Vallorbe: la forteresse de l’espoir

Vallorbe est sauvée ! Après des années d’incertitudes, le sort du centre d’accueil de requérants d’asile a été annoncé le 28 juin. Immortalisé en 2008 par le documentaire tout en nuance de Fernand Melgar « La forteresse » ; on avait craint sa désaffectation avec la restructuration générale de l’asile et la forte concentration géographique qu’elle implique. Il a ensuite été question d’en faire un centre de départ, uniquement destiné à l’hébergement de demandeurs d’asile déboutés. Dans les deux cas, l’expérience des collaborateurs du centre et le réseau solidaire d’accueil tissé par les  bénévoles de l’ARAVOH (Association auprès des Requérants d’Asile à Vallorbe Œcuménique et Humanitaire) – auraient été perdus. Malgré des débuts parfois difficiles il y a près de vingt ans, les Vallorbiers s’étaient mis à tenir à leur centre d’accueil et ne voulaient pas se contenter des renvois !

Concrètement, la convention signée entre la commune, le canton et la confédération fait de Vallorbe, dès le 1er mars 2019, le quatrième Centre fédéral pour requérants d’asile de Suisse romande avec Boudry (NE) – seul centre où auront lieu les procédures – Chevrilles (FR) et le Grand-Saconnex (GE). Vallorbe conservera ses 250 places d’hébergement, et les 30 emplois pour le personnel d’encadrement et de sécurité seront maintenus.

Vallorbe se distinguera de tous les Centres fédéraux du pays par le profil très spécifique d’une partie des personnes accueillies. Il s’agira en effet de la presque totalité (80%) des personnes reçues en Suisse dans le cadre de programmes de réinstallation directe en provenance de pays touchés par la violence ou de zones de premier asile où les exilés demeurent vulnérables. La Suisse a ainsi déjà accueilli à ce titre – via le HCR – plusieurs millier de victimes du conflit syrien et tout récemment des personnes bloquées en Libye. Ce fut aussi, dans les années septante, la voie d’accès ouverte aux Indochinois. Selon les périodes, la proportion de ces « réfugiés de contingent » devrait avoisiner un tiers des personnes logées à Vallorbe[1].

Ce sont donc des réfugiés déjà acceptés par la Suisse qui transiteront – certes courtement – par Vallorbe. Une belle occasion pour les Vallorbiers de poursuivre le remarquable travail d’accueil pratiqué depuis des années. Une occasion sous condition cependant – et c’est là le grand espoir désormais associé à la forteresse – que le Conseil fédéral et le parlement confirment et maintiennent la participation de la Suisse aux programmes de réinstallation du HCR au-delà de 2019. Une facette essentielle du régime de protection.

 

 

 

 

[1] Les autres personnes qui résideront dans le centre seront en attente d’une décision définitive (procédure accélérée), ou dans une procédure Dublin. Elles seront ainsi dans une situation inverse par rapport aux réfugiés de contingent d’un renvoi très probable ce qui demandera beaucoup de doigté dans l’administration du centre.

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.