Un recensement « old style » pour combattre la COVID ?

Les Britanniques ne font jamais rien comme les autres… En matière de recensement de population, ils ont été les premiers à produire des données fiables et systématiques – dès 1801 afin de savoir combien de soldats pourraient combattre Napoléon ! – puis à les affiner pour, entre autres, étudier les migrations dès 1880[1].

Les Britanniques sont aussi parmi les derniers à effectuer, tous les dix ans, un recensement exhaustif de leur population. Dimanche 21 mars 2021 sera pour eux le « jour du recensement »: chacun et chacune sera appelé à donner des informations variées sur le nombre de personnes dans son ménage, leur âge, leur activité, niveau d’éducation, pays de naissance, état de santé, etc…

Depuis 2000 les autorités suisses ont abandonné cette pratique jugée archaïque et surtout couteuse, remplacée par des échantillons d’enquêtes beaucoup plus réduits dont sont extrapolées des tendances pour la population d’ensemble.

Les géographes s’étaient inquiétés sans succès dès 2005 de cette mort du recensement exhaustif et de la perte de données qu’elle impliquait (écouter à ce sujet le débat de FORUM ci-dessous [2011]). La plupart des pays d’Europe ont cependant eux aussi aboli le recensement au profit d’enquêtes.

Ringards les Britanniques ? Toujours est-il que leurs géographes se félicitent aujourd’hui de cette obstination censitaire et affirment que disposer de données d’âge, de santé et de niveau de vie sur chaque petit groupe de population de chaque petit quartier des villes s’est avéré précieux pour localiser les populations les plus vulnérables au COVID-19, mettre en corrélation le profil des quartiers et les taux d’infection, planifier des centres de test et optimiser une campagne de vaccination que toute l’Europe envie…

Les Britanniques ne font rien comme les autres, mais au sujet de l’importance des données géographiques précises en matière de populations et de santé… « they’ve got a point ! ».

 

 

[1] Ce qui déboucha sur les travaux pionniers du géographe E. Ravenstein et ses fameuses « Lois des migrations » basées sur le recensement de 1880

Débat RTS – Forum (2011)

 

 

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.

5 réponses à “Un recensement « old style » pour combattre la COVID ?

  1. Je pense que la Suisse ne veut ni voir ni montrer que nous avons beaucoup de personnes qui vivent chez nous illégalement. Pas de recensement = pas de problème de sans papiers.

    1. En fait un recensement complet de la population ne changerait rien par rapport aux sans papiers: par définition ces personnes n’existent pas aux yeux de l’administration. Donc comment les atteindre pour qu’elles remplissent le questionnaire?

      C’était le cas avec le Recensement fédéral de la population (jusqu’en 2000), et c’est toujours le cas avec le Relevé structurel (dès 2010).

      1. Ceux qui logent des sans-papiers ont la responsabilité de soumettre le questionnaire aux personnes qu’ils abritent et les recenseurs doivent tout contrôler.

      2. Les sans-papiers n’existent pas en Suisse…

        On les appelle sans-papiers car leurs employeurs (travail au noir), leurs assistants sociaux et les profs de leurs enfants refusent de transmettre leurs infos à la police des migrations.

        Mais ils sont tous inscrits et ont tous des papiers, ne serait-ce que pour toucher l’aide sociale.

  2. Utile sans doute… mais les géographes n’ont pas servi à grand chose face à la pandémie… sauf à compter les morts. Et encore, je parie qu’ils télétravaillaient.

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