Un des premiers pays d’immigration au monde !

L’Office fédéral de la statistique vient d’annoncer qu’en 2013, 2,4 millions des 6,8 millions d’adultes vivant en Suisse sont issus de la migration. Ce chiffre est considérable. Il fait de la Suisse – bien qu’elle ait longtemps voulu l’ignorer et le nie peut-être encore – un grand pays d’immigration à l’image du Canada ou de l’Australie, loin devant tous les autres pays européens et les USA.

Notre graphique de la proportion de personnes nées hors du pays – basé sur une définition différente de celle de l'OFS mais permettant la comparaison internationale – montre que seules les économies pétrolières peu peuplées du Golfe et les pays accueillant des vagues de réfugiés comme la Jordanie comptent plus de résidants nés hors de leurs frontières que la Suisse. Il n'y a que Singapour et Hong-Kong, petites économies très dynamiques et très prospères (!) jouant à plein la carte de la globalisation (!), pour rivaliser avec la Suisse par leur ouverture aux immigrants.

L’immigration représente donc une composante majeure de la société Suisse. Comment expliquer qu’un pays qui, jusqu’au 19e siècle, avait plutôt l’émigration pour tradition soit devenu un exceptionnel espace d’accueil et de brassage à l’échelle mondiale ?

Un premier facteur explicatif est d’ordre économique. Le besoin de main-d’oeuvre a été l’élément déclencheur majeur de l’immigration dès la fin du XIXe siècle puis dans les années 50 et 60. Encore aujourd’hui, les niveaux record d’immigration enregistrés ces dernières années s’expliquent par la prospérité et le faible taux de chômage. D’autres facteurs ont cependant joué leur rôle : la position centrale en Europe et l’importance des bassins de populations situés dans les pays proches ont grandement facilité le recrutement. La taille du pays a aussi eu son effet. Plus un territoire est exigu plus la proportion de ses résidents venant de l’extérieur est par définition élevée. Enfin, plus récemment, la Suisse a accueilli un effectif non négligeable de personnes fuyant des situations de violence ou de persécution politique. Comme le dit – au sujet de la France – le beau titre d’un ouvrage posthume des historiens Lucien Febvre et François Crouzet récemment retrouvé « Nous sommes des sang-mêlés » !

 

 

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Ce texte est une mise à jour d'un chapitre de l'ouvrage "L'immigration en Suisse – 60 ans d'entrouverture", PPUR, Le Savoir Suisse, 2013

Personnes issues de la migration selon l'OFS : personnes dont les deux parents sont nés à l’étranger ainsi que les étrangers et les personnes naturalisées dont au moins un des parents est né à l’étranger.

Seuls les pays de plus d'un million d'habitants figurent dans le graphique. En Europe, la proportion de personnes nées à l'étranger est plus élevée dans des pays tels que le Luxembourg, Monaco, etc…

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.