Aux Etats-Unis, la provocation par les armes

Des fusils d’assaut AR-15 disponibles en libre-service à Chicago? Plutôt que d’y décrocher son vélo, on y prend son semi-automatique. Et advienne que pourra. Les images de ces fusils à crosse bleue sur bornes, dans un pays où les armes à feu font des ravages et où le président pense qu’il serait utile d’armer les enseignants, sont frénétiquement partagées sur les réseaux sociaux. Ah oui, juste une précision: il ne s’agit pour l’instant que d’une installation artistique, avec des fusils fictifs.  Le «Metro Gun Share Program» émane notamment du Brady Center, une association qui lutte contre la violence armée. Mais avouez que vous y avez cru pendant quelques secondes. D’ailleurs, en janvier 2015, le journal satirique The Onion y avait déjà songé

La provocation par les armes, un autre y a pensé: le comédien Donald Glover, alias Childish Gambino quand il se présente sous ses traits de rappeur. Lui aussi dénonce la facilité avec laquelle les Américains peuvent s’acheter des armes, au nom du sacro-saint Deuxième amendement de la Constitution. Son clip «This is America» fait fureur.

Donald Glover s’y contorsionne, en singeant l’Amérique raciste, violente et consumériste. Childish Gambino y montre ses talents de danseur dont certaines poses renvoient à une caricature du personnage de Jim Crow, qui a donné son nom aux règlements racistes promulgués entre 1876 et 1964 dans certains Etats du Sud. Comme le «Jumping Jim Crow» – un Blanc qui s’est noirci le visage pour imiter un esclave -, il se dandine,  se déplace comme une marionnette, roule les yeux et exagère son sourire. Les clichés du Blanc qui se moque du Noir. 

Surtout, dans son clip, Donald Glover recourt à deux reprises à une arme de guerre. Il tire d’abord sur un homme encagoulé. Puis, dézingue un choeur de gospel. Une allusion à la tuerie dans l’église méthodiste de Charleston du 17 juin 2015. Les symboles sont si nombreux, que les médias américains n’en finissent plus d’interpréter la vidéo.

Donald Glover est devenu un peu l’anti Kanye West, ce rappeur qui ne cache pas soutenir Donald Trump. Et qui a déclenché une polémique il y a quelques jours en tenant des propos obscènes concernant l’esclavage (il a parlé de «choix»).  «Bien sûr, je sais que les esclaves n’ont pas été enchaînés et embarqués sur des bateaux de leur propre chef. Je voulais dire que le fait d’être restés dans cet état alors que nous étions plus nombreux signifie que nous étions mentalement esclaves», a-t-il tenté de se justifier sur Twitter. Il lui reste toutefois un point commun avec Childish Gambino: lui aussi se dit anti-armes. Kanye West s’est du moins montré à Washington lors de la grande marche organisée par les jeunes rescapés de la fusillade Parkland.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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