Est-ce éthique de suivre les règles ?

En réaction à l’injustice sociale, aux scandales politiques et économiques, à la consommation dévorante, aux catastrophes écologiques qui se profilent à l’horizon, en réaction à l’égoïsme et au cynisme, nous voyons partout sur la terre des centaines de milliers de femmes et d’hommes qui s’éveillent pour cultiver et incarner de vraies valeurs. Ils font fleurir partout sur la terre une myriade de projets éthiques, sociaux et solidaires. Nous voyons de nouveaux courants éthiques naître dans tous les domaines de la société : agriculture respectueuse de l’environnement, entreprise éthique, banque sociale et solidaire, etc. Des millions d’associations, d’artistes, de penseurs, d’activistes, d’hommes religieux et spirituels, de sportifs, d’amoureux de la nature, d’écoles œuvrent pour un monde nouveau, pour une femme/un homme nouveau.

Distinction entre morale et éthique

Les règles morales* se donnent pour but d’indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure ; Napoléon disait qu’elles sont le complément naturel des lois. Le sens éthique lui, nous vient du dedans ; selon Sri Aurobindo, un philosophe indien, le sens éthique obéit à un idéal intérieur, non à une norme extérieure. Son action est motivée par un appel de l’être, par l’exigence d’un idéal, l’image d’un principe absolu ; c’est la quête vers le Bien.

Selon des recherches récentes il semblerait que le sens éthique soit inné et que l’on peut déjà l’observer chez les enfants à partir de l’âge trois ans. Des enfants vont jusqu’à dire qu’une action peut être mauvaise, même si un adulte l’a ordonnée. Selon le psychologue Jonathan Haidt, le sens éthique procède principalement d’intuitions (« je sais simplement que c’est mal »), auxquelles s’ajoute a posteriori une réflexion résultant de processus conscients et de raisonnements. Ces recherches montrent que l’attitude la plus favorable à l’épanouissement de la maturité éthique est de cultiver dans l’interaction parent-enfant « une relation positive, coopérative et un lien positif mutuel ».

Une intuition, une lumière issue de l’idéal

Une personne éthique :

  • A une grande aspiration pour le Bien ainsi qu’une connaissance intuitive de ce qui est juste
  • Aspire à la pureté, au don de soi, à la vérité et à l’amour
  • Fait preuve de discipline, de caractère et de maîtrise de soi ; elle a la capacité de mettre de côté ses préférences, ses désirs et ses intérêts personnels
  • A un profond respect pour les autres et la nature ainsi que la volonté et le courage d’agir en conséquence ; ses actions, son travail, ses émotions et pensées sont empreints de la volonté de faire le bien et d’être juste

Les défis

Les règles de vie sont bien sûr nécessaires à la vie collective, mais nous le voyons dans tous les domaines, l’homme a développé une grande habilité à les contourner.

Il existe aussi des dangers inhérents à une éthique extrême. Nous pouvons en effet apercevoir, chez les personnes où le sens éthique prend trop de place, une tendance à la rigidité, un manque de légèreté et de joie. Pour éviter “d’assécher l’être”, Sri Aurobindo propose : « Nous pouvons élargir le sens éthique par le sens de la beauté et de la joie, et corriger sa tendance à la rigidité et à l’austérité en y introduisant un élément de douceur, d’amour, d’affabilité ». 

Si nous souhaitons créer un monde plus harmonieux, édicter des règles ne suffira pas. Il sera nécessaire de cultiver le sens éthique : développer l’habitude de tourner le regard vers l’intérieur et percevoir avec sincérité ce qui est juste et vrai, être à l’écoute de nos ressentis et de nos intuitions puis développer le courage de les suivre avec discernement.

 

Dans mon prochain article nous verrons différentes manières de cultiver l’éthique (pour nous mais aussi pour encourager les enfants et adolescents à le faire).

Mon premier article sur le sujet : Sans culture morale, aucune chance pour l’humanité

 

*Je fais une distinction entre ces deux termes : éthique et morale. Parfois considérés comme synonymes, leur définition varie selon les cultures. Ce ne sont pas les mots en eux-mêmes mais la comparaison de deux idées ou aspects très différents dont il sera question ici – merci de votre compréhension.

Fabrice Dini

Fabrice Dini est cofondateur de deux écoles et l’auteur d’un ouvrage préfacé par Matthieu Ricard "Une éducation intégrale pour grandir en s'épanouissant". Il intervient dans de nombreuses écoles et entreprises en Suisse romande. Fabrice s’est formé au CFM de l’Université du Massachusetts et enseigne la pleine conscience, la gestion du stress et l'éducation intégrale.

2 réponses à “Est-ce éthique de suivre les règles ?

  1. Bonjour,
    J’ai repris l’année dernière un cours sur Ethique et Finance (ESSCA Angers-Paris), un cours jusqu’alors plus basé sur les normes et la conformité aux régulations (Lutte anti-blanchiment, contre la fraude,…). Voulant donné un sens plus profond à la thématique générale, j’ai posé en introduction 2 idées de fond celle développée par Paul Ricoeur ( dans l’idée de donner à des jeunes entrants en vie active une projection) : “la visée d’une vie accomplie avec et pour les autres dans le cadre d’institutions justes”, ceci en lien avec le support de Paul Dembinski – Ethique et responsabilité : « La finance se définit comme la production, la gestion et le commerce de promesses, engagements et paris portant sur les paiements actuels et futurs »
    Maintenant je suis en accord avec votre article à propos de la vision morale que j’ai réfuté dans mon discours vis à vis de mon auditoire car réductrice et “moralisante”. J’apprécie votre approche ” joie et légèreté” que je vais reprendre dans mon speech. Trop d’adultes âgés rejettent vers les nouvelles générations la responsabilité pour eux de trouver les solutions à nos maux d’aujourd’hui. cela m’indispose. Nous sommes tous impliqués jusqu’à notre dernier souffle. Je viens de passer une formation RSE et un Mooc sur les ODD. Je lie à cette démarche intellectuelle le retour à la culture maraîchère et le tout avec de la pratique musicale. Mon cours a reçu un écho favorable il devrait passer de 20 à 60h l’année prochaine, j’aurais alors le temps pour passer plus sur des ateliers plus pratiques. Dans l’attente de lire vos prochains posts. C’est un peu long mais cela peut vous intéresser

  2. En effet, la morale est à géométrie variable, alors que l’éthique ne l’est jamais. Oui, c’est éthique de suivre les règles et la morale de la démocratie, plutôt que de vouloir édicter en cas de mécontentement et dans l’agitation de nouvelles règles ne respectant pas la liberté voire l’intégrité des individus. Cela ouvre la porte à l’arbitraire, aux rapports de force et à la violence, à des injustices et à des maux plus grands encore que ceux qu’on voudrait corriger. La tentation totalitaire est un piège et une chimère que, par exemple, les mouvements naissant pour la protection du climat se doivent d’éviter absolument.

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