Stop à l'utilisation sans fin de notre sol

Manif des jeunes pour le climat : l’initiative contre le mitage du territoire tombe à point nommé

https://www.rts.ch/info/suisse/10148834-les-jeunes-se-sont-mobilises-pour-le-climat-un-peu-partout-en-suisse.html 

Vendredi passé (18 janvier), ils étaient des milliers à Lausanne et dans une quinzaine d’autres villes suisses. Les jeunes y ont manifesté pour la sauvegarde du climat, et parce qu’ils s’inquiètent pour leur futur. Ils s’inquiètent parce que notre économie est basée sur la croissance à tout va, la consommation, et l’utilisation de nos ressources terrestres comme si elles étaient infinies. Ils se rendent compte que notre mode de vie nous conduit droit dans le mur, et ils ont raison. Le déséquilibre créé dans la nature par l’humain devient un problème majeur. Notre climat et notre terre sont en danger, menacés par la pollution que nous générons, la biodiversité que nous massacrons, les sols que nous dégradons.

La Loi sur l’Aménagement du Territoire (LAT)? Un frein au mitage, mais avec une efficacité relative

L’initiative sur laquelle nous nous prononcerons le 10 février prochain arrive à propos. Elle envoie un signal clair : notre sol, a fortiori pour la Suisse qui est un tout petit pays, est une ressource à consommer avec économie et discernement. Les arguments du Conseil fédéral pour contrer l’initiative renvoient à la loi (LAT) votée en 2013 par le peuple.

Oui, cette loi sert à freiner l’utilisation de terres agricoles pour la construction. Elle a donné une impulsion bénéfique pour que certains terrains constructibles, trop éloignés de centres, donc trop chers à équiper, soient dézonés. Elle a contribué à donner des limites cantonales de m2 constructibles pour les 15 prochaines années (extensibles après ces 15 ans ceci dit). Pour ne pas trop révolutionner les choses, elle permet, par le biais des planifications cantonales, l’accueil de plus de 1 million de nouveaux habitants d’ici 2030 sur toute la Suisse. Admettons que cela permet de voir venir, et plutôt loin, en mode croissance soutenue.

Terre agricole de qualité : un bien essentiel pour notre pays

Les chiffres mis en avant par le comité d’initiative enfoncent le clou de cette augmentation continue de notre utilisation du sol. Ils constatent que nous avons bétonné en 2017 l’équivalent de 2’700 terrains de foot en Suisse, soit huit par jour, dont 90 % sur des terres agricoles (Office fédéral de la statistique).

Nous venons de rajouter un article de la Constitution fédérale qui veut assurer l’approvisionnement alimentaire durable de la population suisse, en particulier par :
• « la préservation des bases de la production agricole, notamment des terres agricoles;
• une production de denrées alimentaires qui soit adaptée aux conditions locales et utilisant les ressources naturelles de manière efficiente;
• une utilisation des denrées alimentaires qui préserve les ressources naturelles. ».

Il est ainsi évident qu’il faut préserver la terre agricole en qualité et en quantité, pour une agriculture suisse durable. L’initiative contre le mitage du territoire permet précisément cela : les zones à bâtir ne devraient plus continuer à croître et, hors des zones à bâtir, seuls les bâtiments destinés à l’agriculture dépendante du sol devraient être autorisés (à noter cet élément dans le texte de l’initiative : les exceptions sont autorisées).

Stopper le mitage – pour un développement durable du milieu bâti

Développement de la mobilité = mitage accéléré

Je rajouterais enfin que l’initiative, qui veut qu’une terre agricole utilisée pour une construction soit compensée par un déclassement d’une surface correspondante, va obliger les élus locaux à réfléchir plus globalement. Les tendances actuelles sont au développement de la mobilité, donc à l’éloignement toujours majeur entre domicile et travail ; avec perte conséquente de temps, d’énergie, de ressources.

S’il est évident que la mobilité, particulièrement en Suisse, est remarquablement organisée, il devient important de se poser les questions par rapport à ses coûts induits. Tels, justement, ceux du mitage du territoire (une plus grande mobilité permet ces éloignements toujours plus grands), la perte d’identification à sa commune de domicile vu le temps passé au travail et dans les déplacements, sans parler des pollutions induites par les multiples transports et engorgements routiers.

Donc…

Le oui à l’initiative contre le mitage du territoire s’impose naturellement :
• Pour une agriculture suisse durable qui puisse se développer,
• un paysage que l’on puisse préserver,
• pour cesser cette course en avant du grignotage de nos terres agricoles si précieuses,
• pour envoyer un signal clair que nous souhaitons donner une chance aux jeunes générations,
• pour que ces jeunes générations connaissent et vivent dans un pays qui préserve non seulement ses forêts, très protégées avec raison, mais aussi sa plaine et ses campagnes.

Le 10 février prochain, glissons un oui dans l’urne : Oui à l’initiative des Jeunes verts contre le mitage du territoire !

https://stop-mitage.ch/

Fabienne Freymond Cantone

Municipale, ancienne députée. administratrice

Fabienne Freymond Cantone

Fabienne Freymond Cantone est membre des Conseils d’administration de la Banque Cantonale Vaudoise, de Transitec SA et des comités de la SSR Suisse Romande, d’Innovaud et de la Centrale d'émission pour la construction de logements, à côté d'engagements bénévoles dans diverses associations et fondations à buts d'insertion professionnelle, social, culturel ou environnemental. Economiste, elle œuvre et a œuvré pour des sociétés locales autant qu'internationales Elle a été impliquée à tous les niveaux de la politique, du communal, cantonal au fédéral, du régional à l’intercantonal, de l’association locale à l’agglomération franco-valdo-genevoise (16 ans de Parlement cantonal vaudois et 15 ans d'Exécutif à la tête de la Ville de Nyon). Elle nous propose donc son regard sur l'actualité au travers des variées facettes composant son curriculum.

2 réponses à “Manif des jeunes pour le climat : l’initiative contre le mitage du territoire tombe à point nommé

  1. “joli” (comme disent les vaudois) plaidoyer, Madame.

    D’ailleurs, tout le monde sait bien que si des congruences exceptionnelles se manifestaient dans le futur, on pourrait toujours revoter l’inverse, d’où le jeu, un pervers, il faut bien l’avouer des opposants.

    En fonction du principe de précaution, il faut voter OUI à cette initiative.
    Les jeunes ne rêvent plus d’une mitoyenne avec un jardin de 250m2 (seuls les vieux cons et les promoteurs).
    Dans une des meilleures démocraties du monde (vous imaginez aisément le reste), il est temps que le peu d’agriculture qui reste produise (à l’égal des montres) les meilleurs produits sains et naturels, soit biodynamiques.

    Bien sûr et nonobstant le rapport prix/qualité du bio, hyper-largement en faveur du bio, on pourrait aller encore plus loin et imaginer, comme en temps de guerre, des bons mensuels, couplés avec l’assurance maladie, afin que chaque habitant ait droit mensuellement à un panier de légumes de première qualité.

    Enfin et pour prouver mes dires, regardez le mitage du Lavaux, malgré la loi Weber (que l’on traitait de fou) et imaginez le Lavaux sans la dite loi!

    Bien sûr, tout le monde n’a pas la même sensibilité à la nature, ou à la place de vision n’a que des schémas dans la tête.
    Sans doute, le futur va être périlleux, car les bonnes années sont derrière.

    Comment parler de croissance, alors que la planète “grille” son quota en 4 ou 6 mois???????
    Et climato-sceptique n’est qu’un déni de réalité, un peu comme ceux qui mettent vingt ans à accepter que leur conjoint les a quitté ou que leur patron les a licencié
    🙂

  2. Madame,
    Très bien construit votre article, bravo. La conséquence pratique de cette loi contre le « mitage » sera 1) une concentration de l’habitat (en hauteur, en profondeur, par m2), car la population continue d’augmenter et il faudra bien la loger et 2) laisser aussi suffisamment de terrain agricole pour cultiver et tous nous nourrir. Une sorte d’intensification de la LAT déjà en cours d’application.
    Afin que le prix des denrées alimentaires ne cesse aussi dans ces conditions d’augmenter, faudra revoir l’attribution des aides étatiques à l’agriculture afin qu’elle ne profite pas quasi exclusivement aux leaders du marché agro-alimentaire (MIGROS, COOP, etc.), mais plutôt aux consommateurs que nous sommes. Des décisions politiques sur ce point sont attendues, sans influence des puissants lobbys, à également été rappelée récemment par les petits producteurs agricoles suisses.
    Vous voyez, le sujet est complexe (démographie, logement, climat, politique, économie, biodiversité, etc.) mais pas impossible à résoudre en démocratie.

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