Start up & down

Quand la Suisse punit ses start-up

Domosafety propose une solution innovante pour anticiper les accidents à la maison, et permettre aux personnes âgées de bénéficier d'un maximum d'autonomie. Mais le Canton de Vaud n'en a pas voulu, alors que la Croix Rouge, oui.

Dans le monde merveilleux des start-up, il y a d’un côté les beaux discours, et de l’autre, la réalité. Côté beaux discours, on trouve les politiciens. Forcément. Le numérique est devenu une tarte à la crème politique, on célèbre donc nos start-up tant qu’on peut, et on promet de les aider avec de ronflants plans pour une «stratégie numérique ». Qu’elle soit suisse, genevoise, ou appenzelloise. Le Canton de Vaud a donc, lui aussi, concocté sa stratégie numérique maison. Excellente initiative, avec d’excellentes propositions. On y apprend notamment qu’il va « favoriser l’innovation vaudoise par des commandes publiques ». Voilà pour les beaux discours. Passons à la réalité.

L’Association vaudoise des soins à domicile (AVASAD) a décidé cette année de remplacer les 4500 installations « Secutel » du Canton. Il s’agit de boutons d’alarme à activer en cas d’accident à la maison. Un système précieux, et… complètement désuet: quand on tombe dans les pommes, on n’appuie sur aucun bouton, on est dans les pommes. A l’heure des objets connectés, on se dit qu’il doit y avoir un moyen de détecter la chute d’une personne âgée sans lui demander de sortir du coma pour appuyer sur un bouton. Et devinez quoi? Ça existe. Une entreprise vaudoise permet de sécuriser intégralement une maison avec des capteurs, et ainsi détecter des troubles du sommeil, des mouvements inhabituels, et bien entendu une chute. Elle permet même d’anticiper cette chute, et d’éviter des frais d’hospitalisation. Bref, cette entreprise propose un système plus complet, plus efficace, et nettement moins coûteux que le bon vieux Secutel, à long terme.

Une entreprise vaudoise écartée au profit d’une allemande et d’une française, moins innovantes

Cette entreprise s’appelle Domosafety. C’est une start-up de l’EPFL. Elle a répondu à l’appel d’offres, avec de réelles chances de décrocher le marché public: la Croix-Rouge vient d’adopter sa technologie. Mais les Vaudois, eux, n’en veulent pas. Le comité de sélection cantonal a sélectionné deux finalistes: une entreprise française, et une allemande. Deux fabricants de boutons d’alarme en plastique. Ces trucs sur lesquels on doit appuyer, même si on est mort. Nos vaillants vaudois, arrivés troisièmes, sont donc écartés de la procédure avant la phase de tests auxquels sont soumis les deux fabricants de boutons en plastique franco-allemands. Argument du comité de sélection: la qualité du dossier Domosafety est jugée « très bonne », mais le « prix global plus élevé » a « pesé en leur défaveur ». Trop cher, donc. Le comité n’a ni vu le potentiel d’économies, ni remarqué que l’achat de boutons déconnectés, à l’heure de l’internet des objets, était un gaspillage public.

La schizophrénie cantonale, ou quand un département ignore la stratégie de l’autre 

Le Canton qui veut « favoriser l’innovation vaudoise par des commandes publiques » écarte donc une excellente start-up d’un marché public. La raison de cette apparente schizophrénie? Elle est simple: la « stratégie numérique » n’a pas été élaborée par le Département de la Santé, qui chapeaute l’AVASAD. Et qui n’aime pas le numérique, visiblement. Dans un récent débat public, le médecin cantonal affirmait que, je cite, « le numérique n’amène rien à la qualité de vie » et que « cela va s’éteindre tout seul ». Sans rire. Avant de conclure: « Je le souhaite ». Un département veut soutenir l’innovation vaudoise. L’autre veut qu’elle meurt. A petit feu. Avec ou sans bouton.

Moralité: les protectionnistes prennent le pouvoir partout. Et pendant ce temps, la Suisse, championne du monde de l’innovation, écarte ses start-up au profit de quincailliers franco-allemands. Résolument innovant.

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