon leur définition et donc leurs critères évidemment, soit on va finir en enfer. À en croire qu’ils doivent regretter la période de l’inquisition et de ses chasses aux sorcières.

Le champ des possibles

Tout d’abord, commençons par un résumé (non exhaustif) du parcours professionnel, fiscal et politique de Valérie Dittli, établi sur la base des informations communiquées publiquement.

Valérie Dittli grandit en terres zougoises, à Oberägeri, où elle fait, pour son plus grand bonheur, partie d’une guggenmusik. Il m’a paru indispensable de rappeler ce hobby ici, vu comme chaque détail de sa vie semble passionner les internautes. Après l’obtention d’un master en droit (MLaw) à l’Université de Lucerne en 2016, elle devient assistante-doctorante en droit à 50% à l’Université de Lausanne (UNIL) et effectue sa thèse en parallèle. Elle se rend d’ailleurs de manière régulière à la bibliothèque de l’Université de Zurich pour y consulter des ouvrages particulièrement utiles à la réalisation du projet qu’elle mène en tant qu’assistante (deuxième détail de la plus haute importance).

Valérie Dittli obtient son doctorat en 2020 et, alors qu’elle est élue présidente du PDC Vaud (actuel Le Centre Vaud) en septembre de la même année, elle déplace dans la foulée son domicile fiscal à Lausanne. C’est aussi à cette période qu’elle est candidate (malheureuse) au Conseil communal et à la Municipalité de Lausanne. D’avril 2021 et jusqu’à son élection au Conseil d’État en mars 2022, elle réalise un stage d’avocate à Berne. Puisqu’elle considère, à cette époque, que son centre de vie se trouve principalement à Oberägeri et qu’elle ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à être élue conseillère d’État un an plus tard, elle rapatrie ses papiers dans sa commune zougoise. Là où vivent ses parents, où elle revient souvent et où elle donne des coups de main à son papa sur l’exploitation agricole familiale (troisième détail de la plus haute importance…). Enfin, au début de l’année 2022, elle replace son domicile fiscal à Lausanne pour se porter candidate au Conseil d’État vaudois et est élue, à la surprise générale.

Zoug, Lucerne, Vaud, Zurich, Berne ; c’est dire combien la mobilité peut être importante en période estudiantine ou de premier emploi après les études. Et c’est dire également à quel point, toujours à cette période, le champ des possibles est ouvert.

Crier au loup alors qu’il n’en est rien

Faire la lumière sur une situation dans laquelle il semble y avoir des zones d’ombre est sain. D’autant plus lorsque cela concerne une personnalité publique à la tête d’un canton. Toutefois, porter un jugement sans savoir, ainsi que s’acharner et appeler à la démission (à tort qui plus est !) l’est beaucoup moins. Être conseillère d’État implique un devoir d’exemplarité. Ainsi, qu’on s’interroge sur le parcours de Valérie Dittli est compréhensible, qu’on (se) pose des questions est légitime. En revanche, il faut avoir conscience qu’émettre publiquement des accusations sans preuve – comme s’il s’agissait de vérités incontestées – peut gravement et longtemps porter atteinte à une personne, même si son innocence est finalement établie.

Dans le cas de Valérie Dittli, l’avocat fiscaliste genevois Daniel Schafer l’a blanchie. Selon cet expert indépendant mandaté par le Conseil d’État vaudois pour faire toute la lumière sur la situation fiscale de la ministre des finances vaudoises, les règles légales et jurisprudentielles ont été respectées tant concernant son domicile fiscal que s’agissant de son assujettissement à l’impôt. Selon ce même expert, Valérie Dittli était « en position de bénéficier en toute légitimité de la pratique établie s’agissant des jeunes célibataires de moins de 30 ans, (à savoir présomption jurisprudentielle du domicile fiscal au domicile des parents en cas de retours réguliers) ». Toutefois, même si elle a été innocentée, son image est ternie.

Deuxième tentative : trouver la faute morale

Puisque Valérie Dittli a respecté la loi, ses détracteurs doivent maintenant dégoter autre chose à lui reprocher. Eh oui, leur malveillance n’a pas de limite. Elle ne s’assouvit pas si facilement, elle est probablement même insatiable. Après l’examen de la légalité vient celui de la moralité. Toutefois, aucun tribunal ne pourra juger cet aspect. Chacun y va donc de son commentaire et certains semblent prétendre que l’affection pour un canton se résume au fait d’y payer des impôts. Quelle triste vision ! Valérie Dittli est attachée au lieu où elle a grandi, je trouve ça logique et plutôt positif. Tout comme elle aime le canton de Vaud où elle s’est maintenant établie.

Certains disent également que la population aurait peut-être apprécié connaître « toute la vérité » avant de glisser leur bulletin dans l’urne au printemps dernier. Mais quelle vérité ? Le parcours que j’ai mentionné plus haut ? Parcours plutôt exemplaire d’ailleurs : celui d’une étudiante-doctorante qui réussit. Celui d’une jeune femme qui a la vie devant elle et qui saisit les opportunités que la vie lui offre. Celui d’une personne qui n’a ni menti, ni caché la vérité. Celui de quelqu’un qui a toujours payé ses impôts selon les règles en vigueur (mais pas dans le « bon » canton selon certains…).

C’est bien beau de vouloir revenir en arrière (faire annuler l’élection de Valérie Dittli) sous prétexte qu’elle a fauté, si ce n’est légalement, peut-être moralement. Dans mon 1er article, j’écrivais la chose suivante : « La responsabilité est une valeur qui m’est chère, très chère. Je dirais même qu’elle représente un moteur dans ma vie et qu’elle se trouve au centre de mes actions. J’ose d’ailleurs croire que la responsabilité est encore largement partagée dans notre pays et au-delà. ». Une nouvelle fois, j’en appelle à la responsabilité individuelle, celle de se rendre compte de la portée de ses actes et, ici, de ses mots.

Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de s’exprimer

Aujourd’hui, tout le monde a un avis et veut se positionner sur tout. Si la liberté d’opinion est un droit fondamental garanti par la Constitution fédérale et qu’elle doit être assurée, elle n’est toutefois pas sans limite. On ne peut pas tout dire, tout n’est pas acceptable et tout n’est d’ailleurs pas légal. Cette liberté garantie par la Constitution n’est pas un blanc-seing. À ce sujet, l’un des 10 commandements dit justement « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. ». Mais que constate-t-on aujourd’hui ? Des justiciers auto-proclamés qui, en fin de compte, ne font qu’extérioriser leurs frustrations en blâmant autrui, même et surtout sans fondement, et qui, par leur comportement, nuisent – parfois sévèrement – sans raison aucune. Ça en devient affligeant.

Dès mon plus jeune âge, on m’a toujours appris à me mettre à la place des autres et à ne pas faire subir à autrui ce que je ne souhaiterais pas subir moi-même. Cette leçon devrait être universelle, mais force est de constater qu’il n’en est rien. Je rêve d’un monde où les gens tournent sept fois leur langue dans leur bouche avant de s’exprimer, de se plaindre ou d’incriminer, d’un monde où on réfléchit avant d’agir et de parler et dans lequel on cherche à comprendre avant de pointer du doigt. Ça me paraît être du bon sens. Mais au lieu de cela, nous sommes face à une réelle chasse aux sorcières des temps modernes où les chasseurs, désabusés, sont à la recherche d’un bouc émissaire à tous les maux de la société et s’en prennent malheureusement à n’importe qui et surtout pas aux « bonnes » personnes.

Chère Valérie, tu as tout mon soutien.

Aujourd’hui, la Suisse a dit « Oui je le veux ! »

Certaines évidences actuelles ont un jour pu paraître inconcevables alors qu’elles sont maintenant indiscutées. La société évolue, et fort heureusement la politique et le cadre légal aussi ! L’égalité fait partie de ces combats qui peuvent parfois, voire souvent, paraître absurdes tant cela devrait aller de soi. Le mariage pour tous en fait partie. Ce projet, qui a été largement accepté aujourd’hui, vise l’égalité en droits, soit en termes de reconnaissance et de traitement de tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. La Suisse devient (enfin) le 30e pays au monde à ouvrir le mariage civil aux couples homosexuels.

C’était le moment pardi !

Cette modification du code civil ne permettra désormais pas uniquement aux couples de même sexe de conclure un contrat de mariage, mais autorisera également les couples de femmes à recourir au don de sperme. Évidemment, cela en a fait hurler plus d’un. Les détracteurs ont martelé qu’un enfant de parents homosexuels sera forcément malheureux et que ce besoin exprimé est le fait d’adultes qui ne pensent qu’à leur bonheur personnel, faisant passer l’intérêt de l’enfant au second plan.

Mais qu’en est-il des parents hétérosexuels ? Sont-ils tous nés pour être de bons parents ? La réponse est clairement « non » et pourtant, ce n’est pas pour autant qu’on leur interdit la parentalité. La qualité de vie et d’éducation d’un enfant ne dépend pas de l’orientation sexuelle de ses parents. Ce qui compte est notamment l’environnement dans lequel il s’épanouit et grandit ainsi que la manière dont il est encadré, aimé, soutenu, encouragé et j’en passe.

L’exception qui ne confirme pas la règle

J’ai personnellement grandi sans mère (elle n’était pourtant pas décédée) et je n’ai jamais manqué de rien. Ma famille nucléaire a toujours été mon père et moi. Durant toute ma vie, on m’a répété qu’un manque devait forcément exister et nuire à mon équilibre, mental notamment. J’ai eu 30 ans cette année et malgré mon jeune âge, j’ai pu en vivre et en réaliser des choses déjà !

Et finalement, qu’est-ce qui importe dans la vie ? À mes yeux : être épanouie, et je le suis ! Cela m’épuise d’entendre – et ceci depuis mon plus jeune âge, soit bien avant les débats actuels au sujet du mariage pour tous – qu’un enfant a forcément besoin d’un papa et d’une maman pour se construire correctement et s’épanouir. Il n’y aucune règle universelle, j’en suis la preuve vivante.

Un cri du cœur

Les Suissesses et les Suisses ne se sont fort heureusement pas laissés embobiner par des arguments farfelus, d’un autre temps et déconnectés de la réalité actuelle, ainsi que par des affiches de très mauvais goût [montrant un zombie avec l’indication « enfants avec un mort », ndlr]. Aujourd’hui, c’est le bon sens qui a parlé. Je suis fière de mon pays. Il s’agit là d’une importante évolution sur le plan culturel et social, d’un signal fort en faveur de la liberté et d’une réelle avancée vers plus d’égalité.