Les naturalisations en hausse

Les chiffres définitifs des naturalisations que nous évoquions dans un Blog précèdent sont tombés. Plus de 40'000 personnes ont acquis la nationalité Suisse en 2015 et la hausse est très sensible par rapport aux années précédentes.Beaucoup d’étrangers sont désormais en Suisse depuis longtemps et satisfont aux conditions de naturalisation. Pour les réfugiés qui sont de plus en plus nombreux, la nationalité suisse est particulièrement attractive. Elle marque une volonté d’établissement avec peu de perspectives de retour. La croissance répond aussi sans doute à un durcissement et aux incertitudes de la politique suisse vis-à-vis des étrangers « post- 9 février 2014 ». La nationalité c’est la garantie de pouvoir rester quoi qu’il arrive. De plus, se naturaliser en 2015, c’était prendre les devants par rapport aux durcissements bien réels de la loi sur la nationalité qui entreront en vigueur le 1.1.2018. Même si la durée de séjour  sera réduite de 12 à 10 ans l’exigence d’un permis C privera les personnes admises provisoirement et  certains fonctionnaires internationaux de la possibilité de devenir Suisse. Le canton de Genève a pris les devants et incite les étrangers présents de longue date à se naturaliser. A cet égard, on va sans doute connaître aussi de fort taux de naturalisation l’an prochain.

Voici les réponses données à Basile Weber lors d’une interview publiée sur ce thème par le journal COOPERATION (19 juillet 2016).

1.       Quels sont les facteurs qui influencent la décision de se faire naturaliser?

« Faire pleinement partie de la communauté », se sentir « chez soi » sont  souvent évoqués par les candidats.Mais le passeport suisse permet aussi de voyager plus facilement et d’avoir la certitude de pouvoir rester et revenir en Suisse.

2.      Est-ce que les personnes de certaines nationalités sont plus enclines à se faire naturaliser que d’autres?

Les personnes qui ont dû  « tout quitter » – surtout les réfugiés – sont souvent très demandeuses d’une nationalité qui permet « une nouvelle vie ». Les migrants de l’UE ou ceux qui envisagent de rentrer sont moins enclins à se naturaliser.

3.       En comparaison européenne, le taux de naturalisation en Suisse est relativement bas. Comment l’expliquez-vous?

Ce taux était historiquement encore plus bas. Il a augmenté, mais reste inférieur à la moyenne européenne. Certaines personnes ne souhaitent pas changer de nationalité. Le temps de séjour nécessaire de 12 ans [nb. 10 ans dès 2018] et les exigences élevées posées par la Suisse sont aussi un frein. Dans un pays comme la Suède, la nationalité s’acquiert après quelques années et ce n’est qu’une formalité administrative.

4.      Pensez-vous que la Suisse devrait assouplir ses conditions d’octroi de la nationalité?

Pour la 3e génération (personnes dont les grands-parents étaient déjà en Suisse), c’est vraiment une nécessité. Le parlement y travaille actuellement. Pour les autres, avec la révision de la loi dès 2018, les conditions seront  au contraire plus restrictives (permis C exigé).

5. Le taux de naturalisation varie aussi fortement selon les cantons. Pourquoi existe-t-il de telles différences?

Le profil des étrangers (durée de séjour, nationalité) varie d’un canton à l’autre. Mais certains cantons encouragent activement la naturalisation ce qui est une bonne chose. Les naturalisés ont les même droits et les même devoirs que les Suisses. Ils renforcent ainsi la cohésion nationale.

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.