Deuxième pilier, discriminatoire?

Le deuxième pilier serait discriminant à l’égard des femmes. C’est ce qu’on comprend, entre les lignes, en lisant les titres des articles consacrés à un rapport, adopté mercredi 7 septembre par le Conseil fédéral, qui révèle l’écart de rentes entre les hommes et les femmes. Alors qu’en termes d’AVS, les femmes sont un peu mieux loties que les hommes – fait intéressant dans le cadre de la campagne AVS21 qui fait rage sur l’harmonisation de l’âge de retraite entre femmes et hommes à 65 ans et qui bat en brèche un des arguments de la gauche, qui veut faire croire que les femmes ont des rentes AVS plus basses que les hommes – ce n’est pas le cas dans le deuxième pilier. Non seulement les femmes ne sont que 49,7% à toucher une rente LPP (chiffres 2020) contre 70,6% des hommes, mais en plus, son montant est inférieur de 47%.

Discrimination? Non. Le deuxième pilier, aussi appelé prévoyance professionnelle, est lié à l’activité professionnelle. Que l’on soit un homme ou une femme, on y cotise uniquement si on remplit certains critères (salaire, durée contractuelle, etc.). Les personnes qui arrêtent volontairement de travailler, quelle qu’en soit la raison, ne cotisent donc plus au deuxième pilier. Le montant de la rente reflète l’évolution de celle-ci sur toute la période de cotisation – soit jusqu’à l’âge de la retraite. Il est ainsi directement lié au salaire. Là est la source de la prétendue discrimination à l’égard des femmes, qui tient plutôt de l’évolution de la vie professionnelle que du genre. A cet égard, le système actuel doit être amélioré, notamment en lien avec les salaires modestes, l’activité à temps partiel ou la pluriactivité étant des réalités qui touchent davantage les femmes.

Pourquoi ces formes de travail sont-elles moins bien loties dans le deuxième pilier? L’objectif de la prévoyance vieillesse est de couvrir les besoins vitaux avec le 1er pilier (AVS) et de maintenir le niveau de vie antérieur grâce au deuxième pilier. Les rentes cumulées des deux assurances doivent permettre aux retraités d’atteindre au moins 60% du dernier salaire. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle fixe un revenu minimal pour entrer dans le système du deuxième pilier, soit un salaire AVS supérieur à 21’510 francs en 2022 auprès d’un seul employeur. Ce seuil est rédhibitoire pour les personnes qui ne l’atteignent pas, soit parce qu’elles travaillent pour plusieurs employeurs (pluriactivité) pour des salaires moins élevés que cette somme-là – même si, cumulés, ils dépassent ce seuil – soit pour celles qui travaillent à temps partiel pour un salaire en-dessous de cette limite.

De plus, la déduction de coordination dans le deuxième pilier, qui implique qu’employeur et employé ne cotisent pas sur les premiers 25’095 francs de salaire, est une pierre d’achoppement additionnelle. Cela dit, certaines caisses de pension, comme la CIEPP, la caisse de deuxième pilier de la FER Genève, proposent des solutions pour pallier ces problèmes et s’adaptent ainsi à des modes de travail plus flexibles, en attendant une solution constructive sur le plan politique.

La réforme du deuxième pilier actuellement en discussion au niveau fédéral sera cruciale pour mieux prendre en compte le travail à temps partiel et la pluriactivité qui, offrant une certaine souplesse, sont en train de gagner du terrain, comme l’ont montré les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique. La part des femmes travaillant à temps partiel est passée de 49% en 1991 à 59% en 2021. Chez les hommes, le taux a plus que doublé en passant de 8% à 18%. La tendance est nette. Il est temps que le législateur adapte les normes à cette réalité.

Véronique Kämpfen, directrice de la communication

Des bienfaits de la croissance

Alors qu’un ralentissement conjoncturel se profile cet automne dans un contexte international incertain et que les inquiétudes en matière d’approvisionnement énergétique s’accroissent, la publication des comptes nationaux à fin août a apporté un peu de baume au cœur. La hausse du PIB suisse a atteint plus de 4% l’année passée. Même si certains secteurs ont encore souffert de la pandémie, les chiffres 2021 dépassent ceux de 2019. Ces excellents résultats proviennent d’une forte hausse de l’excédent de la balance commerciale. Les produits chimiques et pharmaceutiques en particulier ont tiré les exportations à la hausse. C’est donc l’occasion de rappeler quelques faits. La prospérité de la Suisse découle de son ouverture au commerce extérieur. Les secteurs exportateurs, qui sont la locomotive de notre économie, s’appuient sur quelques grandes entreprises, qui vivent en interdépendance avec le tissu des PME. Pour que cet écosystème puisse perdurer, et avec lui les emplois et les recettes fiscales qui en découlent, il faut maintenir et développer des conditions cadre favorables (marché du travail flexible, haut niveau de formation, fiscalité attractive, approvisionnement énergétique garanti).

Le dynamisme économique est lié à la capacité d’innovation

La croissance génère toutefois en Suisse comme dans d’autres pays une critique qui va en s’accentuant. Le PIB serait un indicateur obsolète, incapable de mesurer les bonnes valeurs. Le développement économique devient un bouc émissaire, responsable des atteintes environnementales, des infrastructures surchargées ou des inégalités sociales. A l’inverse, décroissance ou croissance zéro seraient la panacée.

Or, la croissance n’a pas qu’un aspect quantitatif, elle n’est pas seulement « toujours plus ». Sa dimension qualitative ne doit pas être ignorée. La croissance est corrélée avec l’évolution de notre société. Le dynamisme économique est lié à la capacité d’innovation qui engendre les progrès technologiques dont nous bénéficions tous. L’amélioration des conditions de vie et l’Etat social redistributif que nous connaissons résultent d’une croissance positive. Avec une croissance faible, comment faire face aux dépenses de la prévoyance vieillesse, de la santé ou de la formation ? Une forte diminution de la croissance entraînerait ainsi des dégâts économiques considérables et une baisse générale du niveau de vie et du bien-être.

Une croissance responsable

Bien sûr, le développement économique peut aussi engendrer des effets moins favorables, notamment s’agissant de la consommation des ressources. Et l’actualité nous rappelle à quel point cette question est fondamentale. Mais dans le domaine environnemental aussi, il est important de rappeler l’amélioration globale de la plupart des indicateurs lors des dernières décennies. La croissance et la prospérité qu’elle génère ont permis à nos sociétés de s’engager avec davantage de moyens pour la protection de l’environnement. Et les entreprises contribuent d’ailleurs fortement au développement d’une économie plus verte.

Nous avons besoin de croissance pour maintenir une certaine qualité de vie mais nous devons la gérer de manière responsable. Pour cela, il convient d’agir de manière ciblée pour réduire les éventuels effets secondaires négatifs. Cela constitue une réponse bien plus efficace et utile que de combattre la croissance et prendre le risque de perdre beaucoup.

Catherine Lance Pasquier, directrice-adjointe politique générale

Les Genevois, dindons de la farce fiscale?

Genève n’a pas besoin d’ennemis

Ce sont les autres cantons suisses qui doivent se gausser. Alors que l’immense majorité d’entre eux ont conscience qu’à trop tirer sur la corde fiscale, elle risque de rompre, la majorité de gauche du Conseil d’Etat genevois prête une oreille attentive aux délires fiscaux de la gauche. Inquiétant, pour ne pas dire irresponsable.

Replaçons le contexte. Fidèle à ses outrances, l’extrême gauche genevoise, assistée de ses sbires verts, socialistes et syndicaux, a lancé une initiative proposant d’introduire une contribution de solidarité sur la part de fortune dépassant 3 millions, pour une durée de 10 ans. Le message est clair : faisons payer les riches! Le problème, c’est qu’ils sont déjà largement dans le viseur du fisc cantonal. Ainsi, 1,3% des contribuables supportent déjà près de 66% des recettes générées par l’impôt sur la fortune, dont il est question ici. Un impôt qui est bien évidemment le plus élevés de Suisse. Et parions sans grand risque de se tromper que l’on doit trouver parmi ceux-ci les 0,2% de contribuables qui rapportent à eux seuls plus de 17% des recettes sur le revenu. Genève taxe donc déjà très fortement ses contribuables les plus aisés, bien plus que partout ailleurs. Dans le même temps, 36% de l’ensemble des contribuables ne paient pas un franc d’impôt. Le canton du bout du lac pratique la fiscalité la plus progressive de Suisse, très généreuse avec certains et très stricte avec d’autres. Mais ce n’est pas suffisant aux yeux des initiants, qui veulent encore accentuer la tendance.

Le mieux est l’ennemi du bien

On commence malheureusement à avoir l’habitude de ces propositions excessives. Mais ce qui est particulièrement inquiétant dans le cas présent, c’est que le Conseil d’Etat en valide le principe, ouvrant la porte à un contreprojet.  Certes, ce dernier ramène la période de sur taxation à cinq ans, au lieu des dix prévus par l’initiative. Mais le problème n’est pas là : le gouvernement donne un bien mauvais signal à ses généreux contribuables. La majorité du Conseil d’Etat qui a soutenu cette option pense-t-elle que ces derniers sont des clients captifs de l’administration fiscale ? Imaginent-ils qu’il suffit d’augmenter les impôts pour accroitre dans la même mesure les recettes, selon une simple règle de trois arithmétique ? N’ont-ils jamais jeté un coup d’œil sur les pratiques des cantons voisins? Pourtant, il suffit de traverser la Versoix pour trouver des cieux fiscaux plus accueillants.

Les Genevois, dindons de la farce

Que ce nouveau matraquage à la sauce genevoise soit de cinq ou dix ans n’a pas que peu d’importance : une fois partis, ces bons contribuables ne reviendront pas. Et ce sera aux Genevois de payer la note, soit par une augmentation de leur fiscalité, soit par une diminution des prestations, soit par les deux à la fois. Ce seront eux les dindons de cette triste farce.

Stéphanie Ruegsegger, directrice politique générale

Les partis entre logique électorale et responsabilité gouvernementale

Bien malin sera celui qui pourra nous dire à quoi va ressembler la France ces cinq prochaines années. Après l’éclatement des partis traditionnels, les coalitions artificielles constituées en vue des élections législatives, qui au final ne donnent de majorité absolue à personne, la seule certitude est l’incertitude que cette situation a provoquée.  

Parmi les différents scenarii esquissés, nombreux sont ceux qui appellent au dialogue. Du côté de la majorité présidentielle, toute relative depuis ce week-end, on n’aura pas vraiment le choix, si l’on veut espérer faire aboutir quelques projets. Une ouverture forcée, en quelque sorte. Reste à savoir si ses adversaires auront le même état d’esprit. Au vu des différentes déclarations tonitruantes des uns et des autres, rien n’est moins sûr.

Des machines électorales avant tout

Il se trouve que la mission des partis et groupes politiques est avant tout d’être élus. L’idéal consisterait certes à faire quelque chose de cette élection, en mettant en œuvre ce que l’on a prôné durant la campagne. Mais avant cela, il faut être élu. Et les qualités pour se faire élire ne sont pas forcément les mêmes que pour gouverner. Dans un cas, il s’agit de donner de la voix, pour que la sienne couvre celle de ses adversaires. Et dans l’autre, de faire preuve de pragmatisme, pour parvenir à des consensus dans le but de faire aboutir des projets. Des qualités différentes, donc, qui peuvent se révéler incompatibles. Car on ne passe pas aussi facilement du tribun vociférant au négociateur qui parvient à se mettre au service d’un projet.

Il n’est pas question de faire la leçon à notre voisin français. Car chacun a à balayer devant sa porte. Nos outils démocratiques censés permettre aux minorités de faire entendre leur voix sont de plus en plus détournés comme outils médiatiques et électoraux par les partis au pouvoir. Le populisme n’a ni nationalité, ni couleur politique, même s’il est clairement plus contrasté aux extrêmes. Mais à l’heure où des enjeux capitaux se jouent, sur les plans climatique, économique, social ou encore des équilibres internationaux, le temps n’est plus aux gesticulations et il est urgent de rappeler des vertus du dialogue, en le renouant ou plus simplement de le construisant. De se rappeler qu’être élu ne saurait être une finalité, mais un moyen.

Un dicton populaire dit que seul, on va plus vite, mais qu’à plusieurs, on va plus loin. Il est temps de mettre cette sage philosophie en action.

Stéphanie Ruegsegger, directrice politique générale

Le multilatéralisme, clef de voûte du succès suisse

A l’heure où populisme et nationalisme se développent, vendant l’illusion que la Suisse et son économie se porteraient mieux avec le repli sur soi et le rejet de l’international, il faut rappeler que, plus qu’aucun autre Etat, la Suisse vit et prospère grâce à son ouverture et au bon fonctionnement du système multilatéral. Le succès de la diplomatie suisse que nous saluons ces jours en est une magnifique illustration.

L’accession de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU, 20 ans après que la population et les cantons ont accepté de rejoindre l’organisation, est véritablement un moment historique. Cette élection récompense les efforts de notre pays en faveur de la paix, d’un monde ouvert et libre et son engagement sans faille dans le système onusien et plus globalement multilatéral. La Suisse a toujours recherché la collaboration avec les autres Etats, considérant que les grands défis ne peuvent être affrontés seul.

La Suisse, il est vrai, a un intérêt prépondérant au bon fonctionnement du système multilatéral, qui la protège de la loi du plus fort et lui apporte une influence considérable, qu’elle n’aurait pas dans une logique du chacun pour soi.

Au niveau économique en particulier, notre pays fait partie de ceux qui ont le plus besoin d’un système multilatéral efficace. Comme la Suisse ne bénéficie ni de ressources naturelles ni d’un vaste marché intérieur, elle a besoin du commerce international pour assurer sa prospérité. La part du commerce extérieur dans le PIB est d’ailleurs beaucoup plus élevé en Suisse que dans nombre de pays de l’OCDE. Des obstacles au commerce ou des tendances protectionnistes affectent davantage la Suisse que d’autres pays. Nous avons un intérêt prépondérant à l’existence de règles internationales fiables et donc au bon fonctionnement du système commercial multilatéral. C’est pourquoi la Suisse s’engage activement dans les différents processus de réforme en vue de renforcer le système et améliorer le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La 12ème conférence ministérielle de l’OMC qui se tient à Genève en juin permet de rappeler que la renommée de la Suisse et de Genève en particulier découle du système multilatéral. Avec le siège européen de l’ONU, un grand nombre d’organisations internationales – notamment l’Organisation internationale du travail dont la Suisse est membre fondateur – et d’Organisations non gouvernementales, Genève est un pilier de la gouvernance mondiale et de la diplomatie multilatérale.

De la Genève internationale découle aussi la présence de nombreuses entreprises multinationales sur l’arc lémanique. Ces grandes entreprises internationales sont d’importants pourvoyeurs d’emplois et de recettes fiscales. Elles permettent d’assurer la diversité du tissu économique genevois, comme partenaires commerciaux de nombreuses PME et indépendants, et contribuent de manière essentielle à la recherche et à l’innovation.

Catherine Lance Pasquier, directrice adjointe du département de politique générale

L’ennui comme vertu politique

La Suisse n’a pas une image particulièrement glamour: sérieuse, lente et légèrement ennuyeuse. Pourtant sa réussite est une évidence. Elle la doit à plusieurs éléments, dont sa science du consensus. Mais celle-ci s’émousse.

Qui, de ce côté-ci de la Sarine, ne s’est jamais enthousiasmé sur la faconde d’un politicien français? Il faut dire que le système politique d’alternance de notre voisin incite davantage au combat, puisqu’il relègue la minorité dans un rôle d’opposition pur et dur. En Suisse, le ton est plus discret. La multiplicité des langues, des cultures, des partis, et le système de démocratie semi-directe ne permettent à personne de composer une majorité à lui seul. Du coup, on doit se parler et construire des compromis. Cela prend du temps, d’où ce sentiment de lenteur. Les solutions trouvées sont rarement extrêmes mais c’est généralement du solide. Le fait est que notre système politique est l’une des composantes de notre compétitivité, et donc de notre prospérité. En tous cas jusqu’à aujourd’hui.

De nouveaux acteurs changent la donne politique

C’est peut-être en train de changer. L’avènement des réseaux sociaux et l’arrivée de nouveaux acteurs politiques, peu habitués à la politique du compromis, modifient les comportements des partis traditionnels. Dans un contexte devenu toujours plus concurrentiel, ces derniers privilégient leur survie, quoi qu’il en coûte. Et rien ne vaut un peu de démagogie pour se faire entendre dans un nouvel environnement. Ce nouveau contexte n’est pas favorable au compromis, peu vendeur d’un point de vue com’. Résultat: toujours plus de dossiers peinent à trouver une majorité large et sont attaqués par référendum.

La démagogie remplace le dialogue

Ce phénomène est inquiétant car la Suisse devra relever plusieurs défis cruciaux dans les années à venir. Sur le plan fiscal, notre petit pays sans ressources naturelles doit tout faire pour conserver son attractivité. Ses relations avec l’Union européenne doivent être renouée sous peine de total isolement. La prévoyance est mise en péril par la démographie. Tous ces dossiers sont fondamentaux pour la prospérité suisse et les conditions de vie des générations à venir. Pour aboutir, ils devront faire l’objet d’un consensus large. C’est loin d’être gagné. Le prochain défi sera consacré à la pérennité de notre système vieillesse, avec AVS21 dans un premier temps, puis LPP21 par la suite. Or il paraît aujourd’hui difficile de réunir les partis pour sauver ce système qui nous est pourtant largement envié. Apparemment, il semble devenir plus important de privilégier un succès électoral que d’assurer le succès du pays.

Stéphanie Ruegsegger, directrice politique générale

La politique européenne doit revenir sur le devant de la scène

Prise d’otage et dommages collatéraux. Ce n’est pas le titre d’une nouvelle série mais bien le résumé du mauvais scénario joué par certains partis avec en toile de fond la politique européenne de la Suisse. Pour certains, les considérations de politique intérieure ont totalement pris le dessus sur la politique étrangère et les enjeux de commerce extérieur. Et nos relations avec l’Europe sont ainsi utilisées comme monnaie d’échange pour faire avancer des projets qui n’obtiennent pas de majorité.

Frontex, accord-cadre, accord sur la recherche: des enjeux clé phagocytés par la politique interne

Dernier exemple en date, la votation sur Frontex. Si la population a heureusement plébiscité l’engagement de la Suisse à l’espace Schengen, il faut rappeler que la gauche avait lancé le référendum en espérant pouvoir négocier son soutien à Frontex contre une hausse du nombre de requérants d’asile en Suisse. Qu’importait les dégâts potentiels pour notre pays dans sa relation avec l’Europe ou les enjeux sécuritaires et économiques, qu’importait le fait que l’accueil de réfugiés soit une question de politique interne totalement indépendante de Frontex; la perspective de pouvoir passer en force un renforcement du droit d’asile à quelques mois des élections fédérales a primé sur toute autre considération. Même scénario l’année passée pour l’accord-cadre qui aurait permis d’assurer l’accès au marché européen, et qui a été torpillé notamment par les syndicats sous couvert de surveillance du marché du travail suisse. L’attitude est identique sur l’autre front de l’échiquier politique, où les anti-européens traditionnels préfèrent défendre une vision mythifiée de la souveraineté, au détriment par exemple de la coopération internationale en matière de recherche. Joël Mesot, président de l’EPFZ, a récemment rappelé lors de l’Assemblée générale de la FER Genève le coût pour la place de recherche suisse de son exclusion des réseaux de recherche et des fonds européens. C’est toute la capacité d’innovation de la Suisse et sa prospérité qui est ébranlée, pour quelques voix de plus.

Le oui du 15 mai, un signal très clair de la population en faveur de la voie bilatérale

Prise au piège de la politique intérieure, la Suisse a claqué la porte au nez de l’Union européenne l’année passée. Elle est bien obligée de revenir timidement auprès de son principal partenaire au vu de son besoin vital d’accéder au marché européen et de coopérer dans de multiples domaines. Il s’agit maintenant de répondre à la Commission européenne qui souhaite obtenir plus de clarté sur la position suisse. Le cherry-picking est exclu. Même la Grande-Bretagne, qui se veut Global, l’a appris à ses dépens. Un Etat tiers ne peut pas être mieux traité qu’un membre de l’UE. Il appartient à la Suisse de définir le degré d’intégration qu’elle souhaite, afin d’obtenir les droits qui y sont associés et d’assumer les obligations qui en découlent. La déferlante de oui du 15 mai en faveur de Schengen donne un signal clair à nos autorités et aux partis qui jouent avec le feu en matière de politique européenne. La population suisse veut des relations étroites et apaisées avec ses voisins européens.

Catherine Lance Pasquier, directrice adjointe du département de politique générale

Les syndicats genevois inventent la machine à fabriquer de la fonction publique

Alors que le secteur public au sens large représente déjà le quart de l’emploi dans le canton de Genève, les syndicats ont inventé la machine à créer de la fonction publique en continu, avec leur initiative « 1’000 emplois ». Le système est simple : en fonction du taux de chômage, on crée un certain nombre d’emplois publics. La référence est de 1’000 emplois par an, pour un taux de chômage de 5%. Le système fonctionne de manière continue et n’a pas de fin. Seul le nombre d’emplois créés varie.

Le monstre de Frankenstein version syndicale

Peu importe que Genève occupe la 2ème place en termes de dépenses publiques par habitant et que ces dernières soient de 62 % supérieures à celles de la moyenne suisse. Peu importe également que le canton n’ait pas de problème d’emplois, avec 400’000 postes proposés aux 240’000 personnes actives du canton. Le fait est que son chômage s’explique par d’autres facteurs, liés notamment à des profils  inadaptés, et que l’initiative ne répond en rien à cette problématique. Le texte n’est qu’un prétexte à la création perpétuelle et exponentielle de fonctionnaires. Chaque année, des emplois sont ainsi artificiellement créés, et s’ajoutent à ceux déjà existants. La machine infernale en quelque sorte.

Les entreprises ne seront pas oubliées… pour financer ce régime grossissant perpétuel

On voit assez clairement la finalité du texte : que l’Etat déjà largement nourri à Genève devienne toujours plus gros. Mais rassurez-vous, l’économie privée ne sera pas oubliée, puisqu’il faudra bien alimenter  la bête. Car la plaisanterie a un certain coût, estimé à 100 millions de francs par an par les initiants. Outre le fait que ce montant est très certainement sous-évalué en regard du coût d’un emploi public (de 40% supérieur aux estimations syndicales), le montant est lui aussi exponentiel. Il faudra donc bien financer ce régime grossissant perpétuel et l’impôt des personnes morales notamment sera largement mis à profit. Et comme toute machine infernale bien conçue, le mouvement perpétuel fonctionnera aussi dans ce domaine, puisqu’en mettant toujours plus de charges sur le dos des entreprises, on entravera leur prospérité … au risque  de créer du chômage, qui engendrera la création de ces emplois artificiels. Machiavélique!  Suicidaire mais machiavélique !

Stéphanie Ruegsegger, directrice politique générale

L’épisode de la «dictature sanitaire» se termine en farce

Le comique n’est pas la première caractéristique du débat politique suisse. Et pourtant, difficile de ne pas sourire en prenant connaissance des réactions à la consultation que la Confédération a récemment lancée. Il s’agit de déterminer qui devra faire quoi en cas de nouvelle poussée de la pandémie.

Un combat pour la liberté

Pendant des mois, des opposants aux mesures prises pour lutter contre le Covid-19 nous ont mis en garde contre la «dictature sanitaire» qui, selon eux, était en train de s’installer. Nos libertés étaient en train de nous être subrepticement ravies. Alain Berset révélait des penchants autocratiques et les cantons n’étaient pas en reste. La véritable nature du pouvoir apparaissait au grand jour, comme lors de l’incendie du Reichstag, en 1933. Certains ne se privaient d’ailleurs pas de puiser dans l’imagerie nazie pour décrire la situation.

La consultation qui a été ouverte dresse un tout autre tableau. Plutôt que de vouloir accroître leur pouvoir, les cantons et la Confédération cherchent à laisser les responsabilités aux autres. La Confédération veut ainsi attribuer aux cantons celle de décréter les mesures qui étaient dénoncées comme l’expression de la «dictature sanitaire». Il s’agit notamment du port du masque, de l’obligation de présenter un certificat COVID-19 dans certaines circonstances ou de la possibilité d’imposer quarantaines et isolements.

“Exercer des responsabilités peut impliquer de prendre des décisions impopulaires”

Loin de sauter sur cette occasion d’accroître leur pouvoir, les cantons n’en veulent pas, rapportait récemment la Tribune de Genève. Ils estiment que ces prérogatives devraient revenir à la Confédération.
Il y a de bonnes raisons à leur réticence. Lorsque les cantons étaient en charge et prenaient des décisions différentes de leurs voisins, cela était mal accepté par la population. Cela rendait d’autre part les mesures faciles à contourner – on se souvient des Genevois allant se faire couper les cheveux dans le canton de Vaud quand leurs coiffeurs étaient fermés. Il y a donc une certaine logique à prendre ce genre de décisions au niveau supérieur.

Il est plus piquant de voir la Confédération, naguère accusée de dérives dictatoriales, si peu désireuse d’exercer les pouvoirs que lui confère la loi sur les épidémies. Piquant, mais pas étonnant. Exercer des responsabilités peut impliquer de prendre des décisions impopulaires, ce que pas grand monde n’aime faire. Cela peut également coûter cher: qui ordonne une fermeture est tenu d’en assumer les conséquences financières.

Bref, loin d’être monté à la tête de nos responsables, l’épisode de soi-disant «dictature sanitaire» semble plutôt les avoir vaccinés contre l’excès de responsabilités. Les pompiers peuvent être tranquilles: aucun dictateur en herbe n’a envie de bouter le feu au parlement.

Pierre Cormon, journaliste pour Entreprise romande

Mesdames, laissez vos talons hauts au placard!

Mesdames, sachez que porter des talons hauts dans le monde professionnel donne de vous une image de moindre compétence. Contre-intuitif? Un peu, surtout pour des femmes de ma génération, biberonnées pendant l’adolescence dans les années 1990 aux films hollywoodiens montrant des working girls perchées sur leurs talons de dix centimètres pour mieux monter les échelons des entreprises en vue.

Une étude vient d’infirmer cette représentation du costume professionnel féminin soi-disant performant. Une équipe de chercheurs de l’Université de Caroline du Nord a montré que les femmes en talons hauts sont jugées moins compétentes, – que ce soit en faisant une présentation, en passant un entretien d’embauche, en négociant ou en donnant un cours – , que celles portant des talons plats, tous autres critères étant égaux par ailleurs.

Un diktat social

C’est d’autant plus intéressant que beaucoup de femmes pensent justement donner un signal de compétence en s’obligeant à se vêtir d’une manière qu’elles jugent conforme à l’expression d’un certain sérieux professionnel, duquel les talons hauts font partie. Sans être exigés, les talons sont même hautement recommandés dans certaines professions, voire sont culturellement indissociables du monde du travail. Il en va ainsi du Japon, où le mouvement #kutoo a vu le jour, jeu de mot comprenant «kutsu» = chaussure et «kutsuu» = douleur. Il est en effet attendu des Japonaises qu’elles portent des talons hauts au travail, le ministre japonais de la santé ayant osé répondre à la pétition en ligne qui a repris ce hashtag que porter des talons hauts au travail était «nécessaire et approprié»!

En Europe et notamment chez nos voisins de l’Hexagone, un certain chic à la française est de bon aloi, qui comprend implicitement le port de talons hauts. Les femmes ne sont pas dupes. Elles sont nombreuses à consentir à porter des chaussures moins confortables parce qu’elles permettent d’assoir une certaine «légitimité professionnelle», selon un témoignage retranscrit dans un article du Monde. Cela fait ressortir une différence de culture entre le nouveau et le vieux continent, tout en laissant songeur. Le port de talons n’est pas neutre et reflète différentes images de la femme qui peuvent aller de la prise de hauteur, qui permet aux femmes de parler les yeux dans les yeux avec les hommes, voire même de les regarder de haut, jusqu’au jugement d’incompétence.

La hauteur des talons n’est pas celle de la compétence

L’important, c’est finalement la prise de conscience, dans le monde professionnel, qu’il faut s’affranchir de tout lien entre tenue vestimentaire et compétence. Un employeur est en droit de demander une tenue adéquate qui reflète les valeurs de l’entreprise et peut, pour certaines fonctions, exiger le port de chaussures élégantes. Mais il ne devrait en aucun cas aller jusqu’à légiférer sur la hauteur des talons, ne serait-ce que pour des raisons de santé ou d’égalité.

A midi, je suis allée faire les magasins, dans l’espoir de trouver une jolie paire de chaussures à talons pour le bureau, celle que je mets le plus souvent arrivant en bout de course. Résultat de mes achats: une jolie paire de baskets en cuir, plate, que je pense accessoiriser tant dans ma vie privée qu’au bureau. Influence de l’étude américaine dont j’avais pris connaissance quelques heures plus tôt ou choix librement effectué? Je ne ferai pas d’introspection à ce sujet. Reste le plaisir de porter des chaussures qui me plaisent, sans contrainte aucune, quelle que soit la hauteur de leur talon.

Véronique Kämpfen, directrice de la communication