La pédagogie Reggio-Emilia ou l’art d’enseigner par le Beau

Depuis 2012, l’écoline, une école basée sur la pédagogie Reggio Emilia fait vibrer toute la région lausannoise et contribue au mouvement de transformation du système éducatif romand ! Mais qu’est-ce donc la pédagogie Reggio Emilia ? Éléments de réponse avec Marion Julia, sa fondatrice.

Qu’est-ce que la pédagogie Reggio-Emilia ?

C’est difficile à résumer, justement parce que ce n’est pas une pédagogie figée, écrite. C’est une approche et non pas une méthode. Une pédagogie qui évolue donc, et ce depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c’est dire sa richesse. D’autant plus que les pédagogues de la ville de Reggio Emilia ont toujours aimé travailler avec d’autres spécialistes de l’enfance et de l’apprentissage, par exemple issus de la psychologie (Howard Gardner, Jérome Brunner…) , aujourd’hui également des neurosciences.

C’est une approche fondée sur une vision de l’enfant comme unique, compétent, curieux, acteur de ses propres apprentissages mais aussi citoyen à part entière. En cela, elle rejoint de nombreuses autres pédagogies alternatives. Cela commence avec la confiance : l’adulte construit une relation de confiance avec chacun des enfants et fait en sorte que chaque enfant se sente également à l’aise dans son environnement physique. Cela peut prendre plus ou moins de temps selon les enfants bien entendu. La bienveillance, le profond respect et même l’amour de l’éducateur pour chaque enfant sont des éléments indispensables pour que chaque enfant puisse oser être complètement lui-même dans cet environnement.

Le rôle de l’éducateur

L’approche Reggio Emilia conçoit le rôle de l’éducateur comme un chercheur, à l’écoute de chaque enfant et cherchant en permanence à découvrir ce que cet enfant est en train de vivre et d’apprendre et comment l’accompagner au mieux sur son chemin d’apprentissage. L’éducateur ou l’enseignant documente ce chemin d’apprentissage avec des prises de notes, des photos, des vidéos, qui laissent ainsi une trace de ce que fait/dit l’enfant, afin notamment de révéler le sens et la valeur de ce que fait l’enfant. Cette documentation devient également un lien intéressant entre l’école et les familles.

Grâce à l’écoute et l’observation profondes des enfant, grâce aussi à la place que l’adulte va accorder à leurs intérêts et à leurs jeux, des projets voient le jour. Ces projets ne sont donc pas planifiés à l’avance par les adultes (nous n’avons pas de programme). Par contre, les projets se nourrissent et s’étoffent des interactions entre enfants et entre enfants et adultes. Ils peuvent durer une matinée comme ils peuvent durer 6 ou 8 mois. Tant qu’ils sont source d’intérêt pour les enfants, ils se poursuivent et se développent.

L’importance de l’environnement

Dans une école inspirée de Reggio Emilia, l’environnement est particulièrement important car l’enfant doit pouvoir y trouver de multiples ressources. Cet environnement est plutôt neutre au départ et se remplit au fur et à mesure que se créent les œuvres et projets des enfants et adultes qui y vivent. Le matériel que l’on y trouve est plutôt naturel, esthétique et « ouvert » dans le sens que les enfants peuvent toujours l’utiliser de plusieurs manières. La lumière est un élément très présent. La lumière naturelle mais aussi des tables lumineuses ou rétroprojecteurs qui permettent de voir/montrer les choses sous d’autres perspectives. La nature est aussi est très présente, car elle « parle » beaucoup aux enfants. Elle est un objet de curiosité pour les enfants car elle évolue sans cesse. A l’écoline, nous apportons la nature dans la classe, notamment à travers le jardinage, mais surtout nous passons beaucoup de temps en forêt et au bord de la plage, chaque jour.

A Reggio Emilia, chaque école a un artiste

Loris Malaguzzi, le pédagogue qui a « lancé » ce que l’on nomme aujourd’hui l’approche Reggio Emilia (il est très intéressant de réfléchir à l’utilisation du nom de la ville et non du pédagogue pour nommer cette pédagogie…), a souhaité intégrer des artistes dans l’école pour apporter d’autres perspectives sur le monde aux enfants, et d’autres compétences, d’autres manières d’appréhender les choses, ce que l’on appellerait aujourd’hui du « creative thinking » en quelque sorte. Nous croyons fortement à cela aussi. A Reggio Emilia, chaque école a un artiste, que l’on nomme Atelierista, (et son atelier) en ses murs, disponible pour travailler avec les enfants, à plein temps. A l’écoline, nous avons choisi d’avoir plusieurs Atelieristas à temps partiel pour enrichir encore d’avantage leurs perspectives.

Dans les heures d’école, nous avons donc 2 personnes qui viennent chaque semaine donner des ateliers spécifiques : Danse et Arts visuels. Nous avons également des enseignantes et éducatrices qui ont une ou plusieurs passions ou expertises qu’elles vont pouvoir utiliser au sein de projets ou pour des moments particuliers, c’est le cas de l’éducatrice qui aime travailler autour de la Nature et de l’éducation à la paix, ou de notre enseignante qui a une formation de scientifique et qui propose donc de nombreuses expériences scientifiques aux enfants en lien avec leurs projets, ou encore d’une éducatrice qui est également céramiste, etc.

Il souhaite comprendre le fonctionnement de l’ADN à 5 ans

Avec cette vision de l’enfant et ce rôle de l’éducateur, il n’y a pas de limite fixée aux apprentissages des enfants, il n’y a pas cette idée de « il ne peut pas comprendre ». J’aime citer cet exemple du projet sur l’ADN que nous avons fait avec des enfants de 3 à 5 ans. Grâce à notre enseignante scientifique, nous avons pu accompagner le désir d’un enfant de mieux comprendre ce qu’était l’ADN, dont il avait entendu parler lors d’une visite à un musée. Ses camarades ont pu bénéficier de l’explication illustrée par une petite expérience qu’ils ont eux-mêmes réalisée autour de l’extraction de l’ADN d’une banane. Les autres adultes présents ont ce jour-là appris autant que les enfants !

www.lecoline.ch

Lors de mon prochain article, nous verrons à quoi ressemble le quotidien d’un enfant à l’écoline.

Fabrice Dini

Fabrice Dini est cofondateur de deux écoles et l’auteur d’un ouvrage préfacé par Matthieu Ricard "Une éducation intégrale pour grandir en s'épanouissant". Il intervient dans de nombreuses écoles et entreprises en Suisse romande. Fabrice s’est formé au CFM de l’Université du Massachusetts et enseigne la pleine conscience, la gestion du stress et l'éducation intégrale.

Une réponse à “La pédagogie Reggio-Emilia ou l’art d’enseigner par le Beau

  1. Peut-être une piste parmi d’autres à explorer face au décrochage scolaire. Intéressante approche.

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