Le BREXIT pour soulager Calais ?

L’affirmation du ministre français de l’économie Emmanuel Macron selon lequel "Le jour où [l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’UE] sera rompue, les migrants ne seront plus à Calais" est évidemment destinée à convaincre les britanniques de s’opposer au BREXIT. Son raisonnement se fonde sur l’idée que l’abrogation des accords du Touquet permettant à la Grande-Bretagne d’effectuer des contrôles sur sol français permettra aux migrants de gagner facilement l’Angleterre. Cette affirmation reste très hypothétique et présente un côté pervers. Elle donne en effet l’impression à tous ceux que la situation de Calais scandalise que la fin de la coopération européenne améliorerait les choses.

Rien n’est plus faux car, bien au contraire, c’est l’insuffisance de la collaboration franco-britannique et en particulier le fait que la Grande-Bretagne ne soit que très partiellement partie prenante aux accords de Dublin et aux programmes d’accueil de réfugiés développés par l’UE qui explique la jungle de Calais. Une fois en Angleterre, un demandeur d’asile ayant séjourné en France y est rarement reconduit au titre de Dublin comme c’est le cas s’il se rend en Suisse. Une incitation à tenter le passage au péril de sa vie est donc à craindre. A l’inverse, de nombreux migrants bloqués à Calais ont des membres de leur famille en Grande-Bretagne. Or les accords de Dublin permettent précisément de tenir compte – certes imparfaitement – des liens familiaux (cf. art. 8 à 11 et 16). S’ils étaient appliqués avec humanité, ils donneraient la possibilité à de nombreux migrants bloqués à Calais de déposer une demande d’asile en Angleterre après s’être enregistré en France.

Ceci ne suffit pas à donner un satisfecit aux accords de Dublin car faute d’une véritable politique de répartition des responsabilités, ils sont aussi une cause du chaos de l’asile en Europe, mais cela montre que c’est bien la voie d’une collaboration renforcée qui doit être suivie pour le résoudre. Pas celle d’un Brexit. Sur ce point, M. Macron, nous sommes d’accords.

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.