Non, non, ne regardez pas!

Dans cette chronique, on ne vous parlera pas des gobelets XXL, ni des Américains qui s’habillent presque en pyjama quand ils prennent l’avion, parfois avec leur oreiller sous le bras. On ne reviendra pas sur ces curieux tics de langage, comme le vocal fry, ni sur le boom presque indécent des emotional pets – «Oui, Monsieur l’agent, laissez-moi entrer dans l’avion avec mon cochon de compagnie, c’est mon antidépresseur à moi!» –, ni sur les rayons des supermarchés avec au moins 40 sortes de laits différents, ou la phrase «Désolé, je ne suis pas sûr que le four soit assez grand pour votre dinde de Thanksgiving» qu’on vous balance quand vous cherchez un appartement.

Il y a mille autres exemples de ces petits riens qui font la différence entre Américains et non-Américains. Connus ou moins connus. Qui étonnent, intriguent. Ou énervent. Comme ces pauvres légumes, dans les étals de supermarchés, qui sont sans cesse arrosés par des brumisateurs sans avoir rien demandé. Non, mais sérieusement, ce petit arrière-goût, tenace, de moisi, de mouillé, ou de je ne sais quoi, qui fait que brocolis, courgettes et carottes ont tous le même goût, ça ne dérange personne? Je pourrais aussi pester contre les locataires de mon immeuble qui commandent à tour de bras des articles sur internet – à croire que certains passent leur vie à faire ça – et laissent les cartons s’accumuler dans le hall de l’immeuble. Comment un carton AmazonFresh peut-il contenir encore quelque chose de ragoûtant après quatre jours d’inactivité dans mon lobby?

En fait, cette fois, j’ai surtout envie de vous emmener du côté des toilettes. Vous savez, ces toilettes avec des portes en inox que l’on retrouve un peu partout, avec un loquet qui fonctionne une fois sur deux (ah oui, autre chose à laquelle je n’arrive pas à me faire: les loquets qui se tournent dans le sens inverse). Eh bien, il y a une chose qui m’intrigue: cet espace des deux côtés de la porte, qui fait bien près de 2 centimètres. Suffisamment large pour voir à travers. Ou, selon le point de vue, de se sentir observé(e), mal à l’aise. Plutôt surprenant dans un pays où les contacts physiques sont codifiés pour éviter le moindre faux pas et où la notion d’«espace privé» est sacro-sainte. Non?

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *