James Comey et ses six détracteurs à pancartes à New York

Mercredi soir, James Comey, le patron du FBI limogé par Donald Trump, était à New York pour une étape de son marathon de la vengeance, dans la libraire Barnes and Noble, à Union Square. Il était attendu pour parler de son livre A Higher Loyalty: Truth, Lies, and Leadership (Mensonges et vérités, pour l’édition française), lui qui vient de comparer le président américain à un «chef mafieux», «menteur» et «égocentrique». Le 4e étage était bloqué pour l’occasion, pour des raisons de sécurité, et ne pouvaient y accéder que ceux qui avaient obtenu des heures plus tôt un petit bracelet en faisant la queue pour acheter le livre. Mais le spectacle était surtout dehors. Une poignée de supporters de Donald Trump anti-Comey était venus faire un peu d’animation, sous la surveillance de policiers trois fois plus nombreux qu’eux.

Il y avait une petite femme silencieuse, un bonnet rouge «USA» sur le crâne, avec une pancarte «Women for Trump», un gaillard bien plus bavard, qui secouait un immense drapeau «Trump 2020», un vieux Monsieur avec une affiche «Jail Comey». Puis deux femmes sont arrivées, hurlant des propos incompréhensibles, mêlant le «traître Comey» à des histoires de pédophilie et de trafics d’enfants. «Lucifer se chargera de tout. Dieu est au-dessus de nous, ne l’oubliez pas!», tonne l’une d’elle. Une autre femme les a rejoint, affichant fièrement le logo de la NRA, le lobby des armes.

Parmi ces manifestants, que les policiers ont très vite contenus en les encerclant de barricades, un homme se démarquait. Un jeune gars aux allures de faux nabab qui se croit irrésistible, chaussures pointues et lunettes mangeant la moitié de son visage. Accroché à son selfie stick, il commentait la petite manifestation en se pavanant et espérant qu’on l’observe. C’est Jovanni Val, dit «Jovi Val», dont le compte Twitter a été suspendu. Jovi Val s’est notamment répandu en juillet sur les réseaux sociaux après avoir été agressé lors d’une fête organisée par Milo Yiannopoulos, exhubérant repésentant de l’Alt-right, qui a été rédacteur du site d’extrême droite Breitbart News, la plateforme du controversé Steve Bannon.

Ces trumpistes-là avaient tout prévu pour faire parler d’eux et divulguer rapidement des bribes de leur mobilisation sur les réseaux sociaux. Certains ont joué la provocation et ont eu quelques échanges vifs avec les passants. Une vieille dame distinguée passe devant eux en leur faisant un immense doigt d’honneur. «Ils sont si peu nombreux! J’ai presque pitié d’eux, je devrais rejoindre leur groupe avec une pancarte «A bas les Noirs!», ironise une avocate afro-américaine. «Ces gens sont payés pour faire ça…», glisse une retraitée. Elle lève les yeux au ciel.

Amusés et moqueurs: c’était bien l’attitude des New-Yorkais qui passaient à ce moment-là du côté de Union Square. Il faut dire que ce petit groupe parqué comme du bétail derrière des barrières donnait une curieuse impression. Surtout, les New-Yorkais sont peu sensibles à leurs agitations: près de 95% ont voté en faveur de Hillary Clinton le 8 novembre 2016. «Non, mais regardez-les! Ne sont-ils pas risibles?», lance une jeune femme, qui s’est arrêtée quelques minutes pour les observer. Comme d’autres, elle s’est crue au spectacle. Il ne manquait que le pop-corn.

Payés ou pas, pendant que ces anti-Comey s’égosillaient dehors à coups de «Lock him up!» sous l’oeil impassible des policiers, l’ex-patron du FBI est parvenu à entrer discrètement dans la librairie. Par une porte de secours. 

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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